En pleine période pré-électorale, marquée par la montée fulgurante des tensions politiques et l’insécurité galopante, notre pays déjà fracturé et émietté se trouve au bord d’un précipice dans lequel s’enfoncent au quotidien, nos institutions en même temps que s’abîme notre cohésion nationale, c’est-à-dire la République elle-même.
A la base de ce profond malaise national insoutenable, il y a lieu d’épingler les discours incendiaires et insensés, que tiennent parfois des officiels et des partisans, dans un torrent de haine, d’injures et de menaces d’une violence inouïe, pour imposer par l’arbitraire, une pensée unique et inique, en espérant anéantir par l’invective et la calomnie, toute opinion dissidente. Et cela, sans que ceux qui sont chargés d’assurer la régulation de l’ordre public ne pipent mot. Cette tolérance condamnable a fini par consolider dans l’opinion qu’il existe un permis d’impunité à quiconque se clame partisan, en ce compris au sein des services censés être à cheval sur le respect de la loi et de l’ordre républicain.
C’est dans cet environnement tendu, où règne la loi du plus fort et où s’installe une terreur impitoyable, que l’irréparable est vite arrivé, jetant de l’opprobre sur les institutions et l’effroi sur la Nation. Cherubin Okende, ancien ministre et député de son état, a été enlevé et son corps ensanglanté retrouvé dans son véhicule, dans un scénario digne d’un film d’horreur mais dont la mise en scène semble manifestement mal pensée. A l’annonce de son enlèvement, certains avaient trouvé matière à ironiser et les services n’auraient pas réagi à l’appel de détresse lancé par sa famille et ses proches. Une faille de plus. Que dire ? A qui profite ce crime odieux ? Quelles sont les motivations des bourreaux ? C’est aux enquêteurs et aux enquêteurs seuls qu’incombe la charge de la réponse à toutes ces questions car un homme a péri dans des circonstances qui restent à élucider.
Au-delà de l’émotion suscitée par cette tragédie, la Nation doit se rassembler et se lever pour faire barrage aux discours incendiaires et anti républicains qui sapent les fondements de notre cohésion sociale au nom de l’instinct de conservation ou de conquête du pouvoir. Dans ces heures de péril, où l’insécurité se répand dans les quartiers et atteint les milieux les plus protégés, j’en appelle à la responsabilité.
Nous ne pouvons pas nous résoudre à abandonner le pays, par notre indifférence et nos ambitions personnelles, à la merci des hordes qui prennent le prétexte de la pré campagne, pour jeter le chaos.
La gravité de la situation doit inspirer, à tous les responsables à tous les niveaux, une attitude de dignité, et de la mesure à ceux qui portent la lourde tâche d’exercer les fonctions de l’État. Au-delà des luttes politiques et des divergences d’approche, le sens de l’unité nationale et de la mesure doit guider notre comportement.
Dans cette pagaille sur fond d’intolérance politique qui s’empare du pays et où personne n’est à l’abri, je fais appel au Président de la République, le seul d’entre nous à qui incombe de par son serment constitutionnel la responsabilité de garantir la cohésion nationale (article 74 de la Constitution), pour qu’il saisisse la portée de sa charge en ces temps troublés et prenne ses responsabilités pour desserrer l’étau du désaccord, éteindre les tensions, rassembler la Nation, dissiper les malentendus et apaiser les doutes. Le contraire serait, sauf meilleur avis de sa part, non-assistance à Nation en danger.
Lubaya Claudel André