Il est « Né en 1964 ou 1965 à Kinshasa ». Même la page Wikipédia du Docteur Eteni Longondo n’est pas sûre. Le Docteur est cependant présenté comme une « tête ». Au sein de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), il est particulièrement affectionné par Etienne Tshisekedi en personne, qui en fait son Secrétaire général adjoint en 2014. Avec raison. Eteni est d’abord Diplômé en médecine générale de l’Université de Kinshasa. Il a, par la suite, servi son pays notamment comme médecin de l’équipe nationale de football. Il part ensuite étudier à Université Washington State (UW) où il décroche une spécialisation en « santé publique ». « A la fin de ses études, il reste à Washington State pour travailler au département de santé publique de la ville de Seattle », explique un de ses proches. Eteni Longondo connaîtra alors une riche carrière, l’amenant à travailler pour des prestigieux organismes internationaux américains comme World Vision, Marcy Corps, Samaritain Purse, Save the Childrens, l’USAID (l’agence américaine de développement) où il a travaillé en RDC et au Cameroun. L’homme ira même exercer jusqu’en… Swaziland.
En 2017, lorsque le pouvoir sonne aux portes de l’UDPS, alors que le parti s’est vidé de tous ses cadres de calibre, notamment Bruno Tshibala débauché par Joseph Kabila ou encore Valentin Mubaka qui n’a pas supporté que Félix Tshisekedi hérite la succession à la tête du parti, Eteni choisit bien son camp, du côté du fils du Sphinx. Il porte alors sa candidature à la présidentielle. Si bien que lorsque Félix Tshisekedi se fait élire, l’homme se frotte fortement les mains. « Autour de Félix Tshisekedi, il y avait très peu d’hommes de la trempe d’Eteni. Vous n’avez qu’à voir qui est Secrétaire général du parti. Aux côtés d’Augustin Kabuya, Eteni Longondo parait bien une pointure », ajoute un proche du parti.
Sept mois après l’arrivée de Tshisekedi et de l’UDPS au pouvoir, un gouvernement de coalition est mis en place, scellant l’Union entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Eteni Longondo est bombardé ministre de Santé. Justice ! Crie-t-on du côté de l’UDPS. Le Docteur est dans son élément. Mais voilà. Eteni arrive au ministère de la Santé au moment où le pays fait face à sa plus grande épidémie d’Ebola (plus de 1800 morts en un an). Il doit également composer avec un certain Jean-Jacques Muyembe qui dirige, depuis un mois, le secrétariat national de riposte de l’épidémie avec satisfaction. Par ailleurs, le Super Docteur devient ministre en replacement d’un ancien cadre de l’UDPS écroué alors pour corruption. Oly Ilunga criera longtemps son innocence. Mais comment le croire, alors que la gestion de la riposte Ebola fait polémique à l’international avec le fameux « Ebola Business ».
Eteni, docteur. Eteni joker de Tshisekedi pour le domaine de Santé. Le nouveau président, qui a tout promis à ses populations, se lance dans une lutte effrénée contre la corruption. Il est porté par les États-Unis, notamment avec le remuant Ambassadeur Mike Hammer. Washington aurait pu jurer pour Eteni, qui a bel et bien évolué au sein de ses organisations à toute épreuve de corruption. Mais les premiers signaux sont inquiétants. Si la pandémie de Coronavirus frappe aux portes de la RDC, Eteni démontre, dès l’entame, une légèreté qui fait douter sur ses qualités : il se trompe sur l’identité du patient 0, il ment sur le lieu de quarantaine de ce dernier et, au final, il finit par faire peur au virus même. Mais si la Covid est un dossier qui fâche, Eteni est signalé premièrement dans un autre dossier.
