Ayant démissionné du ministère de la santé de la République Démocratique du Congo suite à la décision de la présidence de la République de mener à son niveau la riposte contre la dixième épidémie d’Ebola, Oly Ilunga Kalenga est revenu dans une interview exclusive accordée à POLITICO.CD sur les enjeux autour de l’introduction d’un nouveau vaccin dans la riposte contre Ebola.
L’ex ministre de la santé, qui a prêté un membre de son cabinet à la nouvelle coordination de riposte pour la relance de la publication des bulletins d’information quotidiens sur Ebola après une semaine de black-out indique qu’une campagne de diffamation a également été lancée contre sa personne par les personnes, qui se sont impliquées à l’insu des autorités sanitaires à lancer une campagne de vaccination contre Ebola avec le vaccin de la firme Johnson & Johnson, non encore approuvé nulle part dans le monde.
Oly Ilunga Kalenga à également indiqué que des informations du gouvernement américain transmises à l’organisation mondiale de la santé prouvent le manque d’efficacité du vaccin de Johnson & Johnson.
Comment avez-vous acceuili la décision nommant un comité technique pour la lutte contre Ebola par la présidence de la République ?
J’étais le responsable du ministère de la santé et j’ai accepté la décision de la présidence de la République qui a institué un comité technique pour lutter contre la maladie à virus Ebola.
Je me suis retiré du ministère de la santé car la constitution de ce comité a été faite à mon insu.
Depuis l’apparition de l’épidémie d’Ebola dans la région du Nord-Kivu et de l’Ituri, nous avons mené des plans qui ont permis de limiter la propagation de la maladie à virus Ebola dans les autres provinces et dans les pays voisins. C’était la troisième épidémie auxquelles nous fassions face avec le professeur Muyembe Tamfum
Dans votre lettre de démission, vous indiquez craindre les conséquences qui peuvent découler de l’introduction d’un nouveau vaccin dans la riposte contre Ebola dans les deux provinces touchées. Sur quelles données, basez-vous vos inquiétudes ?
Par rapport à l’introduction d’un second vaccin, il faut souligner qu’il y a un vaccin en cours d’utilisation qui démontre son efficacité, notamment qui nous permis de rompre la chaîne de contamination lors de la détection d’un cas à Goma avec la vaccination des contacts du premier cas confirmé dans cette ville de plus millions d’habitants. Ce vaccin démontre son efficacité à dix jours de vaccination. En collaboration avec un consortium pour étudier la possibilité d’introduire d’autres vaccins, dans la réunion qui s’est tenue du 28 au 29 juin, les informations qui nous ont été transmises ne permettent pas d’affirmer que le vaccin est efficace. Ce qui explique qu’il est inapproprié que ce vaccin soit utilisé dans l’épidémie en cours. Nous avons également eu accès aux documents du gouvernement américain transmis à l’OMS qui indiquent clairement que ce vaccin n’est pas efficace.
Certaines actions de terrain nous ont interpellé notamment certains acteurs du consortium qui préparaient déjà des séances de vaccination, malgré les conclusions de la réunion du 28, 29 juin dernier.
En tant que ministre de la santé, la décision que j’ai prise tient compte de l’intérêt de santé publique, qui met en avant la population. Pour moi, il n’y a pas de nécessité d’introduire un second vaccin car celui en cours d’utilisation qui a prouvé son efficacité et qui est une référence mondiale. Il y a une quantité suffisante de ce vaccin. Pour l’instant, il n’y a pas des raisons objectives appelant à l’introduction d’un second vaccin.
Vous dénoncez également un manque d’éthique de la firme Johnson & Johnson, fournisseur du nouveau vaccin. Sur quels éléments soutenez-vous ces accusations ?
Dans aucun pays au monde, vous ne pouvez pas vouloir introduire un médicament qui n’est pas agréer nulle part au monde sans en parler les autorités sanitaires du pays concerné. Ceci constitue un manque flagrant d’éthique et de respect de la population congolaise et c’est totalement inacceptable.
Le nouveau comité technique qui conduit la riposte attend éradiquer la maladie à virus Ebola à la fin de cette année. Êtes-vous du même avis ?
Les experts déployés dans la région où sévit Ebola sont les héros, qui ont écrit une page dans le monde de la santé publique.
Malgré le changement à la tête de la coordination des équipes de la riposte, il faut savoir qu’il y a qu’une seule stratégie de riposte: vaccination, surveillance, prise en charge, sensibilisation,… qui fera le succès de la riposte, même si la coordination de la riposte est changée.
Une certaine opinion appelle à un audit de la gestion par votre ministère de fonds alloués à la riposte contre Ebola. Êtes-vous prêt à accompagner cette procédure ?
Sur les questions financières, depuis le début de la riposte nous travaillons de manière ouverte. Il existe une équipe interinstitutionnelle comprenant des membres du ministère de la santé, OCHA, la Banque Mondiale, OIM, le PAM qui coordonne touts les aspects financiers notamment la mobilisation des ressources et des allocations. Nous avons travaillé dans la transparence, redevabilité et faisons le point sur les attributions de ces ressources aux personnes habilitées. Si nous avons éviter de parler autour d’argent, c’était pour protéger les agents de la riposte sur terrain.
Une lettre du Fonds Mondial adressée au ministère de la santé semble avoir été ignorée par vous et votre équipe, pourtant une procédure essentielle pour la mobilisation des fonds en faveur de la santé publique en RDC
Une campagne de diffamation est en cours depuis l’annonce de notre démission en rapport avec une lettre du Fonds Mondial, qui demande au ministère de la santé de lui envoyer les informations sur les allocations des fonds contreparties offerts par le Fonds Mondial pour combattre les différentes maladies. Le ministère de la santé rassemble les éléments obtenus de secrétariats généraux du ministère de finances et du ministère de budget. C’est le secrétariat général de la santé, qui transmet ces informations au Fonds Mondial après la collecte des informations au niveau de ces ministères ci-haut cités. Ces procédures administratives qui mettent sur une même table le ministère de finances, de budget et la banque centrale autour du secrétaire général du ministère de la santé sont en cours. Ces démarches administratives recensent les dépenses effectuées dans le secteur de la santé et sont envoyées au Fonds Mondiale après leur mis en commun par le secrétariat général du ministère de la santé.
Propos recueillis par Fiston Mahamba (@FMLarousse) pour POLITICO.CD