L’ONG The Sentry, fondée par l’acteur et activiste George Clooney, révèle que les deux grandes entreprises de construction chinoises, la China Railway Group et Sinohydro, qui se sont engagées, il y a une décennie à reconstruire et à développer l’infrastructure de la RDC en échange d’une part non négligeable des richesses minérales du pays, avaient des tours dans leur sac après tout: une société écran, un intermédiaire habile doté d’un réseau de sociétés et la BGFIBank RDC.
Dans son rapport parvenu à POLITICO.CD ce lundi 29 novembre, The Sentry a estimé que ces entreprises de construction chinoises ont fait un pari extrêmement risqué car, à l’en croire, ce projet de plusieurs milliards de dollars, que les médias ont qualifié de « contrat du siècle» était à la hauteur des ambitions politiques en plein essor de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila et des besoins pressants de la nation en matière de routes, de voies ferrées et d’hôpitaux.
Ce rapport indique que le trésor de transactions et autres dossiers bancaires confidentiels surnommé «Congo Hold-up» révèle que des entreprises publiques ont utilisé un intermédiaire possédant des comptes dans la banque dirigée par le frère du Président pour verser des dizaines de millions de dollars dans les poches de la famille Kabila, de ses associés et de sociétés à des moments critiques pour les «accords de Sicomines».
The Sentry dit avoir identifié des preuves manifestes de corruption, démontrant que les sociétés chinoises étaient de connivence avec des acteurs puissants en RDC pour accéder à des milliards de dollars de ressources naturelles—le tout avec l’aide de la haute finance mondiale. Ce qui, d’après The Sentry, devrait être un investissement historique dans le potentiel de la RDC qui penserait les plaies infligées par des décennies de mauvaise gestion et plusieurs guerres successives a en fait desservi un autre objectif bien trop répandu parmi les pays tributaires des ressources naturelles : remplir les poches des personnes puissantes avec les richesses ensevelies sous les pieds du peuple démuni.
Des virements de millions de dollars à la famille Kabila
Dans contrat qu’il qualifie de «contrat du siècle», The Sentry a fait savoir que les dossiers divulgués qu’il possède, montrent que la société écran qui se trouvait au cœur du stratagème, la Congo Construction Company (CCC) a reçu 55 millions de dollars depuis des sources étrangères; ces fonds étaient, selon cette ONG, apparemment destinés à Joseph Kabila et son entourage. Aussi, dit-elle, le flux d’argent n’a fait que s’intensifier à mesure que Joseph Kabila se rapprochait de la fin de son mandat constitutionnel à la présidence.
Au cours de la période de trois mois en 2016, cette ONG révèle dans son rapport que le projet minier Sicomines a transféré 25 millions de dollars à la CCC, qui a ensuite effectué des virements à la famille Kabila, à leurs intermédiaires et à leurs partenaires commerciaux. Ces fonds, précise-t-elle, ont transité par le système financier international, passant par des institutions financières importantes telles que la Citibank et la Commerzbank, en provenance et à destination d’un pays ravagé par la corruption, le tout sous de faux prétextes et avec peu ou aucune documentation à l’appui.
Selon The Sentry, le rôle de la CCC présente toutes les caractéristiques d’un système de corruption «de grande ampleur» lié au contrat Sicomines.
«Lorsque le contrôle de la famille Kabila sur la banque prit fin, les cadres supérieurs de la banque ont eu affaire à un auditeur interne tenace qui les a accusés de blanchiment d’argent, en montrant du doigt des opérations financières qui comportaient des indications préoccupantes de falsification et de fraude. L’auditeur a accusé les cadres de bloquer des demandes et, de manière plus générale, d’opérer dans un autre monde», explique ce même rapport.
Et de poursuivre : «C’est le peuple congolais qui détient les droits sur de nombreux gisements de minerais stratégiques qui alimentent la dernière vague d’industrialisation mondiale, enrichissant les sociétés minières, les ingénieurs et les industriels tout en bénéficiant immensément les consommateurs finaux de véhicules électriques, de téléphones cellulaires et d’ordinateurs portables. Et pourtant la clique dirigeante des Kabilas s’est emparée des institutions qui étaient censées représenter l’ensemble des intérêts du peuple congolais. Ces mêmes individus se sont également emparés de l’élément crucial qui leur permettrait de sécuriser leurs gains mal acquis : une banque».
Dans son rapport intitulé « Trafic d’influence : la mainmise sur l’État et les pots-de-vin dernière le contrat du siècle au Congo», l’ONG The Sentry recommande aux institutions financières mondiales et banques congolaises d’enquêter sur les activités décrites dans ce rapport et établir des mesures pour empêcher qu’elles ne se reproduisent.
Au gouvernement congolais d’établir une gamme de mesures pour identifier si toute activité décrite dans ce rapport à enfreint la loi, renforcer l’indépendance des principaux organismes de surveillance, augmenter le contrôle des transactions éventuellement touchées, imposer de fortes exigences de déclaration des actifs et de partage de l’information entre les autorités politiques et les banques commerciales, et, de manière générale, compliquer la tâche des fonctionnaires qui cherchent à trahir la confiance du public.