Cité dans l’affaire des médicaments périmés
Le samedi 11 avril 2020, la justice congolaise rejette une demande de libération provisoire de Vital Kamerhe, alors que le directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi venait d’être placé, le mercredi 08 avril, en détention provisoire. Par la même occasion, la Chambre du Conseil du Tribunal de paix de Kinshasa/Matete a auditionné Vital Kamerhe sur un étrange dossier de faux médicaments dans un marché passé de gré avec l’entreprise « TRADE PLUS ». Selon la justice, cette entreprise a reçu un paiement 10 millions USD dans cette transaction. Dans son jugement concernant la demande de liberté provisoire de Vital Kamerhe, la Chambre du Conseil du Tribunal de paix de Kinshasa/Matete veut savoir la raison pour laquelle la société Trade Plus SARL a été choisie alors qu’elle n’est pas du domaine pharmaceutique.
Selon le Tribunal, la société tient juste une « quincaillerie ». De plus, les produits qu’elle a livrés sont arrivés à Kinshasa, ayant atteint la date de péremption – du moins pour la grande partie – et donc, impropres à la consommation. Épinglé comme responsable de cette affaire, Vital Kamerhe s’en défendra. Selon le même document à consulter ci-dessus, le président de l’UNC a soutenu que c’est à tort que le Parquet le rend responsable dans ce dossier. Pour lui, le responsable se serait autre que le ministre de la santé de l’époque… Eteni Longondo, qui avait, selon lui, fait expertiser les médicaments et « qui avait déclaré en Conseil des ministres que les produits étaient conformes et que c’est lui qui les avait réceptionnés et mis à la disposition de la population. »
Pour la petite histoire, en juin 2019, Oly Ilunga, alors ministre de la Santé, s’oppose à la distribution de ces médicaments jugés périmés. Il met en place une mission de 8 jours, composée de 13 membres, pour mener des investigations auprès de TRADE PLUS à Kinshasa. Mais, le ministre démissionne le 22 juillet 2019. Eteni Longondo le succède. Le 13 décembre 2019, soit six mois plus tard, le docteur Eteni demande au ministère du Budget de « liquider par procédure exceptionnelle » la somme 1.567.353 millions USD pour assurer la coordination et la logistique de la distribution de ces produits pharmaceutiques et matériels médicaux dans les hôpitaux de référence de toutes les provinces dans le cadre du programme de 100 jours. Pour justifier cette demande de paiement, le ministre Eteni Longondo confirme la péremption « d’une partie » des médicaments. Plus étrange, alors que l’Etat congolais avait initialement commandé ces médicaments auprès de la société Trade Plus, le 18 décembre 2019, le ministre Eteni Longodo écrit au gérant d’une société dénommée MVG Planet Pharma pour lui faire part de la péremption des produits pharmaceutiques que sa société a livrés aurait ministère de la Santé. Il lui demande « illico de remplacer ses médicaments sous la supervision de la Direction de la pharmacie et du médicament à qui une copie de la lettre est adressée »
MVG PLANET PHARMA est située sur avenue Lomami à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga. Dans son accusé de réception du 20/12/2019, consulté par POLITICO.CD, le gérant de MVG PLANET PHARMA informe le ministre de la Santé que sa société a été contactée pour fournir des médicaments à TRADE PLUS SARL dans le cadre du programme urgent de 100 jours. Il indique que son établissement a fourni les médicaments « depuis le mois de mars 2019 en cours tout en restant persuadé que les produits seraient déjà utilisés les huit derniers mois avant la date de péremption ». Toutefois, le gérant de MVG PLANET PHARMA s’incline devant la décision du ministre et promet de remplacer les médicaments dès le premier trimestre de l’an 2020. En effet, dans un document qui nous est parvenu, TRADE PLUS a fait sous-traiter l’achat de ces médicaments à PLANETE Pharma à la date du 09 janvier 2019.
