Il a l’ultime rendez-vous de sa vie. L’ancien gouverneur du Katanga, qui a longtemps rêvé de succéder à Joseph Kabila avant d’être écarté à la dernière minute de la Présidentielle de 2018, est plus que jamais l’un des prétendants principaux challengers de Félix Tshisekedi en 2023, si pas le principal. Néanmoins, comme en 2018, il va devoir se battre, car si Joseph Kabila n’est plus là, le camp de Félix Tshisekedi semblent vouloir utiliser les mêmes méthodes pour se débarrasser de cet adversaires redoutables.
Candidature et situation politique
En effet, entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, c’est une paix de brave. Alors que l’ancien gouverneur du Katanga a aidé le président congolais à se débarrasser de son alliance « encombrante » avec Joseph Kabila, Moïse Katumbi s’est retrouvé piégé au cœur de l’Union Sacrée. Dès la mise en place du gouvernement dit « des Warriors », dans lesquels il y a envoyé ses principaux cadres, notamment Christophe Lutundula (Affaires étrangères), Christian Mwando (Plan) ou encore Mohindo Nzangi (Enseignement supérieur), l’allié de Félix Tshisekedi est victime des manœuvres hostiles. D’abord la loi « Tshiani », du nom de l’ancien candidat à la Présidentielle, qui veut l’exclure de la Présidentielle. Cette loi, présentée comme une initiative « nationnaliste », veut faire inscrire dans la loi électorale que nul ne pourrait être candidat à la présidentielle s’il n’est pas né de père et mère congolais. Moïse Katumbi étant né d’un père Italien, d’origine juive, le voilà clairement visé. Ensuite, la désignation des membres de la Commission électorale, dont le contrôle est crucial durant les prochaines élections.
L’affrontement entre les deux n’éclate pas pour autant. Car si Katumbi sait bien qu’il est visé, il ne veut cependant pas aller à l’abordage avec Tshisekedi. « Il est clair que Katumbi a surtout peur qu’il finisse en exil comme durant Joseph Kabila. Car Félix Tshisekedi est tout à fait capable d’actionner des poursuites contre lui, à l’image de ce qui arrive actuelle à Augustin Matata Pongo », explique Litsani Choukran, éditorialiste et fondateur de POLITICO.CD. L’investiture du président de la CENI et son équipe, à laquelle s’est farouchement opposée Katumbi, illustre notamment ce positionnement délit.
Aujourd’hui, les deux filent cependant droits vers l’affrontement final. Pendant que la loi électorale est en cours de révision à l’Assemblée nationale et que le rendez-vous de 2023 s’approche à grand pas, Katumbi prépare sa candidature. A Lubumbashi, il a nommément mis en plus une grosse machine politique autour de son parti « Ensemble pour la République ». Sur les réseaux sociaux, pas une seule journée ne passe sans que l’on voie des partisans de l’ancien gouverneur du Katanga n’annoncent le déploiement d’un nouveau siège. Son bras droit, Salomon Idi Kalonda, est parti à la conquête de son Maniema natal, alors que Françis Kalombo et Olivier Kamitatu « évangelisent à travers le pays ». « Il est très intéressant en effet de voir comment Katumbi déploie sa machine. Aujourd’hui, il est le seul parti autant mobilisé à travers le pays pour ces élections. Il est clair qu’il y tient vraiment », explique M. Litsani.
La candidature de Katumbi n’est cependant pas actée. Selon nos informations, tant du côté de l’Assemblée nationale que de l’appareil judiciaires, les proches de Félix Tshisekedi « concoctent des stratégies pour l’exclure. « Aujourd’hui, c’est l’adversaire le plus redoutable. Le seul qui a une épaisseur nationale et qui peut véritablement battre le Président Tshisekedi. Mais Katumbi n’est pas congolais. Il avait pris une autre nationalité. Et il le sait. Quoi qu’il arrive, cette situation va jouer contre lui », estime un proche du président Tshisekedi qui a requis l’anonymat. Sauf que c’est le président Félix Tshisekedi qui a remis son passeport congolais à Moïse Katumbi en février 2019. Dans ces conditions, à regard de la loi actuellement, Moïse Katumbi est bel et bien éligible à la Présidentielle de 2023. Ainsi, alors que la loi dit « Pululu », une version liftée de la même loi Tshiani semble reculer, Katumbi croise les droits, mais n’hésite pas à se rapprocher, pendant ce temps, d’Augustin Matata, comme solution alternative. Plus d’information dans notre prochain acte.
