« Le tombeau est vide ! » Michel Moto arrive à peine à cacher son exultation. Il s’exclame, euphorique. L’un des rares fidèles de Vital Kamerhe est aussi le premier à annoncer la nouvelle sur les réseaux sociaux. « Mwalimu est acquitté. » Les rues de Walungu, de Bukavu, de Goma, et même quelques ruelles de Kinshasa ont également exulté. Néanmoins, l’issue de cette affaire est loin d’être une surprise dans ce Congo où, plus que jamais, tout a changé. Si le Christ de Nazareth a fait trois jours dans son tombeau. Celui de Walungu, sans être aussi saint, y sera resté deux ans durant. Vital Kamerhe était envoyé à l’abattoir à travers un double alignement des étoiles : d’abord une quête populiste de justice, ensuite un calcul politique, dans une saga désormais marque de fabrique de Félix Tshisekedi au pouvoir.
Condamnation préfabriquée
Le procès est alors un spectacle digne de « Taliwood », qui va s’avérer être une société de production de cinéma politique inégalée au Congo. POLITICO.CD est aux premières loges de l’affaire et a amplement participé au dénouement. Le média du Fondé voit clair : 57 millions de dollars sont portés disparus dans l’affaire dite « des maisons préfabriquées ». Les liens entre Jammal Samih, le contractant, et des proches de Vital Kamerhe sont sans équivoques. Tout comme des photos exclusives publiées par le média, montrant le président de l’UNC aux côtés du Libanais, dans son domicile à Gombe, bien avant l’affaire. Dès lors, le délit d’initier est aussi sans équivoque. Mais ce Tribunal dirigé par Pierrot Bakenga y voit des preuves de corruption, non sans avoir fauché mystérieusement la vie du juge Raphael Yanyi.
Dieudonné Kaluba, qui joue alors sa promotion à venir, y invente le « détournement intellectuel ». C’est fini ! L’affaire est préfabriquée. Le dernier clou sur la croix de Kamerhe est enfoncé. Makala l’accueille pour de bon.
En juillet cependant, Le Fondé rend visite au condamné et une conversation de deux heures entre les deux aide à mieux voir le tableau. Oui, la conviction ne change pour ce qui est du sort de l’argent. 57 millions ont bel et bien été détournés. Mais le complot politique est un peu plus clair. Quoi qu’il en soit, Vital Kamerhe doit croupir en prison. Car une condamnation politique ne peut être levée que par la politique. Et à cette époque où Félix Tshisekedi est plus que jamais aux prises avec Joseph Kabila, et où l’aile dure de son parti est à la manœuvre, l’ancien Kabiliste n’a aucune chance d’être utile.
D’autant plus que dehors, Kamerhe a de moins à moins d’alliés. Jean-Baudoin Mayo tombe amoureux de Tshisekedi. D’autres de ses proches garantissent leur survie en chantant « FATSHI BETON », ou en se taisant simplement. Nul n’ose quitter le gouvernement. A l’image de Molendo Sakombi, qui occupe alors le juteux ministère des Affaires foncières, et qui est pris entre fidélité à VK et avenir politique. Il choisit les deux.
Acquittement préfabriqué
Fin joueur, Vital Kamerhe évite l’abordage. L’accalmie est privilégiée. Il connait bien cette scène politique, où rien ne dure éternellement. Et le natif de Walungu à raison. En l’espace d’un battement d’ailes de papillon, ses tombeurs sont à leur tour pris dans l’engrenage de destruction. La biologie emporte Gaston-Thethe Kabwa. Jean-Marc Kabund reçoit une visite de courtoisie de la Garde Présidentielle. Kaluba, l’inventeur du « détournement intellectuel », est tiré au sort. Au Palais présidentielle, François Beya est surpris dans une affaire de … gastronomie ! Une atteinte à la sureté impardonnable, dit-on. Le paysage change également.
