Alors que sa présence ne fait plus unanimité en République démocratique du Congo, la force régionale de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) dont la mission a été prolongée jusqu’en septembre, tient visiblement à accomplir « tardivement » le mandat pour lequel, elle a été déployée dans cette partie écumée par les violences des groupes armés depuis plus de deux décennies.
Ce mardi devant les troupes de la garde et de l’administration comprenant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Forces de défense du Kenya (KDF), le général de division de la force régionale, Aphaxard Kiugu a salué les « efforts en cours pour vaincre » les forces négatives dans la zone d’opération conjointe et a réitéré l’engagement de ladite force envers la réalisation de la paix et de la stabilité dans la région.
Dans son allocution, le commandant de la force Est-africaine a également souligné la nécessité de respecter la constitution du pays hôte lors de l’exécution des tâches assignées dans leurs AOR et a appelé les troupes à se concentrer sur la mise en œuvre du mandat conféré à la force régionale conjointement avec les directives pertinentes émises par les chefs d’État de cette organisation sous-régionale.
« Nous avons la lourde responsabilité de veiller à ce que les groupes armés qui commettent des atrocités contre des civils innocents soient désarmés, démobilisés et réintégrés dans la communauté dans le cadre du programme de désarmement, démobilisation, relèvement et stabilisation communautaire (P-DDRCS) », déclaré l’officier Kenyan au quartier général de la Force à Goma, dans l’est de la RDC avant d’affirmer que « les forces de l’EAC continueront à soutenir la RDC en collaboration avec d’autres acteurs étatiques et non étatiques dans les efforts en cours pour rétablir la normalité dans la région pour le bien-être social du pays ».
Aphaxard Kiugu a appelé les troupes à rester professionnelles et à apprendre les meilleures pratiques les unes des autres afin d’être des ambassadrices de leurs pays alors qu’elles opèrent conjointement en faveur de la paix et de la stabilité dans l’est de la RDC.
Recourt à la force de la SADC
Le mandat de la force régionale est la pomme de discorde entre les autorités congolaises et d’autres pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Depuis toujours, les deux parties n’ont jamais parlé le même langage sur la mission confiée à cette force militaire . A la déception d’un manque d’engagement des troupes de l’EAC sur terrain, Kinshasa soupçonne même une cohabitation avec les terroristes du M23 qu’elles sont censées combattre.
Cette déclaration du commandant de la force militaire de la Communauté est-africaine qui s’apparente à un appel à éveil des troupes déployées dans le Nord-Kivu, intervient après que le gouvernement congolais a confirmé son intention de recourir à l’intervention de l’Afrique australe.
En effet, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a décidé 8 mai 2023, d’envoyer des forces pour rétablir la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC. C’est une décision prise lors du sommet spécial des pays membres de cette organisation sous-régionale récemment tenue à Windhoek, en Namibie.
La force de la SADC devrait ainsi s’ajouter ou suppléer à celle de l’EAC ayant repris des zones auparavant occupées par les terroristes du M23 soutenus par les Forces armées rwandaises (RDF) mais souvent critiquée par Kinshasa de ne pas réussir à mettre fin à l’insurrection dans la province du Nord-Kivu.
Mais, la date précise sur le déploiement de cette force régionale n’a pas été annoncée. La SADC a en outre recommandé que Kinshasa réunisse les conditions requises pour un sommet de coordination de tous les intervenants et tous les acteurs internationaux sur le terrain afin d’arriver à une action efficace et harmonisée.
Le 11 juillet, le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi qui prenait part au sommet extraordinaire de la Troika des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) sur les modalités de déploiement des troupes de la SADC dans l’Est de la RDC dans la suite des échanges qui ont déjà eu lieu lors des précédentes réunions de la Troïka. Cette future probable intervention de la force de la SADC en RDC est conforme au devoir d’assistance de cette organisation sous-régionale en faveur de ses membres qui subissent des problèmes sécuritaires.
« Nous n’avons pas demandé l’aide de la SADC. Au sein de la SADC, il y a un devoir de solidarité. Donc, nous n’avons même pas besoin de demander cette aide. Elle va de soi. Au sein de la SADC, lorsqu’un membre est attaqué, les autres ont le devoir de solidarité et c’est ce que la SADC a exprimé en m’invitant à cette rencontre de la troïka, le mécanisme paix et sécurité de la SADC pour que j’explique la situation de la RDC », avait affirmé Félix Tshisekedi, lors de la conférence de presse tenue à l’issue de son tête-à-tête avec son homologue Sud-africain Cyril Ramaphosa, en séjour à Kinshasa.
« La SADC a exprimé son désir de venir aussi en RDC, parce qu’obligée par notre charte. Et depuis lors, il est question maintenant de mettre cela en œuvre. Mais, il y a la force Est africaine qui est là, il faut d’abord observer comment est-ce qu’elle va se comporter et la force de la SADC reste en attente et toujours à la disposition de la RDC pour intervenir à tout moment », a-t-il ajouté en précisant que depuis la semaine dernière à Luanda, il a été convenu, devant l’Union africaine et les représentants des autres communautés régionales, de donner à la RDC la coordination de toutes ces décisions, le management de toute cette crise.
« Ça voudrait dire donc que c’est à la RDC de décider et d’adresser formellement son quitus à la SADC pour qu’elle déploie enfin ces contingents ici. Nous sommes avec l’Eastern African force et nous voyons comment le désengagement de ces forces terroristes soutenues par le Rwanda va s’effectuer. Jusqu’en septembre, nous n’avons donc aucun commentaire à faire sur cela et nous aviserons d’ici là », renseignait il.
Le coût de l’intervention de la SADC, un casse-tête à la veille des élections
Si le gouvernement de la République démocratique du Congo et la SADC semblent accordés sur les modalités du déploiement des troupes en cas de départ des forces de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) en septembre, le coût des opérations devraient peser sur les bourses congolaises à la veille des élections générales prévues en décembre 2023.
En effet, le gouvernement congolais finance déjà à environ 70%, les opérations de la force régionale de l’EAC. « Nous avons beaucoup contribué, beaucoup. Si la force a fonctionné, plus de 60% du financement vient de nous même », avait indiqué le ministre des Affaires étrangères.
En dépit de cette affirmation du gouvernement congolais, le général démissionnaire Jeff Nyagah avait accusé le gouvernement congolais de ne pas assurer les coûts administratifs des bureaux du quartier général de la force régionale, des logements des officiers d’état-major, et même l’électricité ainsi que les salaires du personnel civil.