Dans ce contexte tumultueux, marqué par une sécurité précaire et des enjeux judiciaires critiques, la levée du moratoire sur la peine de mort en République démocratique du Congo (RDC) a suscité une forte opposition, notablement de la part de figures influentes telles que She Okitundu, ancien ministre des Droits humains et actuel député, ainsi que de l’Église catholique, représentée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
She Okitundu a ouvertement critiqué cette décision gouvernementale, la qualifiant de « régression » et affirmant qu’elle s’oppose à la « volonté inébranlable du constituant congolais » de protéger la sacralité de la vie humaine. « La levée du moratoire sur la peine de mort va à l’encontre des principes fondamentaux de notre Constitution et de nos engagements internationaux », a-t-il déclaré, mettant en exergue la contradiction entre cette mesure et les valeurs de droits de l’homme que le pays s’est engagé à respecter.
De son côté, l’Église catholique, à travers la Cenco, a exprimé un « refus net » de la réintroduction de la peine capitale, insistant sur le caractère sacré de la vie humaine. Les évêques ont souligné que la décision de lever le moratoire « renforce la banalisation de la vie humaine » dans un pays déjà fragilisé par des décennies de conflits. Le message véhiculé par la Cenco est clair : « Tu ne tueras point ! Sois le gardien de ton frère ». Cette prise de position repose sur une vision où la réforme de la justice et l’éducation aux valeurs de respect de la vie sont privilégiées par rapport à des mesures punitives extrêmes.
La critique de cette décision ne se limite pas aux sphères politiques et religieuses ; elle est également partagée par des organisations de défense des droits humains internationales et locales, telles qu’Amnesty International et l’Asadho, qui voient dans le rétablissement de la peine de mort une alarmante régression des droits humains dans le pays. Le mouvement citoyen Lucha a aussi condamné cette mesure, pointant du doigt les défaillances du système judiciaire congolais et le risque accru d’exécutions sommaires dans un pays où la justice est souvent critiquée pour sa corruption et son inefficacité.
Ces voix s’élèvent dans un pays qui, sous le régime précédent de Joseph Kabila, avait vu la peine de mort mise en pause, avec les condamnations à mort systématiquement commuées en prison à perpétuité, signalant un mouvement vers l’abolition de la peine capitale. Cette récente décision de lever le moratoire marque donc un tournant potentiellement sombre pour la RDC, à un moment où le pays fait face à des défis sécuritaires sans précédent et où la communauté internationale observe attentivement la direction prise par l’administration Tshisekedi en matière de droits humains et de justice.
Punir les traitres
Les partisans de cette décision soulignent le besoin de justice face aux actes de terrorisme et de banditisme urbain qui ont entraîné la perte de vies innocentes. Ils arguent que la réintroduction de la peine de mort pourrait servir de mesure dissuasive contre de futurs crimes, en envoyant un message clair quant à la gravité des peines encourues pour trahison ou participation à des activités terroristes.
Cette position s’appuie également sur l’argument selon lequel dans le contexte actuel de la RDC, où le système judiciaire est souvent critiqué pour sa lenteur et son inefficacité, la peine de mort pourrait être perçue comme un moyen d’obtenir justice de manière plus expéditive pour les victimes et leurs familles. De plus, certains estiment que la sévérité de cette mesure est justifiée par la nécessité de restaurer l’ordre et la discipline au sein des forces armées et de la société en général.
Il est crucial de noter que la décision de réintroduire la peine de mort en RDC ne se limite pas à un simple débat juridique ou éthique ; elle s’inscrit dans un contexte de préoccupations profondes concernant la sécurité, la justice, et la stabilité nationale. Alors que les critiques de cette mesure mettent en avant les droits humains et la dignité de la vie, les partisans soulignent l’urgence de répondre aux défis sécuritaires immédiats du pays et de prévenir de futures tragédies. Ce débat reflète ainsi les tensions inhérentes à la recherche d’un équilibre entre la protection des droits fondamentaux et les impératifs de sécurité dans un pays aux prises avec des défis historiques et contemporains complexes.