La République démocratique du Congo traverse une crise politique majeure. Depuis la réélection du président Félix Tshisekedi en décembre et sa prestation de serment en janvier, la RDC n’a toujours pas de gouvernement en fonction. La Première ministre nommée le 1er avril ne peut être confirmée car l’Assemblée nationale n’a pas été mise en place. La cause ? Une bataille acharnée entre Christophe Mboso, président sortant du Bureau d’âge, et Vital Kamerhe, désigné candidat de la coalition au pouvoir pour devenir président de l’Assemblée.
Dans un Palais du Peuple assombri par les luttes d’influence, le Bureau temporaire, dirigé par Mboso, multiplie les accrocs dans une guerre totale contre Kamerhe.
La genèse du conflit
Tout commence avec Augustin Kabuya et Christophe Mboso. Secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti du président Tshisekedi, Kabuya ambitionnait de devenir 1er vice-président de l’Assemblée nationale, tandis que Mboso voulait conserver sa position à la tête de cette institution. Ensemble, ils formaient un duo prêt à tout pour maintenir leur emprise.
Cependant, Vital Kamerhe, soutenu par une frange importante de députés, se dressait sur leur chemin. Pour renforcer ses soutiens, il forma une nouvelle coalition politique baptisée « Pacte pour un Congo Retrouvé » (PCR), regroupant : Actions des Alliés et UNC (Vital Kamerhe), Alliance des Acteurs Attachés au Peuple (AAAP), Alliance Bloc 50 (A/B50) et Coalition des Démocrates (CODE).
« Puisque nous sommes plus de 450 députés nationaux, plus de 700 députés provinciaux, est -ce que nous allons évoluer sans créer la cohésion au sein de l’union sacrée de la nation ? Nous disons non. Ce que nous venons de faire, c’est un début, c’est pour renforcer la cohésion, au sein de l’Union sacrée, ramener la discipline pour que nous tous, nous sachions que désormais nous n’avons plus droit à l’erreur », a fait savoir Vital Kamerhe, président de l’UNC.
Cette plateforme politique, présentée le 23 janvier lors d’une conférence de presse à Kinshasa, avait pour ambition d’apporter un soutien solide à la majorité parlementaire durant la législature à venir. En réalité, son objectif principal était de soutenir la candidature de Kamerhe à la présidence de l’Assemblée nationale.
L’épreuve des primaires
Une guerre politique éclate. Face à l’impasse, le président Tshisekedi exige l’organisation de primaires pour départager les candidats. Sentant l’orage arriver, Augustin Kabuya décide de jeter l’éponge, renonçant à sa candidature au poste de 1er vice-président. Selon une source proche de l’UDPS, « Le président lui a tiré les oreilles », confie une sources à POLITICO.CD.
Mais le secrétaire général de l’UDPS n’est pas encore prêt à s’avouer vaincu. Il continue à manigancer aux côtés de Christophe Mboso et d’un autre acteur clé, Modeste Bahati. Pour Bahati, originaire du Sud-Kivu comme Kamerhe, voir ce dernier prendre la présidence de l’Assemblée signifierait sa fin politique, géopolitique oblige.
Néanmoins, Kamerhe remporte les primaires avec brio. Il est officiellement désigné candidat de la majorité au pouvoir à l’élection du Bureau définitif de l’Assemblée nationale. Avec 183 voix sur les 372 votants, il devance Christophe Mboso (113 voix) et Modeste Bahati (69 voix), laissant seulement sept bulletins blancs.
Cependant, Christophe Mboso et Augustin Kabuya refusent de s’incliner. Dès lors, ils déclenchent une guerre silencieuse. Mboso bloque l’élection du Bureau définitif. « Il ne veut pas convoquer l’élection et ne fournit aucune explication, » explique une source à POLITICO.CD.
Combines et impasse persistante
Selon des informations exclusives recueillies par POLITICO.CD, le duo Mboso-Kabuya tente de former une nouvelle majorité de députés pour faire voter un candidat surprise contre Kamerhe. « Ils consultent des députés en leur faisant des offres parfois financières pour qu’ils les rejoignent et votent contre Kamerhe, » ajoute notre source.
Cette manœuvre a poussé une centaine de députés nationaux à lancer, mercredi 8 mai 2024, une pétition visant à éjecter Christophe Mboso et le Bureau d’âge. Ces élus accusent cette équipe de bloquer l’organisation de l’élection et l’installation du Bureau définitif de l’Assemblée.
De leur côté, les partisans de Vital Kamerhe ne restent pas passifs. Dans une lettre adressée au gouverneur de Kinshasa, ils annoncent une marche en soutien à la candidature unique de Kamerhe à la présidence de l’Assemblée nationale. La marche, prévue de Lingwala jusqu’au Palais du Peuple, vise à démontrer leur force et à faire pression pour débloquer la situation.
L’issue de cette bataille est incertaine, mais une chose reste sûre : le sort de l’Assemblée nationale et du gouvernement est suspendu à la résolution de cette querelle politique.