La fondation portant le nom de l’artiste sculpteur congolais feu Maître Liyolo a annoncé le projet de transformer sa maison à Kinshasa en musée privé dédié à l’art congolais. C’était à l’occasion d’une journée portes ouvertes organisée samedi dans la résidence de l’artiste dans la commune de Mont-Ngafula.
« Cette maison a vocation, selon la volonté de Liyolo et de sa femme, à devenir un centre de formation et de recherche pour la promotion de l’art congolais contemporain », a déclaré Myoto Liyolo, directrice de la fondation.
Le but est de créer le premier musée privé en RDC dédié à l’art du pays, qui a grandement influencé les autres arts en Afrique centrale. Par ailleurs, le futur musée servira à faire connaître l’histoire de l’art congolais moderne, surtout aux jeunes générations.
« Ce type de centre n’existe pas au Congo, sauf erreur. Et pourtant, l’art plastique a beaucoup influé sur le reste de l’art en Afrique centrale. Mais c’est dommage qu’on n’ait pas de centre de recherche sur l’art contemporain congolais et qu’on ait oublié ceux qui ont fait la grandeur de l’art plastique dans ce pays.Nous n’avons pas assez d’espace qui permet à la jeunesse d’aujourd’hui d’apprendre de son histoire», raison pour laquelle, ce musée va permettre à la communauté de comprendre non seulement qui était Liyolo mais ses contemporains et d’assurer la tradition, c’est-à-dire, la transmission aux futures générations », a-t-elle expliqué.
Les premiers travaux de construction du musée débuteront à la fin de l’année, avec une réhabilitation des ateliers. Le projet est financé par l’Agence française de développement (AFD). Un totem représentant un hippopotame, symbole de Liyolo, sera placé de manière à être visible depuis l’Université pédagogique nationale (UPN), car l’artiste avait acheté une parcelle de terre à proximité.
Maître Liyolo était un artiste atypique et cosmopolite, selon le professeur André Yoka Lye Mudaba. Son travail artistique était caractérisé par une passion pour le bronze et une volonté de transmettre un message à travers ses créations.
« C’était mon collègue et mon frère, il est décédé le 1er avril, il est resté fidèle à lui-même. Jusqu’à la dernière minute, il nous a joué un tour. Lorsque son décès a été annoncé, c’était la consternation ici et partout dans le monde. Liyolo était un homme atypique, il semble être né à Bolobo. Mais il y a deux Bolobo sur les deux rives du fleuve, lequel est-ce ? Personne ne le sait. On dit qu’il est né et a grandi sur la rive jumelle du pool Malebo, mais laquelle ? C’est tout ça Liyolo, de son vivant je lui rappelais toujours « oza mwana Mayi », car personne ne sait d’où tu viens, car tu es un homme atypique et cosmopolite. »,se rappelle-t-il.
Liyolo, un maître du bronze à l’engagement artistique et citoyen
Maître Liyolo sera avant tout associé à sa maîtrise du bronze, le matériau qu’il a le plus utilisé tout au long de sa carrière. « Bronze Passion, c’est l’œuvre de l’artiste », décrit le Professeur André Yoka Lye Mudaba.
Le bronze, matière résistante qui traverse le temps, a permis à Liyolo de laisser une empreinte durable dans l’histoire de l’art congolais et africain.
Mais Liyolo n’était pas seulement un maître du bronze, c’était aussi un artiste engagé citoyennement. Le Professeur Yoka se souvient ainsi d’une scène marquante : « Un jour, en voyant des étudiants manifester contre l’état de délabrement de Kinshasa, il était très en colère ».
Cet engagement, Liyolo l’a aussi montré à travers ses œuvres monumentales dans l’espace public, à l’image de son combat pour préserver le caractère symbolique de la place de la gare.
Au-delà de sa maîtrise technique hors pair, Liyolo restera comme un artiste profondément humain, soucieux de la Cité et de son devenir. Jusqu’au bout, il aura utilisé son art pour véhiculer des messages citoyens et porter un regard critique sur les maux de sa société.
Maître Liyolo était proche de son peuple et souhaitait rendre hommage au génie humain et valoriser les femmes, affirme le Prof Yoka.Ses œuvres monumentales selon ce dernier, ont contribué à immortaliser de grandes figures et à offrir des symboles forts à la nation congolaise.
« Je pense que c’est son éducation. Il était très proche du peuple. Regardez ses œuvres, par exemple les militants, la main sur la place des artistes à Matonge, ou surtout la femme marcheuse. Il voulait rendre hommage au génie de l’homme, en particulier des femmes. Il en parlait avec tant de passion, car c’était sa vie. Il en a fait une œuvre de proximité en l’honneur de ces personnes dont on ne parle pas. Il n’a pas créé du bronze pour les princes et les princesses, mais pour vous et nous », a fait savoir le prof Yoka.
Pionnier, Liyolo a ouvert les portes de l’art plastique congolais au monde. Ses sculptures monumentales ornent encore Kinshasa. A travers plus de 1000 œuvres célébrant souvent la femme congolaise, il a immortalisé son combat et sa bravoure.
Alfred Liyolo, sculpteur et plasticien, est décédé le 1er avril 2019 à Vienne, en Autriche. Il était connu pour son engagement constant envers l’excellence dans son domaine. Né en 1943 en République démocratique du Congo, il a poursuivi ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, en Autriche, après avoir commencé sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa en 1958. Il est revenu au pays et a occupé plusieurs postes, dont celui de directeur général de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa.