Les débats sur les résultats des élections de 2018 en République démocratique du Congo ont refait surface.
Mais cette fois, le bal n’a pas été ouvert par l’opposant Martin Fayulu, qui depuis la publication des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la confirmation par la Cour constitutionnelle de la RDC, continue de revendiquer sa victoire à travers « la vérité des urnes ». Depuis New-York où il séjourne en marge de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le Président congolais Félix Tshisekedi a ouvert les hostilités.
Devant un réseau de la diaspora africaine, Félix Tshisekedi est revenu sur le contour des élections qui l’ont porté à la tête de la RDC. De l’hypothèse d’un compromis à l’africaine à la signature présumée d’un accord avec son devancier, Joseph Kabila, l’actuel Chef de l’Etat congolais a affirmé avoir gagné haut la main, les scrutins très contestés de 2018.
« Contrairement à ce que les autres ont pu croire, penser ou dire, il n’y a jamais eu d’arrangement frauduleux entre moi, vainqueur des élections de 2018 et mon prédécesseur », a lancé d’emblée Félix Tshisekedi.
Dans la même déclaration, Félix Tshisekedi reconnaît avoir été contacté par le cercle restreint de l’ancien Président non pas pour négocier le pouvoir. A l’en croire, ses rencontres avec Néhémie Mwilanya, directeur de cabinet de Joseph Kabila et Raymond Tshibanda, ancien chef de la diplomatie congolaise, ont débouché à la signature d’un « accord de gouvernance » matérialisé par la création de la coalition FCC-CACH.
« Et parce que j’aime parler avec les évidences, j’en veux pour preuve, deux personnalités qui sont encore vivantes aujourd’hui à savoir monsieur Raymond Tshibanda et le directeur de cabinet de mon prédécesseur maître Néhémie Mwilanya. Après les résultats des élections, Raymond Tshibanda m’avait contacté et d’entrée de jeux lorsque nous nous sommes vus, je lui ai dit: cher grand frère si vous m’avez appelé ici pour trouver un arrangement afin que je devienne le Premier ministre de votre candidat Emmanuel Shadary, c’est niet parce que moi j’ai gagné les élections, je le sais, j’ai les résultats et je n’entrerai pas dans ce scénario », a argué Félix Tshisekedi avant de préciser « qu’ il m’a tout de suite rassuré en disant que les résultats on peut en discuter, chacun a ses résultats ».
« Et donc on est entré dans le vif du sujet qui a donné lieu à la formation plus tard lorsque j’ai rencontré mon prédécesseur, à cette coalition », a-t-il ajouté en invitant ceux qui parlent de fraude, particulièrement son protagoniste, Martin Fayulu arrivé en deuxième position, à fournir les preuves et dire qui est responsable de cette fraude.
En exil parce que j’en savais beaucoup sur l’accord signé entre Tshisekedi et Kabila
Corneille Nangaa Yobeluo est celui qui avait annoncé la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle de 2018 en RDC face notamment à l’opposant Martin Fayulu, qui conteste toujours les résultats. Ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, Nangaa a annoncé son exil vers le Ghana estimant être en possession des informations sur le deal qui aurait été signé en 2019 entre Kabila et son successeur pour la première alternance démocratique en RDC depuis l’indépendance.
« Les élections de 2018 auront été celles qui ont permis la toute première alternance pacifique au sommet de l’État, sans crépitement de balles. Nous avons en RDC un ancien président, qui peut vivre librement dans son pays, et un nouveau, qui lui, est chargé de la conduite de l’État. Il ne sert à rien de dire sans cesse que ces élections ont été controversées. C’est dangereux et cela ne veut rien dire. La controverse est une denrée ordinaire, qui nourrit la polémique autour des résultats de toute compétition électorale. Même aux États-Unis, les résultats des élections font l’objet de controverse », avait déclaré Corneille Nangaa dans une interview accordée à Jeune Afrique.
Plus tard sur Télé 50, l’ancien président de la CENI a éclairé ses propos et précisé que l’accord dont il parlait était « un accord de gouvernance » entre le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila et le Cap pour le changement (Cash) de Félix Tshisekedi pour la composition d’un gouvernement qu’avait dirigé Sylvestre Ilunga Ilunkamba.
« Grâce à Dieu, j’étais aux premières loges lors de cette alternance. Un accord politique a été conclu et je demeure convaincu qu’il ne faut pas le jeter dans les poubelles de l’histoire, parce qu’il a sauvé le pays d’un possible bain de sang », avait-il explicité.
Très récemment, Nangaa s’est dit victime d’une série de menaces proférées par certains cadres du régime au pouvoir considérant qu’il en sait beaucoup trop sur « l’accord politique » de gouvernance entre le FCC de l’ancien Président Joseph Kabila et le CACH, plateforme électorale de Félix Tshisekedi et son partenaire, Vital Kamerhe
« Dois-je vous rappeler que déjà le fait pour moi d’avoir évoqué, au cours d’une interview à Jeune Afrique, la mémoire d’un accord politique de gouvernance FCC-CACH avait été le détonateur d’une série de menaces en permanence sur ma personne. Certains gros légumes du régime considérant que nous en savons un peu trop sur les contours de la passation pacifique des pouvoirs début 2019 entre les présidents sortant et entrant », a dit Corneille Nangaa
A trois mois des élections générales prévues en décembre prochain, ces débats refont surface alors que le processus électoral en cours ne fait pas l’unanimité. Les ténors de l’opposition comme Martin Fayulu et le Front Commun pour le Congo (FCC) du Président honoraire Joseph Kabila accusent l’actuelle centrale électorale (CENI) de planifier un hold-up électoral en faveur de Félix Tshisekedi, bien parti pour un deuxième mandat. Les pro-Kabila n’ont pas participé à l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs exigeant la recomposition de la CENI et de la Cour constitutionnelle qui, selon eux, ont été mises en place de manière cavalière sans tenir compte du consensus des parties prenantes.
De son côté, Martin Fayulu qui déplore une CENI faite à l’image de Tshisekedi, n’a pas déposé les candidatures à tous les niveaux, demandant au préalable, un nouvel audit du fichier électoral.
Pendant ce temps, la machine de la CENI dirigée par Denis Kadima est en marche et ce, dans la phase de non-retour. Depuis la convocation de l’électorat pour la présidentielle, quelques figures de l’opposition à l’instar de l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo et Constant Mutamba ont déposé leurs candidatures pour le compte de la magistrature suprême.