En janvier 2011, la République démocratique du Congo (RDC) a adopté une révision constitutionnelle majeure qui a marqué un tournant décisif dans son histoire politique. Parmi les changements les plus significatifs, la modification de l’article 71 a transformé le mode de scrutin présidentiel, passant d’un système à deux tours à un seul tour. Ce changement, présenté comme une solution pratique et économique, a eu des conséquences profondes sur le processus démocratique en RDC.
Le contexte politique de l’époque était déjà tendu, avec des élections présidentielles prévues en novembre 2011. Joseph Kabila, en quête d’un second mandat, faisait face à une opposition fragmentée mais résolue. Étienne Tshisekedi, leader historique de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), était perçu comme son principal adversaire. Vital Kamerhe, autre figure emblématique, avait récemment rejoint l’opposition après avoir quitté le camp présidentiel et fondé l’Union pour la Nation Congolaise (UNC). Cette fragmentation augmentait le risque de dispersion des voix au premier tour, ce qui aurait pu conduire à un second tour incertain pour Kabila.
Dans ce contexte, la modification de l’article 71 a été présentée comme une réforme nécessaire pour simplifier les élections et réduire les coûts. Cependant, les critiques de l’opposition y ont vu une manœuvre visant à renforcer la position du président sortant.
Une réforme controversée
Les arguments en faveur de cette réforme étaient centrés sur la réduction des coûts électoraux et la prévention des tensions associées à un second tour. Selon les partisans de la révision, le nouveau système permettait une transition rapide et évitait de prolonger l’incertitude politique. « Un second tour serait source de chaos et de dépenses inutiles, » affirmaient les proches du pouvoir, en insistant sur l’urgence de moderniser le système électoral.
Cependant, ces justifications n’ont pas convaincu l’opposition. Étienne Tshisekedi dénonçait une « trahison de la démocratie » et qualifiait la réforme de tentative de « verrouiller le processus électoral en faveur du régime en place. » Vital Kamerhe, pour sa part, considérait que la suppression du second tour ôtait aux électeurs la possibilité de choisir entre deux visions politiques claires lors d’un duel final.
Une légitimité démocratique affaiblie
La société civile congolaise, de son côté, a également exprimé des réserves. Plusieurs organisations ont critiqué le manque de consultation populaire dans l’adoption de cette révision et ont alerté sur ses conséquences potentielles pour la représentativité démocratique.
Lors des élections présidentielles de novembre 2011, le système révisé a démontré ses implications pratiques. Joseph Kabila a été déclaré vainqueur avec 48,95 % des voix, tandis qu’Étienne Tshisekedi obtenait 32,33 %. Ce résultat signifiait que Kabila avait gagné avec moins de la moitié des suffrages exprimés. Dans un système à deux tours, un second tour aurait été nécessaire, permettant à l’opposition de se regrouper autour de Tshisekedi.
La victoire de Kabila a été vivement contestée. Tshisekedi s’est autoproclamé Président élu et a refusé de reconnaître les résultats officiels. Les accusations de fraudes électorales ont émaillé tout le processus, amplifiant la méfiance envers les institutions électorales et aggravant les divisions politiques dans le pays. La communauté internationale, bien que prudente dans ses critiques, a exprimé des préoccupations sur le déroulement du scrutin et la crédibilité des résultats.
L’absence de second tour a également modifié la dynamique politique de l’opposition. Incapable de former une coalition au premier tour, elle n’a pas eu l’opportunité de corriger cette fragmentation, laissant ainsi le champ libre à Kabila.
En supprimant le second tour, la révision de 2011 a favorisé le candidat sortant et réduit la nécessité de bâtir des coalitions pour atteindre une majorité absolue. Ce changement a affaibli la légitimité démocratique des élections, en permettant à un président d’être élu avec un soutien minoritaire. Il a également accentué la polarisation politique et alimenté un climat de méfiance envers les institutions.
Cette réforme, bien qu’argumentée sur des bases pratiques, a eu des conséquences durables pour la démocratie congolaise. Elle a consolidé le pouvoir de l’exécutif au détriment de l’équilibre démocratique et a laissé un héritage de division et de contestation.