L’attente a été longue. Elle est devenue fastidieuse. L’on en parle désormais de moins en moins dans les rues de la capitale, contrairement aux premiers jours. Depuis la nomination de Jean-Michel Sama Lukonde comme Premier Ministre le 15 février dernier, il s’est écoulé exactement 54 jours jusqu’à ce 10 avril 2021, sans que le nouveau Gouvernement ne soit formé. Déjà 54 jours. Quelque peu Inhabituel.
Le Gouvernement de l’ancien Premier Ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba qui a tout juste précédé Jean-Michel Sama Lukonde aura été celui qui a pris le plus de temps pour être formé, si l’on fait une comparaison depuis 2006, année du premier cycle électoral pluraliste en RDC. Nommé le 20 mai 2019, son équipe gouvernementale a été publiée le 26 août de la même année, soit 97 jours après.
Le prédécesseur de Sylvestre Ilunga Ilunkamba : Bruno Tshibala. La liste des membres de son Gouvernement a été dévoilée le 9 mai 2017, alors que lui-même a été nommé Premier Ministre le 7 avril de la même année. Donc, 32 jours après sa nomination.
Avant Bruno Tshibala, la RDC a eu comme Premier Ministre Samy Badibanga. Ce dernier a été nommé à ce poste le 17 novembre 2016. La liste des membres de son Gouvernement a été rendue publique le 19 décembre 2016, soit 32 jours plus tard.
C’est Augustin Matata Ponyo qui avait cédé son fauteuil de Premier Ministre à Samy Badibanga. Matata avait été nommé Premier Ministre le 18 avril 2012 et il a officiellement formé son Gouvernement le 28 du même mois, soit seulement 10 jours après.
Adolphe Muzito est arrivé à la Primature le 10 octobre 2008. Son Gouvernement a été dévoilé le 26 octobre de la même année, soit 16 jours plus tard.
Antoine Gizenga, le tout premier Premier Ministre de la période considérée, a été nommé le 30 décembre 2006. Son équipe a été dévoilée le 5 février 2007, soit 37 jours plus tard.
Il ressort de ces données que le Gouvernement qui aura pris le plus de temps possible avant sa publication depuis les premières élections démocratiques en RDC est celui de Sylvestre Ilunga. Il a fallu 97 jours pour cela, depuis sa nomination intervenue le 20 mai 2019. Son successeur, Jean Michel Sama Lukonde, vient en deuxième position, avec 54 jours d’attente jusqu’à ce 10 avril.
Quid de la taille ? Le Gouvernement Gizenga comptait 61 membres, celui de Muzito 53 membres, celui de Matata 1 comptait 36 membres. Après remaniement, il en comptait 47 en décembre 2014. Celui de Badibanga comptait 67 membres, celui de Tshibala 59 et celui de Ilunga, 65.
Au sujet des raisons pour lesquelles le Gouvernement Sama traine à être publié, le trihebdomadaire Africanews rapporte que « le Premier Ministre Sama Lukonde ainsi que les regroupements et partis de la majorité Union sacrée ont définitivement scellé les tractations autour du Gouvernement dont la sortie est pour bientôt. Ils ont aussi enchaîné avec des négociations sur le casting ministériel et la taille de cette équipe, légèrement retouchée et revue à la hausse. Ces informations ont fuité jeudi à l’issue de la rencontre de reprise des contacts entre Jean-Marc Kabund et les députés membres de l’Union sacrée », lit-on sur le site internet de ce journal qui rapporte que d’après ses sources, « on passerait de 45 à plus ou moins 55 membres ».
Le Professeur Billy Bolakonga, Recteur de l’Université mariste du Congo à Kisangani, estime que « ce qui retarde la formation et la mise en place des gouvernements en RDC, ce sont les appétits gloutons de l’animal politique congolais qui recourt à toute sorte de subterfuge pour se retrouver le plus proche possible de la mangeoire. En fait, la complexité de l’algèbre politique congolaise fait qu’aucune formation ni regroupement politique autonome monolithique n’a jamais obtenu la majorité absolue pour gouverner depuis 1960. A cette complexité algébrico-politique, s’ajoute celle des équilibres régionaux ou provinciaux qui veut que chaque province soit représentée au Gouvernement central alors que le principe de compétence devrait l’emporter sur tout autre considération; la logique qui devrait présider à la composition du Gouvernement devrait s’inspirer de celle de la formation de l’équipe nationale de football où seuls les meilleurs sont sélectionnés ».
Billy Bolakonga se veut à présent plus précis : « À propos de la situation actuelle, plusieurs facteurs ou variables rentrent en ligne de compte dans le blocage de la mise en place du Gouvernement Sama Lukonde. Il faut d’abord noter que le choix de ce dernier tient à sa personnalité faible et fragile sur le plan politique car non connu et sans assise réelle, afin probablement d’éviter de faire ombrage au Chef de l’État qui, visiblement, ne tolère ni contradiction musclée ni empiétement sur la puissance de son image véhiculée à coup de louange en sa faveur et de quolibets contre ses adversaires et même ses alliés circonstanciels. Ceci dit, la faible poigne de Sama qui devrait être un atout pour expédier rapidement les choses se révèle être finalement un désavantage notable, tant elle contribue à l’inflation des négociateurs formels et informels, visibles et invisibles mais dont la capacité d’influence et de nuisance est souvent incommensurable, chacun voulant rallier le plus grand nombre y compris dans le camp de nouveaux reconvertis du FCC dont ils se réclament d’ailleurs des protecteurs ! Dans un tel contexte, fusionner les listes pour faire une seule et unique équipe gouvernementale devient une tâche ardue, voire inextricable », estime le Professeur.
Par ailleurs, « ces mêmes acteurs/tribuns à la manœuvre, spécialistes dans le maniement simultané de la flagornerie et de l’intimidation miroitent des illusions à chaque fois qu’ils sont coincés par la délimitation de la taille du Gouvernement au point d’annoncer de nouvelles répartitions dans les entreprises. Seulement, habitués et maîtres dans la roublardise et la traîtrise, une fois des alliés absorbés et bernés, ils butent à des avertis ne leur faisant plus confiance, cherchant plutôt à s’assurer de ne point être victimes de cette seconde nature. C’est donc plus des problèmes de confiance, de loyauté et d’équilibrisme délicat qui se posent notamment en matière de réparation au prorata du poids politique dans un climat général de méfiance et de gourmandise politique jamais inassouvie qui se posent avec acuité. Il va donc sans dire que les risques d’implosion sont imminents et celle-ci pourrait subvenir plus tôt que prévu surtout dans une Union sacrée très hétéroclites où chacun y participe avec un agenda caché de 2023 », conclut le Professeur.
GONTCHO et Serge Sindani
Un commentaire
Bonjour. Le gouvernement de Sylvestre Ilunga Ilunkamba comptait 66 membres vu que, selon la Constitution, le Premer Ministre en fait partie (Article 90, 1et alinéa: Le Gouvernement est composé du Premier ministre, de ministres, de Vice-ministres et, le cas échéant, de Vice-premier ministres, de ministres d’Etat et de ministres délégués.) Vous aviez d’ailleurs inclu le PM dans le nombre de membres des autres gouvernements de la 3ème République.