Sans surprise, le Président de la République sortant, Félix-Antoine Tshisekedi, 60 ans et candidat à sa propre succession, a été officiellement réélu ce dimanche 31 décembre 2023, pour un second mandat présidentiel avec 73,3% juste devant l’opposant Moïse Katumbi qui a recueilli 18%.
Selon les résultats publiés cet après-midi par Denis Kadima, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), avec 13.215.366 millions de voix récoltées sur 18.018.916 millions d’électeurs, Félix-Antoine Tshisekedi a réussi à se hisser en tête dans 19 des 26 provinces du pays : Kongo-Central, Kinshasa, Kwango, Maï-Ndombe, Équateur, Tshuapa, Mongala, Sud-Ubangi, Nord-Ubangi, Bas-Uélé, Haut-Uélé, Ituri, Tshopo, Sankuru, Nord-Kivu, Sud-Kivu, Kasaï, Kasaï oriental, Kasaï central et Lomami.
Grâce à cette écrasante victoire, Félix-Antoine Tshisekedi devient ainsi le premier Président congolais a être réélu avec plus 70% de votes valablement exprimés, depuis l’organisation des premières élections démocratiques en 2006 ; mais aussi le troisième Chef de l’État a effectué plus d’un mandat à la tête de la République démocratique du Congo, après Joseph-Désiré Mobutu et Joseph Kabila.
Confiant de sa réélection, lors de la cent-vingtième réunion du Conseil des ministres, tenue le vendredi dernier à la Cité de l’Union africaine, Félix-Antoine Tshisekedi invitait les membres du gouvernement à travailler pour « maintenir la confiance lui accordée par les Congolais » : « J’ai reçu la confiance du peuple congolais et nous devons travailler très dur pour maintenir cette confiance », déclarait-il.
Une campagne électorale prise au sérieux
La réélection de Félix-Antoine Tshisekedi à la magistrature suprême n’a rien du hasard. Pendant plus d’un mois, le Chef de l’État congolais et toute son équipe de campagne sont allés à la rencontre du Congo profond, lors de la campagne électorale, en vue de présenter un nouveau programme de gestion censé conduire le pays jusqu’en 2028.
De Goma à Mbuji-mayi, en passant par Kinshasa, Matadi, Kikwit et Lubumbashi, Félix-Antoine Tshisekedi a été le seul candidat Président de la République à parcourir toutes les 26 provinces que compte la République démocratique du Congo et y tenu une cinquantaine de meetings pour persuader les congolais. En même temps, plusieurs cadres de l’Union sacrée de la Nation, à l’instar de Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, étaient également présents dans d’autres villes pour étendre le programme et la vision de Tshisekedi.
Si la dénonciation « des candidats de l’étranger », qui selon Félix-Antoine Tshisekedi seraient instrumentalisés par le Président rwandais, Paul Kagame, et les réalisations du Programme de développement de 145 territoires (PDL-145T) ont visiblement étaient les messages clés de sa campagne électorale, le Président congolais a également présenté plusieurs perspectives « séduisantes » qui ont vraisemblablement favorisé sa réélection.
Pour son prochain quinquennat, Félix-Antoine Tshisekedi a, entre autres, promis aux Congolais pendant la campagne électorale d’éradiquer tous les groupes armés dans l’Est du pays, y compris de déclarer la guerre au Rwanda, s’il le fallait ; de relancer le secteur agricole pour en finir avec la famine ; de réaliser des projets d’infrastructures notamment la réhabilitation de la RN2 ; de réformer le système scolaire ; de s’assurer de la distribution effective de l’électricité, de l’eau et de favoriser l’accès à l’emploi aux jeunes.
FCC-CACH, relations avec Kabila, … : un premier mandat en dents de scie
L’arrivée de Félix-Antoine Tshisekedi à la magistrature suprême, 5 ans plutôt, n’était pas aussi prévisible en amont, car ce dernier était en lutte électorale rude et serrée avec Martin Fayulu – candidat commun de l’opposition à l’époque – et Emmanuel Shadary, dauphin du Président sortant Joseph Kabila.
Finalement, dans les premières heures du 10 janvier 2019, il sera proclamé par la CENI comme le nouveau Président de la République – en remplacement de Joseph Kabila – avec 7.051.013 de voix recueillies, soit 38,57 % de votes valablement exprimés en sa faveur. Il sera secondé par Martin Fayulu et Emmanuel Shadary, ayant respectivement recueillis 34,83 % et 23,84 %.
Deux semaines plus tard, soit le 24 janvier 2020, en bons termes avec son successeur et ayant réussi à avoir une majorité parlementaire, Joseph Kabila quitte officiellement ses fonctions. En même temps, Félix-Antoine Tshisekedi est investi et prête serment à Kinshasa, au cours d’une cérémonie marquant la toute première passation pacifique du pouvoir dans le pays.
Cependant, la coalition entre les clans Kabila et Tshisekedi n’aura pas longue vie. Mi-2020, soit seulement 18 mois après la prise de pouvoir par Félix-Antoine Tshisekedi, les fortes tensions et divergences idéologiques vont finalement éclater au grand jour entre les cadres du Cap pour le changement (CACH) – plateforme politique présidentielle – et le Front commun pour le Congo (FCC), famille politique de Joseph Kabila, majoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Fin 2020, les tensions entre les deux camps vont atteindre leur paroxysme. Félix-Antoine Tshisekedi accusera même publiquement ses alliés du FCC « de l’empêcher de travailler en lui mettant des bâtons dans les roues et en invoquant leur majorité au sein des parlements au niveau national et provincial pour justifier leur exigence de partage du pouvoir ». Par conséquent, il mettra un terme à la coalition politique mise en place seulement deux ans plutôt avec son prédécesseur Joseph Kabila.
La fin de l’union politique entre le FCC et le CACH a également entraîné de grands changements d’ordre institutionnel. Entre fin 2020 et début 2021, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba et celle de l’Assemblée nationale, Jeannine Mabunda – tous proches de Joseph Kabila – ont été évincés.
Création de l’Union Sacrée de la Nation
Le 23 octobre 2020, Félix-Antoine Tshisekedi, alors en froid avec Joseph Kabila, annonçait le démarrage de consultations politiques en vue d’une « union sacrée » gouvernementale, tout en promettant des décisions qui « n’excluront aucun cas de figure ».
« J’ai décidé d’entamer, dès la semaine prochaine, une série de contacts visant à consulter les leaders politiques et sociaux les plus représentatifs afin de recueillir leurs opinions à l’effet de créer une union sacrée de la nation », expliquait le Chef de l’État.
Aux termes de ces consultations, il réussit à mettre en place une nouvelle formation politique dénommée « Union sacrée de la Nation » qui accompagne sa vision politique depuis début 2021. Avec la mise en place de l’USN, Tshisekedi a réussi à ranger derrière lui certains de ses anciens opposants – au début de son mandat – dont Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi – qui regagnera l’opposition plus tard – mais également plusieurs ex-cadres du FCC dont Modeste Bahati et Christophe Mboso, actuellement présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Grosse machine électorale à l’heure actuelle, l’Union sacrée de la Nation détenait jusqu’à la veille des élections du 20 décembre dernier, la majorité dans les deux chambres du Parlement congolais. Elle est actuellement dirigée par un présidium constitué de Vital Kamerhe, Augustin Kabuya, Sama Lukonde, Jean-Pierre Bemba, Modeste Bahati et Christophe Mboso.