Son portrait
Moïse Katumbi est né en 1964 à Kashobwe (Katanga) d’une mère congolaise et d’un père grec Nissim Soriano, un juif grec qui a fui l’île de Rhodes des nazis et s’est installé au Congo dans les années 1930. Soriano, le père de Katumbi, a construit un empire commercial de pêche et a épousé la fille d’un chef local, Mwata Kazembe XIV Chinyanta Nakula, avec qui il a eu deux enfants. La famille de Katumbi a tout perdu, y compris son nom, dans l’un des bouleversements les plus connus du Congo: l’arrivée au pouvoir de Mobutu, en 1965. Sous l’ancien maréchal Président, ses fidèles ont nationalisé et divisé entre eux les entreprises et les biens à travers le pays, y compris la pêche de la famille Soriano. La famille a également été forcée de changer son nom à consonance occidentale pour quelque chose de plus africain. Ils ont choisi Katumbi, un nom qui apparaît dans la lignée de la famille du chef.
En Grèce, la famille de Soriano, y compris ses parents, ont tous péri pendant l’Holocauste. Les sœurs de Soriano, cependant, sont venues avec lui au Congo et ont survécu.
C’est dans ce chaos que Moise Katumbi Chapwe s’extirpe. Il fait ses études primaires au lycée Kiwele de Lubumbashi. Il a poursuivi son 5ème et 6 ème primaire à l’école Kabukwikwi et ses études secondaires à la mission de Kapolowe avec mention diplômé d’Etat, option pédagogie générale. C’est dans la pêche, s’approvisionnant dans le lac Moero et faisant la plus grande partie de son commerce avec la Gécamines, et la Zambie, qu’il prospère. En 1997, Moïse Katumbi crée la société MCK (Mining Company Katanga) active dans les services aux activités d’exploitation du cuivre et du cobalt de la Gécamines, entreprise qui sera vendue en 2015 à Necotrans.
Il épouse Carine Nahayo Katumbi, avec qui il aura six enfants. Le succès lui ouvre dès lors les porte. D’autant plus qu’il s’oriente vers sa passion. Il devient président du TP Mazembe, un club de football congolais qui a remporté cinq fois la Ligue des champions africaine (1967, 1968, 2009, 2010 et 2015) dont trois fois sous sa présidence et a atteint la finale de la Coupe du Monde des Clubs à Abou Dabi en 2010. Le club remporte la Coupe de la confédération en novembre 2016 et 2017.
En 2006 et en 2011, alors membre du PPRD Moïse Katumbi soutient la campagne électorale de Joseph Kabila. Aux élections législatives de 2006, Moïse Katumbi est élu député du Katanga avec plus de 100 000 voix en sa faveur. Moïse Katumbi est élu gouverneur de la province du Katanga en janvier 2007. Entre 2007 et 2015 il est gouverneur du Katanga jusqu’à sa démission spectaculaire du PPRD et du gouvernorat le 29 septembre 2015 dénonçant par une déclaration publique les dérives anticonstitutionnelles du régime. Il est désigné candidat à la présidence par les opposants du groupe G7, une coalition de 7 partis politiques de l’opposition issus de la majorité présidentielle, en mars 2016. Exilé, il sera parmi les leaders politiques ayant milité à l’unité de l’opposition congolaise pour faire barrage au candidat du pouvoir, issu du FCC proche de son ancien allié Joseph Kabila. De Dakar en 2015, en passant par la rencontre de Bruxelles en 2016, cette implication de Katumbi finie par engendrer l’Accord de Genève en 2018 concrétiser par la création de la plateforme électorale « Lamuka » avec comme candidat commun de l’opposition « Martin Fayulu ». Choix qui sera boudé par Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi devenu président de la république après ces élections.
Il est depuis 2020 président de son parti politique « Ensemble pour le changement agrée au mois de décembre 2020 » son ancienne plateforme électorale.