2016 est une année électorale, d’après la constitution. Seulement, le gouvernement de la RDC ainsi que la Commission Nationale Électorale Indépendante (CENI) disent être incapables d’organiser le scrutin présidentiel. Dans ce contexte, Joseph Kabila appelle toutes les forces politiques à un dialogue national. 2016 est donc considéré comme une année marquée par une incertitude politique et sécuritaire en RDC. Qu’est-ce qui peut se passer dans les mois prochains ? Quels sont les différents scenarii envisageables ? L’historien Elikia Mbokolo s’est confié à Politico.CD
Elikia M’bokolo
C’est peut-être un peu tôt pour dire comment les choses vont se passer. On peut penser que 2016 ne restera pas dans l’histoire. Prenons l’exemple du Congo-Brazzaville ou le référendum organisé à l’initiative du Président Dénis Sassou Nguesso a donné lieu à un résultat qui est trop avantageux pour lui pour qu’on pense que les élections ont été crédibles et légitimes. On peut penser que 2016 ne restera pas dans l’histoire pour ce pays. Il y a aussi le scénario burundais. Il y a eu un forcing qui a donné des résultats. On peut craindre que sur l’exemple du Rwanda où il y a eu génocide et dans le contexte du bouillonnement intérieur du Burundi que cette élection soit la dernière goutte qui peut provoquer si pas le génocide mais en tout cas des grandes violences.
Dans le cas du Congo, on a l’impression que c’est plus compliqué. D’abord, il n’y a pas des questions qui soient posées. C’est vrai que la plus part des gens seraient d’accord pour le dialogue. Seulement, quand une famille se réunit, c’est souvent autour d’une question. Soit une fille qui veut se marier avec quelqu’un qui n’est pas de la même contrée qu’elle. Soit, il y a trop des morts dans la famille et on se demande qu’est-ce qui se passe ? Or aujourd’hui, on appelle tout le monde au dialogue, mais on ne dit pas le dialogue pour quoi ? On dit le dialogue sur le processus électoral, oui mais cela ne veut rien dire. Est-ce qu’on prolonge pour donner le délai à la CENI ? Quelles sont les questions qu’on veut résoudre dans ce délai pour qu’on sache si c’est six mois, un an, deux ans et on met ou pas d’accord sur le fait que ce délai peut être prolongé ou pas. Il faut que cela soit clair. Où quand on a élaboré la constitution, on n’a pas pris conscience de l’ampleur des problèmes que le pays a à résoudre. Dans ce cas, les articles inscrits comme non révisables peuvent être révisés. On ne sait pas trop où on va. Or si vous tenez compte du fait que les questions économiques et sociales ne sont pas résolues dans une ville comme Kinshasa qui compte à peu près 10 millions d’habitants, où la pauvreté frappe peut-être 95% de la population. Et voir tous ces gens qui disent « bo pesa kiti nga pe na vanda. Bofungola nzela nga pe na lia ». C’est compliqué. On l’a vu déjà l’année dernière : les gens pillent en disant on en a marre. Les gens de l’opposition et ceux de la majorité sont tous pareils. Nous nous allons là où il y a des biens et on va les prendre. Dans ce contexte, le Congo risquerait de tomber dans le scénario des pillages des années 1990. Les plus anciens se souviennent qu’on était en dialogue, mais on dialoguait sans savoir si on avançait ou pas et personne n’avait compris que les gens en avait assez. Il y a eu des pillages qui ont fait reculer le Congo des plusieurs dizaines d’années. En 1990, le Congo était sur le chemin des pays qu’on appelle aujourd’hui émergents (…). Dès lors que les questions étant mal posées, les gens ne comprenant pas, ils auront l’impression qu’on les roule dans la farine. Et un peuple qui a cette conscience qu’on se moque de lui, on ne sait pas ce qu’il est capable de faire.
Professeur d’histoire, Elikia M’bokolo est membre des plusieurs sociétés savantes.
Extrait du parcours:
- 1985- : directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales ; enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris, et à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) ; consultant à l’UNESCO (sur les problèmes de culture, du développement, de la paix et des sciences sociales) ; enseignement et recherche dans de nombreuses universités étrangères (université de Lisbonne en 1999 ; New York University, French Institute, 1998 ; Trinity College, French Studies, Cambridge, 1998 ; CEsA (ISEG) et CEA (ISCTE-IUL), Lisbonne, 1997 ; université de Bangui (2008) ; université de Luanda (2010)).
- Professeur d’histoire à l’université de Kinshasa.
- Président du comité scientifique de l’Histoire générale de l’Afrique (UNESCO).
Un commentaire
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