Sur le plan politique, Félix Tshisekedi se rend finalement compte que Vital Kamerhe était, en réalité, sa digue anti-bêtises. La gouvernance sans cet écran de sureté a conduit à l’abime. Les promesses se multiplient et s’ajoutent à celle faites durant la campagne électorale. Les réalisations deviennent aussi rares que les paroles de vérité de Paul Kagame. La situation économique fait suffoquer les Congolais, alors que le gouvernement de « Warriors » n’a de warrior que le poids physique pris par son Premier ministre. Les élections de 2023 s’approchant à grand pas, le deuxième mandat lui échappe également en grands pas.
Le nom du « pacificateur » commence alors à refaire surface. Il est annoncé à la Primature. Manque plus qu’une résurrection. Un long processus certes. Il est d’abord officiellement en soins, au Centre Nganda, avant de bénéficier d’un séjour d’une remise à niveau à Paris. Et comme Félix Tshisekedi n’est pas connu pour sa promptitude, VK a dû apprendre la patience pour que sa « résurrection préfabriquée » prenne place. D’abord une Cour de cassation qui joue le Ponce Pilate et renvoie la patate chaude à la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe.
Tout à coup, cette même Cour qui avait condamné Kamerhe au deuxième degré ne retrouve plus les preuves de sa culpabilité. L’affaire est dans le sac. Mais c’est sans connaître l’Injustice congolaise. « Jusqu’à quelques heures avant le verdict, ils ont exigé deux millions de dollars à VK pour rendre le verdict. Il a fallu que le Président intervienne directement pour que les choses se décantent », révèle un proche. La belle injustice congolaise, dans sa plus belle robe.
En attendant la prochaine embrouille
« Acquitter n’est jamais la proclamation de l’innocence. C’est déclarer qu’au regard de la preuve produite par l’accusation, le juge n’a pas été convaincu de la culpabilité du prévenu », a lancé le professeur Nyabirungu dans un tweet. Vital Kamerhe est ressuscité, lavé, redevenant « Présidentiable ». Mais, loin d’assister à une justice juste, les congolais ont simplement assisté à un énième épisode du show « Taliwood ». Félix Tshisekedi y désarticule ainsi le peu de choses qu’il a réellement tenté de concevoir durant son pouvoir : l’Etat de droit est désormais affalé dans un tombe où seul l’argent détourné et dilapidé du trésor public s’y trouve encore, sans traces certes. La politique l’a emporté sur la Justice. Les erreurs de débutant étalées.
Trop gros pour servir de bouc-émissaire, Vital Kamarhe revient dans le jeu politique. Mais ne devrait cependant tout oublier. Le ressuscité de Walangu doit y tirer les leçons liées d’abord à sa propre conduite, ses propres défauts. La nouvelle barbe blanche aurait pour laisser croire en une transformation profonde de la personne plutôt qu’une imitation revisité de Joseph Kabila. A ce sujet, les premières images ne sont pas rassurantes : s’il a bien joué sa partition en s’affichant avec « émotion » aux côtés de Tshisekedi hier au Mont Ngaliema, l’homme est, une fois de plus, tombé dans son péché mignon en tentant, face aux projecteurs, d’y jubiler, allant jusqu’à proclamer la réussite du programme de 100 jours duquel il s’est miraculeusement extirpé.
Oui ! « VK » restera VK. Un Highlander de la scène politique congolaise. Félix Tshisekedi, qui fait face au « RwandaIsKilling » n’a certes pas trop changé. Loin d’y faire amande honorable, le président tente surtout de se sortir d’une mauvaise passe. Et tant mieux si cela passe par une résurrection préfabriquée. Le Fondé jouera le Saint-Thomas, en allant palper les creux de mains de cette nouvelle alliance, une fois la réalité politique aura de nouveau changé. Une fois la reddition des comptes de l’accord de Naïrobi aura lieu. Enocre un rendez-vous « Benda bika » à venir.
« Monoko na nga Nganga » !
Litsani Choukran,
Le Fondé.