Tailleur Bleu roi, sourire narquois, l’Ambassadrice américaine se faufile dans les couloirs du Palais de la Nation, l’austère temple du pouvoir congolais, ancienne résidence du Gouverneur-Général du Congo-Belge, construite en 1956. A ses côtés, Léonard She Okitundu, l’omniprésent chef de la diplomatie congolaise, arborant lui aussi un faux sourire, qui cache à peine l’anxiété et l’euphorie qui entourent cette visite tant attendue de l’officielle américaine dans la capitale congolaise en crise.
Annoncée par Donald Trump lui-même en marge de la 72ème Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier, la toute première tournée de l’Ambassadrice américaine dans le Continent noir a le mérite de faire connaître la position officielle de la nouvelle Administration Trump, très attendue, sur les crises qui gangrènent l’Afrique. Au Congo, alors que opposition et pouvoir s’affrontent dans une guerre sans merci, une décision américaine, gendarme du monde, ferait substantiellement pencher la balance d’un côté tout comme de l’autre.
Comme un symbole, le vendredi à Kinshasa, Nikki Haley est installée dans la salle d’accueil bien avant l’arrivée du président Kabila: une hôte qui reçoit. Avec son look de vieux maquisard, taillé en tenue funéraire, le président congolais fait irruption en vitesse pour s’offrir une séance photos qui fera le bonheur de médias.
Le bonheur c’est toutefois ce qui manque à ce tête-à-tête de deux heures et à huis-clos, du moins du côté de la Majorité Présidentielle. Bien avant même de rencontrer le Président, Haley a sonné la charge, en annonçant ouvertement la position de l’Amérique: des élections en 2018. Prenant tout le monde à contre-pied, elle déclenche alors la colère des lieutenants de première ligne de la majorité.
« Mme Haley, comme tout autre partenaire international, a le droit de donner son avis sur la situation dans notre pays, et nous acceptons volontiers cela. Mais ça ne doit pas aller au delà des simples recommandations », a réagi un peu plus tôt un cadre de la majorité au pouvoir joint au téléphone par POLITICO.CD.
Le légendaire franc-parlé Républicain fait ses preuves également face au Président. Il n’y aura de détours, Nikki Haley n’y va pas par le dos de la cuillère. « C’était une conversation ferme et franche« , dit-elle à un petit groupe de journalistes, citée par Reuters, au sujet de son entretien avec le président congolais.
L’Ambassadrice américaine ajoute qu’elle avait « clairement fait savoir que les Etats-Unis voulaient voir des élections en République démocratique du Congo en 2018″, et que son pays n’accepterait « plus aucun report. »
« Une relation avec les Etats-Unis dépend de la façon dont il [Kabila] agira à l’avenir« , a-t-elle déclaré. « Il [Kabila] a la capacité de soutenir cela ou non, mais nous avons la capacité de prendre nos décisions en fonction de cela. »
Silence du côté du pouvoir congolais, l’électrochoc est administrée. Hébété, Lambert Mende monte néanmoins sur le ring, boxer tout seul certes. « Ce n’est pas au gouvernement ni à Mme Haley d’organiser les élections », a déclaré M. Mende à Reuters. « Je ne pense pas que nous pouvons être soumis à ce genre de diktats. »
Diktats, il y en a bien eu à Kinshasa. Aux allures condescendantes, mais très utiles à une crise sans fin. L’Amérique, qui s’assume, impérialiste, mais obligée, vient peut-être de sonner la fin de la recréation en RDC. Si She Okitundu réfute cette colère, à la Mende, la situation va diamétralement changer. Ni transition sans Kabila, ni 504 jours, il n’en sera plus question. Chacun doit, comme après un choc électrique, revoir son plan. Le peuple, peut, dans son sommeil profond, à présent compter sur l’ingérence de la grande puissance mondiale, certes défendant ses propres intérêts.
Litsani Choukran,
Le Fondé.