Rattrapé par la Covid-19
Vital Kamerhe sera condamné dans son procès. Mais étrangement, ce dossier des médicaments périmés disparait de l’instruction. De son côté, Eteni continue ses affaires, depuis son poste de ministre de la Santé. Il gère alors d’une main de maître la riposte anti-covid. Se disputant parfois la vedette avec le docteur Muyembe. Néanmoins, si la justice finit par oublier Eteni Longondo, l’Inspection générale des Finances, qui fait tabac dans sa quête de détourneurs des deniers publics, n’a pas oublié le cadre de l’UDPS. Jules Alingete et ses équipes finissent par pondre un rapport à l’issue d’investigations épiques. Selon ce rapport, plusieurs hauts responsables, dont des membres du gouvernement, ont détourné des fonds alloués à la riposte contre la Covid-19. Eteni Longondo est parmi les personnalités soupçonnées de malversations financières pour, notamment, la surfacturation de soins et de services aux malades. Dans ce rapport datant du mois d’août 2020, l’IGF soupçonne nommément Longondo d’avoir détourné plus de 7 millions de dollars destinés à la lutte contre la pandémie de COVID-19 en RDC, dont la gestion est caractérisée par « l’absence des pièces justificatives probantes des dépenses » effectuées. Il y a, par ailleurs, des allégations massives de listage de faux cas pour gonfler le budget. Confiant, l’ancien ministre a toujours nié avoir détourné cet argent, arguant que « ces pièces étaient en plein processus de vérification par ses services », au moment du contrôle. Néanmoins, avant de quitter son poste en novembre 2020, il a restitué au trésor public 721.900 dollars représentant « la prime trop perçue » et « la différence sur la décontamination du Palais du peuple », siège du Parlement ainsi qu’un « double paiement effectué par la Banque centrale du Congo ».
Morceau dur pour le parti au pouvoir, Eteni Longondo n’échappe finalement par à la justice. Il a été placé vendredi 28 août sous mandat d’arrêt provisoire. « L’ancien ministre de la Santé publique, le Dr Eteni Longondo, a été longuement interrogé par le procureur près la Cour de cassation et placé sous mandat d’arrêt provisoire ce soir. Je ne sais pas s’il est déjà en prison », a déclaré à l’AFP un membre du gouvernement qui a requis l’anonymat « au nom de la séparation des pouvoirs ». Un responsable pénitentiaire sous anonymat a affirmé que « le Dr Eteni est bel et bien arrivé à la prison centrale de Makala sur la base d’un mandat d’arrêt provisoire délivré par le parquet. Nous l’avons installé au pavillon 8 ». Le transfert à la prison a eu lieu en début de soirée.
Mais la chute de ce médecin ne surprend personne en RDC. Tant, depuis leur arrivée au pouvoir, les cadres de l’UDPS et les proches du président Félix Tshisekedi ont souvent brillé par des égarements. Eteni, qui tombe dans les mailles du filet judiciaire, rappelle d’autres, à l’image de Dieudonné Lobo. Plus encore, si Félix Tshisekedi peut tirer profit de la chute du cadre de son parti dans sa lutte anti-corruption, l’UDPS enregistre là un énième couac de ses cadres, qui n’auront jamais brillé dans leur exercice du pouvoir. A l’approche des élections de 2023, l’ancien parti historique d’opposition ressemble de plus en plus à un morceau dur pour le président Tshisekedi, tel Eteni, Longondo.
Un commentaire
Le cas Longondo est d’une clareté limpide que personne n’a jamais douté depuis le début de sa responsabilité. Tout le monde savait ce qu’il avait fait mais on doutait qu’il serait, enfin, accusé.
Ce qui surprend c’est plutôt le montant fort minime sur lequel on fonde l’accusation. On peut raisonnablement pensé que le temps qu’on avait passé aurait servi à fabriquer des « justificatifs » bidons pour alléger la peine. Laquelle peine, devrait être si courte que l’homme sera affranchi dans un laps de temps court.
Après Eteni, cap sur les placards du Ministère de l’intérieur. Un ministre se cache dedans. Si on est réellement impartial, Makala accueillera une autre fausse excellence.