C’est le ministre des Mines qui a alerté l’opinion publique nationale et internationale à travers un communiqué, dans lequel il indique que les négociants et les creuseurs artisanaux sont obligés de payer 3000 dollars par tonne pour le coltan et 2000 dollars par tonne pour la cassitérite. Cette tarification a été imposée par ces rebelles qui ont fixé le paiement à Kigali, indique le même communiqué.
Voltaire Batundi, président de la Coordination de la société civile du territoire de Masisi, affirme que les rebelles du M23 exploitent illégalement le coltan, un minerai stratégique pour l’industrie électronique. Selon lui, le prix d’un kilogramme de coltan est récemment passé de 30 dollars à 70 dollars depuis la prise de la cité de Rubaya par le M23.
« Ils sont à Rubaya, ils sont dans les carrés miniers. Ils ont distribué des bêches… il y a eu deux camions qui sont venus avec des bêches pour les donner aux gens afin de creuser. Donc l’exploitation minière se porte bien à Rubaya. Toutes les preuves sont réunies pour dire qu’ils sont venus pour les minerais« , regrette Batundi. Il affirme aussi que ces minerais sont ensuite acheminés vers le Rwanda.
Difficile de confirmer ces faits par une source indépendante, mais ce qui est sûr, c’est que la cité de Rubaya, désormais sous le contrôle du M23, est une zone stratégique en raison de ses ressources minières. Ses environs sont riches en coltan, cobalt, étain, tantale et tungstène. Le contrôle et le trafic des minerais demeurent des problèmes persistants au Nord-Kivu, une région sujette aux conflits armés impliquant les groupes locaux.
Du côté du groupe rebelle, on dément l’exploitation de ces mines. Dans un communiqué, le chef de la rébellion de l’AFC/M23, Corneille Nangaa, a ainsi interdit à tout le personnel militaire et civil du mouvement d’accéder aux sites miniers.
Contacté par la DW, le gouvernement rwandais, accusé par les Nations unies de soutenir le M23, n’a pas donné suite à nos questions. Reagan Miviri, chercheur à Ebuteli, partenaire de recherche du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), estime que le contrôle de Rubaya par le M23 devrait lui permettre d’étendre son influence.
« On peut dire que c’est la première mine active que le M23 a sous son contrôle maintenant, et il est clair qu’ils (les rebelles du M23, ndlr) vont participer à cette chaîne d’approvisionnement, d’une manière ou d’une autre, avec des minerais stratégiques comme les 3T (étain, tungstène et tantale, ndlr) », dit Miviri. « Les exploitants vont payer des taxes auprès d’eux, ils vont aussi sécuriser le trafic jusqu’à Bunagana pour l’évacuation », affirme-t-il encore.
La localité de Rubaya est située à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Goma, au cœur d’une zone minière de premier ordre, qui alimente un vaste trafic de minerais.
Le M23, mouvement rebelle actif dans l’Est de la République Démocratique du Congo, a annoncé jeudi avoir pris le contrôle de Rubaya. La ville, située dans le Masisi, dans la province du Nord-Kivu, est connue pour ses gisements miniers. Son coltan représenterait 50 % de la production du pays selon les autorités congolaises. La cité recèle aussi des gisements de manganèse et autres.
Des minerais qui passent désormais sous la coupe des rebelles. Confirmant « la thèse du pillage systématique des richesses congolaises », selon Ernest Singoma, un activiste de la société civile à Goma, la capitale provinciale.
Le gouvernement congolais a d’ailleurs interrogé Apple sur la connaissance qu’aurait l’entreprise technologique de l’existence de « minerais de sang » introduits en contrebande dans sa chaîne d’approvisionnement. Des minerais issus des violences qui écument l’Est de son pays.
Le Rwanda dans le collimateur
Le président congolais accuse le Rwanda de soutenir cette rébellion, contre l’exploitation des minerais de son pays. Des experts de l’ONU, ainsi que le département d’État américain, ont également accusé Kigali de soutenir les rebelles. Le Rwanda nie ces accusations.
En début de semaine, le président français Emmanuel Macron a appelé le Rwanda à cesser son soutien au groupe rebelle M23. C’était lors d’un point de presse avec Félix Tshisekedi à Paris.
Les combats se sont multipliés ces derniers mois entre les rebelles du M23 et les forces de l’armée congolaise, alors que les Nations unies prévoient de retirer les forces de maintien de la paix de la région d’ici la fin de l’année.
Le conflit qui sévit depuis des décennies dans l’est du Congo a provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde. De nombreux groupes sont accusés d’avoir commis des massacres, des viols et d’autres violations des droits de l’homme. Les violences ont entraîné le déplacement d’environ 7 millions de personnes, dont beaucoup sont hors de portée de l’aide.
Azarias Mokonzi