« Le problème de la RDC c’est sa diplomatie » me confiait un diplomate européen. Le moins que l’on puisse dire, la solution semble n’avoir pas été trouvée. Pourtant, en décembre 2016, après des longues années sous la férule de Raymond Tshibanda, traversant marées et tempêtes, Joseph Kabila décide finalement de faire hisser un nouveau boxeur sur ring international. La diplomatie congolaise allait donc changer. Léonard She Okitundu, fidèle des fidèles, l’homme qui a payé, au plus profond de son âme, le prix fort du Kabilisme le soir du 12 octobre 2006 à Londres, allait pouvoir être réhabilité.
A 71 ans, ce natif de Lodja, capitale du Sankuru, la même province qu’un certain Patrice Emery Lumumba, présentait tout d’un bon choix : le deuxième et dernier mandat de Kabila venait d’expirer ; la guerre politique fait rage, un accord politique à ne pas respecter venait d’être signé à Kinshasa. Le monde entier, notamment la sous-région, avait alors les regards braqués vers la RDC.
La diplomatie selfie
Dès son arrivée, Okitundu prend les choses en mains. Kabila, semble-t-il, lui laisse alors la main dextre et met les moyens. La « diplomatie agissante, dissuasive et offensive au service de la nation » est vite mise en place. Le 22 mars 2017, il s’illustre : il pose aux côtés de son homologue zambien Harry Kalaba des Affaires étrangères. Le temps capturé ici pourrait bien paraitre anodin. Mais, voilà, il symbolise en soie cette nouvelle manière de faire ; celle de la nouvelle diplomatie congolaise.
Car 24 heures avant sa descente à Lusaka, la Zambie s’est retrouvée impliquée dans une chicane entre le gouvernement de la République démocratique du Congo et son opposition, personnifiée pour l’occasion par Moïse Katumbi. L’ancien gouverneur du Katanga, transfuge du pouvoir, avait eu le temps de s’afficher dans la capitale zambienne et provoquer ainsi l’ire de Kinshasa. Une lettre de l’Ambassadeur congolais en poste à Lusaka aurait même sanctionné le différent. Pour une fois, la diplomatie congolaise allait réagir au quart de tour. Le nouvel homme qui l’incarne, fait passer le message : nous ne lâcherons plus rien.
La même année déjà, en février, à peine quelques jours après son arrivée dans un gouvernement aux contours penauds, Léonard She Okitundu avait choisi de riposter de la même manière lors qu’une autre polémique, autour des funérailles de Tshisekedi, avait cette fois-là touché Kinshasa. Le Chef de la diplomatie congolaise n’avait pas attendu longtemps pour s’envoler vers Bruxelles, y rencontrant son homologue Didier Reynders, éteignant ainsi le brasier qui s’y préparait.
Par la suite, le nouveau chef de la diplomatie galopera vers l’Afrique australe, histoire de réchauffer quelques amitiés traditionnelles au régime de Kinshasa, en pleine tourmente depuis des années. A Luanda, ou encore à Pretoria, She Okitundu y sera reçu en pompe, et en coulisses. Il n’annonce que des victoires : la Communauté de développement d’Afrique australe (SADEC en anglais) n’aura jamais été aussi acquise à la cause de Kabila, tout comme l’Union Africaine, ou encore, des voisins comme le rwandais Paul Kagame, ou le nouvel arrivant en Angola, João Lourenço.
« L’esthétique tue le vélo »
Plus loin, du côté de l’ONU, « She » déclare des victoires, via un compte twitter, @diplomatieRDC: comme ici, photos à l’appui, aux côtés d’Antonio Guterres, le SG de l’ONU, en pleine tourmente de l’affaire Kamwina Nsapu. Et lorsque des sanctions européennes ou américaines commencent à tomber, le même procédé est alors appliqué : on prend vite photo avec Serguei Lavrov, le chevronné ministre russe des Affaires étrangères, histoire de montrer que l’on peut effectivement se tourner vers l’Est.
Mais voilà, au Congo, chez nous, on dit souvent : « l’esthétique ne doit pas tuer le vélo ». Si les photos « check hands » n’apportent rien de concret à l’opposition congolaise, elles n’apporteront rien également à la diplomatie de la RDC, ni à Kabila. Le temps qui passe, n’embellit visiblement pas la situation de Kinshasa.
La nouvelle diplomatie aux résultats scintillés claustre finalement des manques d’engament ou des positions qui sont loin d’enlacer la cause de Kinshasa. De plus, loin de résulter d’une politique coordonnée, la diplomatie congolaise va dans tous les sens : à Washington, le binôme Kikaya – Tshibanda paie à coup de millions des lobbyistes qui n’arrivent pas à écarter la Damoclès de sanctions sur le cou de Kabila. A ceci, il faudra ajouter le cynisme, celui de vouloir à tout prix siéger au Conseil des Nations Unies pour les Droits de l’homme, sans résultats concrets : Kinshasa n’obtiendra pas un permis de tuer tout de même.
Fructueux entretiens tête à tête + délégations #Congo – #Russia : relance coopération mines/ investissements/militaire/agriculture/education pic.twitter.com/BKO2RUMZr6
— RDCongoDiplomatie🌍 (@DiplomatieRdc) March 22, 2017
Dans la sous-région, Kabila est tout à coup pris de vitesse. Des changements, non anticipés, venus de l’Afrique du Sud, ou de l’Angola, ont semble-t-il fait basculer la situation. Ainsi, Paul Kagame, qui a longtemps gardé un calme prudent face aux sous-sols congolais dont il témoigne pourtant un amour inconditionnel, hausse le ton. A la grande surprise, Paris, qui vient pourtant de s’offrir des blocs pétroliers à la limite des Virunga dans l’Est du pays, embrasant l’Ituri entière, semble être au cœur de la partition. Pire, la diplomatie congolaise n’a même pas vu venir João Lourenço, l’homme qui a pourtant démontré ses capacités d’indépendance en mettant les Dos Santos, anciens mentors, sous régime.
She, le grand diplomate, aura finalement vendu des résultats qui n’en étaient pas ; se payant même le luxe de s’offrir un scandale de sextape, à tort ou à raison, tout en restant en poste. Par ailleurs, collé au siège des lignes business class des traversées aussi couteuses qu’incompréhensibles, il sillonne bien étrangement la planète, à la recherche de soutiens imaginaires et incongrus : à l’image d’une conférence mondiale du mouvement des non-alignés en… Azerbaïdjan en mai dernier. Symbole de cette impuissance, la dernière sortie devant Moussa Fakir, le président de la Commission de l’Union Africaine, qui n’a même pas fait semblant dans son communiqué final, exigeant, comme l’Angola, le Rwanda, l’Afrique du Sud, la France, la Belgique, et même le Congo-Brazzaville : « la tenue des élections le 23 décembre.»
Comme bien souvent, et alors que la vérité rattrape la fiction, Kabila doit à présent se réveiller. La Belgique, que l’on a si bonnement mis à dos du Congo, doit à présent être courtisée. Car entre-temps, il faut oublier l’Amérique, après sans doute avoir préféré gueuler sur Nikki Haley en public. Il faudra tout aussi se plier à des courbettes face aux voisins qui nous veulent, selon eux, du bien. A Luanda prochainement, Kabila devrait alors mesurer l’impact réel de sa diplomatie.
Litsani Choukran,
Le Fondé.
Un commentaire
bonaventurier des politiciens congolais .ils doivent savoir que c est la consequence de ne pas respecter la constitution de ne pas organiser les elections en temps reglementaire constitutionnel.en conclusion ils se respectent moins