Depuis le samedi dernier, mouvements citoyens et groupes de pression ont appelé à des journées ville-morte dans la ville et la périphérie de Goma pour exiger le départ de la Monusco dont la présence est jugée inactive non seulement dans la ville de Goma, mais aussi dans toute cette province du Nord Kivu.
Le dimanche, deux transporteurs de braises qui appartiendraient à la communauté Kumu ont été tués par armes blanches. Des jeunes de la communauté Nande ont été accusés d’avoir perpétré ce crime, ce qui a suscité une vive tension entre Nande et Kumu dans le territoire de Nyiragongo depuis la nuit même du dimanche. Ces violences intercommunautaires ont provisoirement fait 7 décès, 22 blessés et plusieurs maisons incendiées, selon le bilan rendu public par Carly Nzanzu, Gouverneur du Nord Kivu.
Réagissant ce mardi 13 avril à cette situation, la coalition Lamuka représentée par les opposants radicaux Martin Fayulu et Adolphe Muzito estime que le ras-le-bol exprimé à travers ces manifestations « interpelle le monde entier dans le sens de l’urgence. « Le ras-le-bol exprimé à travers les manifestations observées interpelle le monde dans le sens de l’urgence, d’un pas supplémentaire et décisif de manière à prévenir des potentiels débordements additionnels et malheureux et incontrôlables », souligne Lamuka.
Pour cette plateforme de l’opposition, aucune manifestation dénonçant la passivité des institutions tant nationales qu’internationales face aux massacres et tueries des civils commis à l’Est du pays ne peut, en aucun cas, justifier la répression par la police et l’escalade des violences observée actuellement.
En outre, Muzito et Fayulu demandent aux Nations Unies de lever le voile sur l’identité réelle des groupes armés qui sevissent à l’Est de la RDC et de pointer du doigt les responsabilités de chaque acteur. À les en croire, si les Nations unies ont été capables de produire des rapports (cas du rapport Mapping) très fouillés sur la situation en RDC et dans la région des Grands lacs, elles sont aussi en mesure d’identifier les acteurs et les tireurs de ficelle de cette situation. « II est, en effet, plus que temps de savoir qui tue à Goma, à Rutshuru, à Beni, à Masisi, à Butembo, en Ituri, au Sud-Kivu et ailleurs dans l’Est de la RDC et pourquoi », soutient Lamuka.
Dans sa déclaration, cette coalition a réitéré sa demande aux Nations Unies de mettre en place un tribunal penal international sur la RDC afin d’examiner le rapport Mapping et d’en tirer toutes les conséquences possibles.
Quid du contenu du rapport Mapping ? Il s’agit en effet d’un document qui retrace des cas de massacres des populations civiles, des messages d’incitation à la haine et à la violence, des actes pillages et destruction des biens des populations, un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur les violations des droits de l’homme et des droits internationaux commises en République Démocratique du Congo (RDC) entre 1993 et 2003. Le rapport à été rendu public depuis 2010, mais les auteurs des crimes, jusqu’à ce jour, se la coulent douce en RDC, certains en Occident, sans être inquiétés par la Justice. Politico.cd a déja exploité une série d’articles sur des extraits de ce rapport. En effet, le rapport Mapping a documenté plus de 600 crimes de guerre et crimes contre l’humanité « indescriptibles », commis entre 1993 et 2003, des crimes qui ont impliqué plus de 20 milices et huit armées étrangères, dont le Rwanda et l’Ouganda.
Au mois d’août 2020, le Docteur Denis Mukwege, chirurgien gynécologue, avait dénoncé faire l’objet des menaces de mort en rapport avec ses prises de position sur les crimes commis à répétition dans la partie Est du pays. Et dans une interview accordée samedi 3 avril au journal britannique The Daily Telegraph, le Docteur a rappelé que des menaces de mort continuent de lui être adressées, notamment à cause de son plaidoyer insistant en faveur de la mise en œuvre des recommandations du rapport Mapping de l’ONU. Au sujet de ce même rapport, le Responsable de l’hôpital de Panzi n’a cessé de solliciter l’instauration d’un tribunal pénal spécial pour la RDC, qui devra juger les violations des droits de l’homme et des droits internationaux commis en RDC.
Aussi, lors d’une plénière le lundi 29 mars, les députés nationaux du Grand Kivu ont manifesté devant le Président de l’Assemblée nationale Christophe Mboso N’kodia, pour exiger que la question de la sécurité de leur région soit reprise parmi les matières prioritaires de la session parlementaire de mars 2021. En réponse, le Speaker de la Chambre basse du Parlement a plutôt invité les élus du Grand Kivu à quitter les groupes armés. « Je vais parler de ça. Je vais vous demander de quitter les groupes armés. Vous, les collègues du Grand Kivu, quittez les groupes armés, je vais le dire », avait déclaré le Président de l’Assemblée nationale.
Carmel NDEO