La tournée de la paix, dans l’Est de la RDC, a elle-même accouché d’une violente querelle entre les partisans du président Félix Tshisekedi et ceux de Vital Kamerhe, qui s’annonçait pourtant soutien du Chef de l’Etat congolais, dans une campagne de plusieurs jours dans l’Est du Congo, qui avait certes des concours peu clairs. En effet, alors qu’il venait de terminée sa tournée à Kisangani, Vital Kamerhe est acclamé par le public venu en masse pour l’écouter, et qui s’est mis tout à coup à plébisciter son élection à la présidentielle supposée de 2023. Il n’en fallait pas plus du côté de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) pour fustiger l’ancien directeur de cabinet de leur leader, le président Félix Tshisekedi. Selon plusieurs cadres sur les réseaux sociaux, Vital Kamerhe aurait profité de cette tournée pour « faire chanter » le président Tshisekedi.
C’est une rencontre assez anodine au centre-ville de Kinshasa qui se transforme en interview. Dans un Café huppé de la capitale congolaise, un haut cadre de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), parti de Vital Kamerhe, accepte finalement de répondre aux questions de POLITICO.CD, tout en demandant cependant l’anonymat. « Je suis obligé de m’exprimer anonymement. Les temps sont compliqués. Nous subissons des campagnes de manipulations et nous préférons faire profil bas. » Au sujet de la tournée, il estime que les choses ont été « mal interprétées » du côté des militants. « Nous donnons trop d’importance à ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Il y a eu beaucoup de passion, mais aussi de la manipulation de la part de nos ennemis », estime-t-il.
Pour lui, la tournée de Vital Kamerhe n’était nullement politique. « Le Chef de l’Etat a été mis au courant des contours de la tournée. Il n’était pas question d’y faire campagne. Il s’agissait d’abord, pour le président Kamerhe, de prendre les desiderata de nos populations et de les ramener auprès du Chef de l’Etat, tout en lui proposant à lui d’abord une piste de solutions, avant d’en parler au grand public. Mais il y a des gens qui ne veulent pas qu’il y ait l’entente entre nous, parce qu’ils savent que cela n’arrange pas leur intérêts », explique-t-il.
« La vraie menace est connue et il faut qu’on mette nos divergences de côté pour l’affronter »
Le parti de Vital Kamerhe avait en effet publié un communiqué allant dans ce sens, tout en présentant néanmoins son plan promis pour la sortie de crise dans l’Est de la RDC. « Comme annoncé lors de sa sortie politique du 22 août 2022 à Kinshasa, il y a vulgarisé son Plan de sortie de crise à l’Est de la RDC, basé sur sa théorie de l’œil du cyclone au centre d’un triangle. L’approche prônée par le Président national de l’UNC met un accent particulier sur la nécessité d’un dialogue franc entre les pays impliqués, notamment la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Ces 3 pays forment le triangle au centre duquel se retrouve le M23, l’œil du cyclone », lit-on dans ce communiqué parvenu à POLITICO.CD.
Ce plan qui recommande avant tout le dépôt des armes par le M23 a été également soumis aux différentes couches sociopolitiques et économiques des provinces visitées, poursuit le même document. À cet effet, une place particulière fut accordée aux chefs coutumiers pour écouter les doléances des populations locales qu’ils administrent, différentes confessions religieuses, différents corps de métiers, les étudiants, les femmes et les jeunes ont aussi été associés aux échanges.
A l’UNC, on estime donc que point n’est question d’un bras de fer avec le président Félix Tshisekedi. « Il n’en a jamais été question. Notre position a clairement été exprimée dans ce communiqué. Nous sommes au service du Président. Nous voulons aidé pour la réussite de son mandat, contrairement à certains partenaires qui sont avec nous et qui ne sont pas de bonne foi », explique ce cadre qui a requis l’anonymat. « Mais il faut qu’à un certain moment, qu’on nous dise s’ils veulent toujours de nous ou non. Parce que parfois, nous avons le sentiment que VK n’est pas estimé à son niveau. Nous sommes le seul parti qui est véritablement resté fidèle au Chef de l’Etat. Nous avons accepté le sacrifice et même quand les choses n’allaient pas bien, mais en prison, le président Kamerhe n’a pas trahi le Chef comme d’autres qui étaient pourtant dans l’opulence », ajoute-t-il.. Quand on lui demande alors de qui fait-il allusion, il ne répond certes clairement. « Il n’est pas encore le moment de tout dire. Mais nous regardons. Il y a des gens qui sont avec nous, mais qui estiment qu’ils ne partagent pas notre bilan. Ils travaillent à couler le Chef de l’Etat. Cela n’est pas correct », regrette-t-il.
Durant une conférence de presse en début septembre à Kinshasa, l’ancien président de l’Assemblée nationale avait ouvertement annoncé que le plus grand objectif pour son parti politique se situe au niveau des législatives, « faire de l’UNC le plus grand groupe parlementaire ». A ce sujet, notre source estime que les sorties de partisans ne changent pas la ligne tracée par Vital Kamerhe. « Toute décision du parti est annoncée via communiqué public. Nous sommes derrière le Chef de l’Etat et c’est à lui que nous réservons la primaire de nos conclusions. En ce moment, il connait exactement notre position. Ce n’est pas sur internet que Vital Kamerhe ira étaler les affaires de l’Etat comme le font certain. C’est un homme d’Etat. Il a beaucoup de respect pour la République », explique-t-il.
Alors que l’alliance au pouvoir, notamment formée avec l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi vole de plus en plus en éclat, plusieurs sources ont annoncé la désignation de Vital Kamerhe comme premier ministre, ainsi qu’un remaniement à venir. Notre source refuse cependant de s’exprimer à ce sujet. « Toute nomination à la Primature revient du pouvoir discrétionnaire du Chef de l’Etat », dit-il, rappelant cependant que « C’est grâce à nos deux forces jointes ensemble que nous avons réussi à arracher la victoire. Nous gagerons à nous unir. Vital Kamerhe n’est pas une menace pour le président Félix Tshisekedi, la vraie menace est connue et il faut qu’on mette nos divergences de côté pour l’affronter. Notre but est d’offirr un deuxième mandat à notre famille politique afin de service au mieux nos populations qui souffrent tant », insiste-t-il.
Plusieurs sources proches du président Félix Tshisekedi contactées par POLITICO.CD n’ont pas souhaité s’attarder sur cette sortie. « Ces sont des bonnes déclarations. Mais nous voyons une autre attitude sur les réseaux », explique un conseiller du Chef de l’Etat congolais. Selon nos sources, le président Tshisekedi et Vital Kamerhe devraient se rencontrer dans les prochains jours pour des discussions « directes ». « Nous avons également compris la vraie menace et la vraie traitrise de ceux qui passent leur temps à attaquer le Chef de l’Etat sur des médias, alors qu’ils sont au gouvernement avec nous. Des dispositions vont être prises et nous seront sans pitié », ajoute ce Conseiller de Félix Tshisekedi, qui a requis l’anonymat.