La tripartite de Luanda, programmée ce dimanche 15 décembre 2024 entre les présidents Félix Tshisekedi (RDC), Paul Kagame (Rwanda) et João Lourenço (Angola), a été annulée. Selon un communiqué officiel de la Présidence de la RDC, ce report résulte du refus soudain de Paul Kagame de participer à la rencontre. Kigali a subitement conditionné sa présence, et par conséquent la signature de l’accord, à l’ouverture d’un dialogue direct entre Kinshasa et le groupe armé M23. Une exigence jugée inacceptable par Kinshasa, qui y voit une manœuvre délibérée pour torpiller le Processus de paix de Luanda.
Une nouvelle condition jugée comme une obstruction
Le communiqué congolais, signé par Erik Nyindu Kibambe, Directeur de la Cellule de communication présidentielle, dénonce clairement cette manœuvre : « Cette posture irresponsable met en péril à la fois les avancées majeures enregistrées et la signature d’un plan opérationnel permettant d’une part le retrait des forces rwandaises du territoire congolais et d’autre part, le désarmement et la neutralisation des FDLR. »
En introduisant cette condition à la dernière minute, Kigali expose une fois de plus son soutien présumé au M23, groupe armé accusé d’actes graves de violation des droits humains dans l’Est de la RDC. Des analystes estiment que cette stratégie vise à gagner du temps tout en maintenant une pression militaire sur Kinshasa pour forcer des concessions politiques. S elon le journaliste et analyste politique Litsani Choukran, « Le Rwanda joue un jeu dangereux. En conditionnant sa participation au sommet à un dialogue avec le M23, Kigali reconnaît implicitement ses liens stratégiques avec ce groupe armé. Cela met en lumière une contradiction flagrante par rapport aux déclarations antérieures de Kagame. Ce double jeu affaiblit la crédibilité diplomatique du Rwanda et expose ses objectifs réels dans la région. »
La contradiction de Kigali : un double discours manifeste
Il est essentiel de rappeler que cette posture du Rwanda entre en contradiction directe avec les déclarations passées de Paul Kagame lui-même. En août dernier, Kagame lançait: « Si vous admettez que les M23 sont des Congolais, pourquoi la RDC ne résout-elle pas le problème des M23 ? » Et de poursuivre : « S’ils ont choisi la voie de la force militaire pour résoudre ce problème, cela est leur problème et non le mien ». À en croire le président Rwandais traité de sanguinaire par les congolais, son problème, c’est le FDLR qui ensemble avec l’armée loyaliste congolais entendent s’attaquer à son pays. « Mon problème, en revanche, est celui des FDLR, que le gouvernement congolais a armé et qu’il utilise dans la guerre contre les M23, qui sont Congolais, et même ces autres pays qui viennent aider la RDC, d’une manière ou d’une autre, l’idée est de collaborer avec les FARDC et les FDLR pour combattre les M23 et au finish ramener la guerre au Rwanda. Je ne peux pas interdire aux gens de penser ce qu’ils veulent, mais ma mission est d’éviter que cela ne puisse pas se concrétiser« , a-t-il laissé entendre.
En mai 2024, lors d’une rencontre entre chefs d’État de la région, le président Kenya William Ruto déclarait : « Le M23, les membres de ce groupe sont-ils des Rwandais ou des Congolais ? Si ce sont des Congolais, comment est-ce que cela devient un problème du Rwanda ? Comment est-ce que cela devient un problème de Kagame ? »
Toutefois, en posant aujourd’hui comme condition préalable un dialogue entre la RDC et ce même groupe, Kigali dévoile des liens évidents et difficilement contestables. Cette contradiction fragilise sa position diplomatique et met à mal son argumentaire traditionnel. « L’annulation de ce sommet expose le Rwanda à des critiques croissantes, aussi bien régionales qu’internationales. En s’entêtant à soutenir indirectement un groupe armé, Kigali perd du terrain dans la diplomatie régionale et risque un isolement stratégique. Cela renforce également les arguments de Kinshasa, qui appelle la communauté internationale à tirer les conséquences de cette attitude. », explique un diplomate à Kinshasa, qui a requis l’anonymat.
Un isolement croissant de Kigali
Face à cette nouvelle obstruction, Kinshasa reste inflexible. Le Processus de Luanda, médiatisé par le président angolais João Lourenço, repose sur des principes clairs : le retrait des forces étrangères, notamment rwandaises, et la neutralisation des groupes armés comme les FDLR et le M23. Pour la RDC, toute tentative de légitimer un dialogue direct avec le M23 reviendrait à officialiser l’emprise rwandaise sur le groupe, ce qui est inacceptable. La fermeté affichée par Kinshasa est largement soutenue par l’opinion publique congolaise. Des manifestations populaires dénoncent régulièrement les ingérences rwandaises et le soutien présumé au M23, perçu comme une tentative d’occupation déguisée de l’Est de la RDC.
Sur le plan régional, le Rwanda commence à s’isoler. Le médiateur João Lourenço, qui bénéficie du soutien de l’Union africaine et des Nations Unies, a déployé des efforts considérables pour réunir les parties autour d’un accord. En se retirant du processus par une condition jugée inacceptable, Kigali met non seulement à mal les avancées réalisées, mais se place également en porte-à-faux face aux initiatives régionales et internationales.
Le Conseil de sécurité de l’ONU, qui suit de près le Processus de Luanda, pourrait voir dans ce report un signe clair de mauvaise foi de la part du Rwanda. Selon plusieurs observateurs, la pression diplomatique sur Kigali pourrait s’intensifier dans les semaines à venir, notamment à travers des résolutions contraignantes et des sanctions ciblées.
Pour Kinshasa, ce report est une victoire diplomatique qui renforce son appel à la Communauté internationale pour qu’elle prenne des mesures fermes face à Kigali. La RDC, appuyée par des partenaires régionaux et internationaux, reste déterminée à œuvrer pour une paix juste et durable dans les Grands Lacs, tout en refusant de céder à des manœuvres dilatoires.
Un commentaire
Assurément le Rwanda a montré à la place publique qu’il manipule le M23 pour des gains purement rwandais (guerre économique ), entre autre chercher à fragiliser les institutions congolaises pour continuer à voler ses ressources naturelles et l’occupation de ses terres à l’Est de la RDC.