La RDC qui abrite l’une des plus grandes forêts tropicales primaires au monde, a mis aux enchères depuis le 28 juillet dernier, des vastes parcelles de terrain dans l’espoir de devenir le « nouvel eldorado » des investissements pétroliers.
Ces parcelles destinées au forage pétrolier et gazier s’étendent jusque dans le parc national des Virunga [dans l’est de la RDC], la plus importante réserve naturelle de gorilles au monde, mais aussi dans des tourbières tropicales qui absorbent des quantités considérables de carbone et la cuvette centrale, l’une des grandes réserves mondiales des forêts.
Une équipe constituée des membres du Mouvement des Jeunes pour la Protection de l’Environnement (MJPE) a effectuée une mission à Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Équateur dans le but de rencontrer les communautés du territoire de Bolomba au sujet de cette question liée à la vente aux enchères des 27 blocs pétroliers et gaziers, dont l’appel d’offre avait déjà été lancé par le gouvernement.
La réunion entre les différents représentants des secteur du territoire de Bolomba a consisté pour ce mouvement, à recueillir les désidératas et les recommandations autour des projets d’exploration et d’exploitation du bloc pétrole 4 de la cuvette centrale et de sur les activités forestière de la société COKIBAFODE dans cette partie du pays.
« Nous sommes venus avoir des séances d’échanges communautaire envie de collecter leurs avis en ce qui concerne ce grand projet qui s’apprête à d’opérationnaliser de leur zone afin que nous puissions en tant que porteur de leur droit remonter ce droit et le faire entendre au prochains sommet de trois bassins qui va se tenir à la fin de ce mois à Brazzaville. C’est beaucoup plus important pour nous de continuer à plaider pour ces communautés qui pour la plupart ignorent l’existence du projet d’exploration et exploitation du pétrole sous leur terre nourricière. Nous avons la responsabilité de défendre des bonnes causes et de veiller à ce que la biodiversité que nous allons hériter de nos ancêtres soit préservée pour nous mais surtout pour les générations futures », a déclaré Bonaventure Bondo, coordonnateur du MJPE.
Selon le ministère des Hydrocarbures, la RDC contient des ressources pétrolières estimées autour de 22 milliards de barils de pétrole et 66 milliards de mètre cube de gaz méthane dans le lac Kivu, capable de placer la RDC au premier plan de grand producteurs de pétrole et du gaz dans un environnement d’exploitation unique.
Cependant le Bloc 4 dont il est question s’étend sur les territoires de Bolomba et Basankusu dans la province de l’Équateur et sur les territoires de Boende et Befale dans la province de la Tshuapa. Les communautés composées des chefs coutumiers, chefs des villages, jeunes, membres de la sociétés civiles et responsables des églises ont contesté le projet d’exploitation pétrolière dans cette zone.
« Les secteurs ici rassemblés ont refusé ce projet pour des raisons suivantes: l’Etat congolais ne fait pas preuve de suivi ou du respect des clauses sociales et cahiers de charge. Nous ne voyons pas l’Etat congolais tenir des exigences devant un géant concessionnaire avec une forte et lourde économie d’exploitation pétrolière. Les effets secondaires de la présente exploitation sont plus grands par rapport à l’exploitation forestière. Nous proposons au gouvernement de promouvoir plutôt le marché Carbone puisqu’il ne sera pas conflictuel avec les populations. Au cas où l’Etat nous impose ce projet nous allons exiger à ce que la raffinerie soit installée ici à Bolomba », a déclaré Faustin Bompose, président de la société civile de Losanganya.
Comptant pour 29,5 % de l’énergie primaire consommée en 2020, le pétrole est la source d’énergie la plus utilisée dans le monde devant le charbon et le gaz naturel. L’exploitation de cette source d’énergie fossile et d’hydrocarbures est l’un des piliers des économies industrielles, car le pétrole fournit la quasi-totalité des carburants liquides; fioul, gazole, kérosène, essence et tant d’autres.
Alors que le projet est rejeté par la majorité des communautés, certains membres ont manifesté leur mécontentement de voir une opportunité de développer leurs secteurs s’envoler.
« Je partage l’avis du gouvernement de vouloir développer le pays grâce aux pétroles. Je pense que nous aurons l’opportunité d’avoir d’autres sociétés en plus de celles que nous avons ici. Peut-être la concurrence de la main d’œuvre fera changer d’avis sur la façon de nous traiter. En plus de cela, il y aura de l’emploi pour les jeunes. Le gouvernement n’a pas mis en place ce projet sans se soucier des conséquences. Qui sait si ces conséquences sont minimes. Nous ne pouvons pas juste être négativistes », a émis Mechack Bosaka, ayant droit de Bonkoto.
Avec 5,3 hab./km2, et d’une superficie de 24 598 km2, Bolomba est un territoire de la province de l’Équateur au cœur de la cuvette centrale. En dehors de cette voie navigable. Elle est desservie par la route nationale RN 22 à 347 km au nord-est du chef-lieu provincial Mbandaka. La société COKIBAFODE y a trouvé refuge pour entreprendre une exploitation forestière. La société tend vers la fin de son contrat, mais les communautés regrettent de ne pas tirer grand profit de la présence de l’entreprise.
Selon les notables, la société étrangère ne respecte pas les engagements sociaux et fait preuve des violations des droits de l’homme au vu et au su de tout le monde.
« Les chinois ont coupé les arbres de nos forêts, certains ont été abandonnés jusqu’à présent à Esanga dans notre forêt de Benkanga. Nous nous sommes entendus de nous payer de la monnaie pour une exploitation de 2000 tôles, 500 dollars pour renforcer notre hôpital et nous remettre 1500 à la main jusqu’à présent nous n’avons rien reçu. Nous avons parlé mais personne n’écoute nos cris de détresse. Que ferons nous, nous n’avons pas de moyen pour confronter une entreprise comme telle en justice », a témoigné Sarah Bombeto du village de Benkanga.
Les forêts du bassin du Congo fournissent un grand nombre de ressources et produisent des services écosystémiques importants pour les humains. Elles sont cependant sujettes à des menaces qui conduisent petit à petit, directement ou indirectement à leur perte. Cette tribune d’expression a trouvé tout son sens pour définir les nouvelles lignes des communautés sur des projets à venir.
« De manière générale, les communautés d’ici ne sont pas prêtes à accueillir l’exploitation pétrolière. Elles craignent d’être chassées de chez elles, elles ne veulent pas que leurs eaux et leurs terres soient polluées. A notre niveau, nous allons faire entendre leurs voix auprès des instances décisionnelles nationales et internationales. L’essentiel est de leur garantir un développement durable comme elles le souhaitent », a expliqué Johnnyta Roy Kambembo, chargé de projet et programme du MJPE.
Le territoire de Bolomba est divisé en 5 secteurs dont Dianga, avec 4 groupements et 46 villages, Mampoko, avec 3 groupements et 43 villages, Bolomba, avec 7 groupements et 112 villages, Busira, avec 6 groupements et 78 villages et Losanganya, avec 4 groupements et 113 villages. Le dépouillement des candidatures des entreprises ayant soumissionné à l’appel d’offres pour ce bloc était prévu le 6 juillet passé. Le rendez vous est repoussé pour le 22 janvier 2024.