La cité frontalière de Bunagana, qui relie le district ougandais de Kisoro, dans le sud-ouest du pays, à Rushuru en RDC, dans la province du Nord-Kivu est sous occupation des terroristes du Mouvement du 23 Mars appuyés par les militaires de l’armée Rwandaise depuis l’avant-midi du lundi 13 Juin 2022.
Cette occupation de Bunagana intervient 10 ans après une autre occupation de cette cité par la même rébellion. Elle a toujours été une zone de prédilection pour des rébellions telles que le M23 ou encore l’ancien groupe armé CNDP, bien avant lui.
Tenez, au lancement de leur rébellion, en mai 2012 déjà, les troupes du M23 avec à la tête Makenga Sultani avaient pris le contrôle de la cité de Bunagana, en passant par les collines de Runyoni et Chanzu. La conquête était partie, une fois encore, de Sabinyo, au croisement des frontières de la RDC, l’Ouganda et le Rwanda.
L’occupation de cette cité stratégique avait ainsi donné à cette rébellion toutes les opportunités de prendre successivement Rutshuru-centre et Kiwanja dans le territoire de Rutshuru. Le M23 avait ensuite contrôlé une bonne partie du territoire de Nyiragongo, et tenté d’encercler la ville de Goma, en prenant la colline de Mutao, dans le Nyiragongo, le 20 mai 2012.
Le M23 a été totalement défait en 2013 et son arsenal militaire complètement confisqué. Cependant avec l’appuie sans équivoque de son allié naturel (Rwanda) selon les autorités congolaises, le M23 a refait surface et a repris les armes sous prétexte de revendiquer des présumés accords signés avec le gouvernement congolais. Vers la fin avril, le M23 va lancer une de plus grandes offensives depuis 2013 contre plusieurs positions des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) à Rumangabo.
Récemment, le 10 juin 2022, l’Armée Rwandaise qui mène une guerre par procuration a tiré une dizaine d’obus sur le territoire de la République Démocratique du Congo, plus précisément à Biruma et à Kabaya en territoire de Rutshuru détruisant l’Institut saint Gilbert, y tuant deux enfants âgés de 6 et 7 ans respectivement et blessant un troisième.
Comme si cela ne suffisait pas, l’armée rwandaise qui justifie son agression en République Démocratique du Congo sous prétexte de combattre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice fondée par des Hutus de souche qui ont fui le Rwanda après avoir participé au génocide qui serait en collaboration avec les FARDC, a revendiqué en des termes à peine voilés la chute de la cité de Bunagana.
Ce mardi, soit 24 heures après l’occupation de Buganana, un communiqué de l’armée rwandaise surprend tout le monde. En effet, après l’annonce de la commission des relations étrangères du sénat américain qui juge « inacceptable le soutien rwandais » aux terroristes du M23 « qui attaquent les civils, les casques bleus de l’ONU et les FARDC » dans l’Est de la RDC, l’armée rwandaise réplique.
A lire entre les lignes, le Rwanda justifie l’occupation de la cité de Buganana aux côtés du M23 pour garantir son « intégrité territoriale » qui du reste n’a jamais été attaquée par l’armée congolaise.
« La Force de défense rwandaise souhaite informer le grand public que la défense et la sécurité de la population rwandaise, ainsi que l’intégrité territoriale du Rwanda, sont assurées, et que le FDR continuera à rechercher des garanties que les attaques transfrontalières sur le territoire rwandais seront arrêtées », peut-on lire dans un communiqué publié ce mardi.
L’intention de Kigali de violer l’intangibilité des frontières congolaises et son intégrité territoriale ne date pas d’aujourd’hui.
Il y a quatre mois, le président rwandais Paul Kagame a visité le parlement rwandais. A l’occasion Kagame a tenu un discours de près de 50 minutes, lors duquel il a parlé de sécurité régionale et, surtout, des relations du Rwanda avec ses voisins.
Dans son speech, Paul Kagame a menacé à demi-mot la RDC, qui venait de signer un partenariat de mutualisation de force avec l’armée ougandaise (UPDF) pour combattre les ADF, considérés comme menace commune entre les deux pays.
« Ce que nous espérons, c’est la paix pour notre pays, pour la région, et pour tous. Mais pour ceux qui veulent la guerre avec nous, nous sommes prêts à nous battre. Nous avons une armée qui est entrainée à le faire et qui le fait bien, que ce soit ici au Rwanda ou à l’étranger », a déclaré Paul Kagame.
Pour rappel, Paul Kagame avait protesté contre son exclusion de l’accord militaire entre Kinshasa et Kampala. Selon lui, l’opération conjointe des FARDC et de l’armée ougandaise, dans l’est de la RDC, relèverait de la sécurité de son propre pays. Kagame avait dénoncé, début février, le fait que les rebelles des Forces Démocratiques Alliées (ADF) continuent d’agir « en toute impunité ».
Point n’est besoin de rappeler que Kigali ne s’en est jamais caché : le Rwanda voulait absolument participer à l’opération dans l’est congolais. Kagame avait même menacé d’intervenir unilatéralement. « Il y a des moments où nous plaidons, il y a des moments où nous demandons, mais si besoin est, nous agirons », a indiqué le président rwandais ce 8 février.
Selon lui, il « existe un lien entre les ADF, les FDLR et plusieurs autres groupes terroristes armés ». Et Kagame déplore aussi que « certains proches des rebelles du M23 sont au gouvernement, à Kinshasa, ou vivent en RDC ».