Cinquante jours après le décès du leader de l’opposition en République démocratique du Congo, ses funérailles sont toujours au coeur d’une lutte entre le Pouvoir et l’Opposition. La dépouille du « Sphinx » reste bloquée à la morgue de l’hôpital Sainte-
Après des tractations qui ont duré tout le mois de février, où l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS, son parti) avait initialement conditionné le rapatriement et l’enterrement de son leader par la mise en place d’un nouveau gouvernement de transition, conformément à l’accord du 31 décembre, une solution semblait finalement être trouvée entre le gouvernement, la famille et le parti politique de Tshisekedi au début du mois de mars.
Ainsi, alors que l’UDPS voulait l’inhumer dans le siège du parti à Limete, André Kimbuta, le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, a finalement tranché le débat, signant un arrêté qui donnait un espace d’environ 50 m de long et 10 m de large, situé juste devant l’entrée principale du cimetière de la Gombe, pour le fameux mausolée tant souhaité. Une décision qui semblait convenir à tous les acteurs, puisque Mgr Gérard Mulumba, jeune frère d’Étienne Tshisekedi, annonçait même dans la foulée un rapatriement de la dépouille pour le 11 mars.
Finalement, la situation finira par se compliquer. Le 06 mars, la famille fait volte-face. Expliquant les causes de cette décision, Gérard Mulumba a laissé entendre: «Quand nous étions à Bruxelles, nous pensions que tout le monde était d’accord pour l’enterrer sur ce site choisi par les autorités de Kinshasa. Mais une fois sur place, nous nous rendons compte que les membres de la famille restés à Kinshasa et la base de l’UDPS sont catégoriquement opposés à cette option». « Nous devons d’abord renégocier un autre site avec les autorités», a conditionné Mgr Mulumba.
Dans les coulisses, l’UDPS et la famille ont finalement réitéré leur souhait d’enterrer le défunt au siège de ce parti de l’opposition à Limete. Ce que le gouvernement refuse, opposant une fin de non-recevoir. La décision a été prise à l’issue d’un Conseil des ministres le 10 mars à Kinshasa, arguant qu’il ne peut y avoir d’inhumation « dans un site urbanisé habité ». En réaction, l’UDPS a annoncé qu’elle allait passer outre cette mesure et enterrer son leader dans la commune de Limete.
« Ils [les membres du gouvernement] oublient qu’ils assument les responsabilités d’Etat et non de militantisme au niveau de leurs partis politiques. Je vous informe que nous au niveau du parti, on s’organise pour préparer un endroit à l’enceinte de notre permanence pour enterrer le président [Tshisekedi]. C’est ce que nous allons faire maintenant. Nous avons montré notre bonne volonté cela fait un bon bout de temps, ils n’ont pas compris, ils nous ont pris pour des imbéciles, maintenant, nous allons passer à la vitesse supérieure », avait fait savoir Augustin Kabuya, Porte-parole de l’UDPS, joint au téléphone le même 10 mars par POLITICO.CD.
« Nous avons dit au gouverneur de la ville que s’il ne nous donne pas un lieu public, nous allons enterrer notre président au siège du parti. Le secrétaire général a été contacté par les ingénieurs belges qui ont déjà fait la maquette. Nous pensons que les travaux vont commencer bientôt », a ajouté Peter Kazadi, cadre de l’UDPS, le jour suivant sur les antennes de la radio TOP CONGO. « L’autorité urbaine va fléchir et n’interviendra pas pour arrêter les travaux », avait-il promis
Aucune trace de travaux
Au 22 mars, les journalistes de POLITICO.CD se sont rendus sur place au siège de l’UDPS à Limete pour vérifier l’état d’avancement de ces travaux. Le constat est sans appel: rien n’y est fait. Alors que le Secrétaire général, Jean-Marc Kabund a convoqué une conférence de presse le même jour, de combattants (surnom donnée aux militants de ce parti] venus répondre présents ont confirmé à nos journalistes n’avoir jamais vus des préparatifs autour de la construction de ce mausolée. A la place, notre équipe a pu entrevoir quelques briques dédiées à l’aménagement des toilettes rangées sur le côté.
Joint au téléphone par POLITICO.CD, Jean-Marc Kabund-a-Kabund confirme le non-début des travaux. « Nous sommes dans un bras de fer [avec le gouvernement]. Et comme nous sommes dans un bras de fer, nous sommes encore en train de tout mettre en oeuvre, à accentuer la pression pour que nous obtenions gain de cause« , a-t-il justifié.
« C’est ne pas de notre faute que les travaux n’ont pas encore commencé. Le moment venu, les travaux vont commencer. C’est notre stratégie, nous savons ce que nous sommes en train de faire, les travaux vont commencer« , a promis le Secrétaire général de l’UDPS.
De son côté, Bruno Tshibala, le Secrétaire général adjoint de l’UDPS radié du parti au début du mois, qualifie cette stratégie de « regrettable », traitant Jean-Marc Kabund de quelqu’un « d’aucune expérience ».
« Il est regrettable que ce sont des jeunes gens sans aucune expérience, sans aucune expertise, qui parlent au nom de l’UDPS, en commençant par M. Kabund (…) c’est une honte pour un grand parti comme l’UDPS. En dehors de lui, il y a des jeunes gens autour qui se sont permis de dire des choses comme quoi +on va enterrer le président [Tshisekedi] à la permanence [de l’UDPS] +, sans avoir eu l’autorisation de l’autorité urbaine acceptant que cet enterrement se passe au siège du parti. Donc vous avez raison, n’y a pas de travaux qui se font, ni de caveau, ni de mausolée« , réagi Bruno Tshibala joint au téléphone par POLITICO.CD.
M. Tshibala, qui se présente comme faisant toujours partie de l’UDPS, promet en outre ne pas laisser cette situation perdurer. « Nous ne pouvons pas accepter que les choses se passent sous forme de défi« , dit-il.
« Pour nous il était question que la famille biologique et l’autorité urbaine s’entendent sur le site où doit être érigé le mausolée où on va enterrer le héros national qui est Étienne Tshisekedi. Les déclarations de Kabund décidant d’enterrer par défi le président [Tshisekedi], c’est tout simplement de l’irresponsabilité, de la naïveté. On ne peut pas se jouer de la dépouille« , ajoute-t-il.
Un position partagée du côté de la Majorité Présidentielle, qui n’a toutefois pas souhaité réagir officiellement à cette enquête de POLITICO.CD. « Je pense que vous avez constaté vous-même dans quoi on nage avec ce parti-là. Il est important que les congolais savent que nous avons à faire avec des gens extrêmement irresponsables et qui n’ont même pas de scrupules pour leur propre leader« , a réagi un cadre de la famille politique du président Kabila, qui a requis l’anonymat.
Par ailleurs, Bruno Tshibala annonce une solution avec l’arrivée du Secrétaire particulier d’Étienne Tshisekedi les jours à venir dans la capitale.
Ecoutez les interventions croisées de Bruno Tshibala et Jean-Marc Kabund qui lui répond au téléphone avec Litsani Choukran.
Un commentaire
Faux debat