La question de l’argent reste au centre des débats. D’autant plus que selon l’ancien ministre des finances, Henri Yav, le Trésor Public a payé 57 millions de dollars à destination d’un compte de Jammal Samih à la banque Ecobank. Mais étrangement, c’est à la Rawbank que ce dernier a reçu la totalité de l’argent. Le gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC), Deogracias Mutombo, confirme les faits et rappelle que la Rawbank, première banque commerciale de Kinshasa, n’était que la banque de correspondance dans cette opération.
Etrangement, le Tribunal n’a pas fait appelle à Thierry Taeymans, l’ancien Directeur général de la Rawbank, qui a même été emprisonné en mars dernier avant d’être relâché. En effet, au tout début des enquêtes, la justice avait fini par mettre rapidement la main sur ce banquier belge. Le 12 mars 2020, le Parquet de Matete convoque Thierry Taeymans pour l’interroger au sujet des transactions et des transferts en lien avec Jammal Samih et le gouvernement congolais dans le cadre d’un projet du programme d’urgence de 100 jours. Le Directeur général de la Rawbank finira arrêter. Il est alors placé en détention, puis transféré à la prison centrale de Kinshasa.
Le 20 mars, Thierry Taeymans est libéré. Mais non sans « coopérer » avec la justice. Ainsi, selon des informations de POLITICO.CD, la libération du banquier belge s’est faite dans des conditions strictes. Outre le paiement d’une caution de 10.000 dollars américains, il s’est notamment engagé à coopérer avec la justice dans le dossier concernant l’homme d’affaires libanais, Jammal Samih. Selon deux sources judiciaires proches du dossier, Thierry Taeymans s’est engagé, au nom de sa banque, à rembourser au Trésor public la somme de 35 millions USD présumée disparue. En outre, la Rawbank devra rembourser au Trésor public l’argent perçu par le Libanais Jammal « si les travaux ne sont pas achevés par son client ».
Parmi les autres absents du procès, il y a les deux fils de Jammal Samih. Selon des extraits bancaires de la partie civile, ces derniers ont quitté le pays quelques heures après l’arrestation de leur père, après avoir fait décaisser près de 30 millions de dollars des comptes de Jammal Samih. Prenant la parole, Jammal admis ces retraits, mais affirme qu’il s’agit de « son argent ». Au début de la semaine, le Procureur général près la Cour de Matete, Adler Kisula a saisi le Procureur général de Beyrouth au Liban, à travers une commission rogatoire. Mais les chances de les retrouver sont minces. D’autant plus que, selon nos informations, l’un s’est réfugié à Istanbul en Turquie.
Marie-Josée Mengi, collaboratrice d’Amida Shatur Kamerhe, est également l’autre pièce de l’affaire qui n’a pas été entendue par le tribunal. La femme d’affaires a été arrêtée en début de semaine, après avoir été recherchée par les forces de l’ordre. Convoquée plusieurs fois, elle ne s’était pas présentée, avant que le Tribunal ne lance un avis de recherche à son encontre. Elle s’est librement présentée au Parquet de Matete aux côtés de son avocat, avant d’être placée en détention. Le parquet a également ordonné une perquisition de son domicile. Mais elle reste concernée, comme Daniel Shangalume Kingi alias « Massaro », par une autre procédure en cours.
Ce qui est sûr, la justice congolaise n’en a pas totalement finie avec ce dossier du programme de 100 jours. D’autres procès sont en cours, concernant notamment David Blatner, le Directeur général de SAFRICAS, qui est poursuivi dans le cadre du marché des sauts-de-mouton. Il y a également le procès de Flugence Bamaros, qui est poursuivi aux côtés du Directeur général de SOCOC et du Directeur général de l’OVD, tous en détention. Les parquets de Matete et de la Gombe poursuivent par ailleurs les instructions autour d’autres dossiers.