Le rendez-vous était pris. Redouté, scruté. Félix Tshisekedi risquait gros. Lui qui, 48 heures avant, venait de signer un accord aux contours vaporeux avec le camp du président Joseph Kabila, devait alors passer le difficile exercice de l’endossement. Sur les réseaux sociaux pourtant, ses militants étaient partout. L’enjeu était donc de taille. Après sa triomphale élection à la tête du parti historique de l’opposition, Félix Tshisekedi s’était donné rendez-vous à la populaire commune de N’djili, dans l’est de Kinshasa, pour se faire adouber.
Samedi, alors que ses partisans, entraînés par l’incroyable Jean-Marc Kabund, paradaient aux alentours de Limete, sainte commune Tshisekediste de Kinshasa, pour « mobiliser » ; au centre-ville, au luxueux Kin Plaza Arjaan by Rotana, un accord se signe. Il fixe alors les modalités du rapatriement de la dépouille de Tshisekedi, dieu et leader de cette religion qu’est l’UDPS, dont les restes sont coincés dans un terrible bras de fer.
Cependant, cet accord trame un empoisonnement. Des photos d’un André Kimbuta souriant aux côtés de Jean-Marc Kabund pourtant tendu viendront s’ajouter aux révélations de POLITICO.CD, qui soulignent que les « contacts » avec Kabila vont au-delà même des simples funérailles. Si l’information fuitait depuis plusieurs semaines, à 48 heures d’un test d’évaluation « compliqué », Félix Tshisekedi aurait pu s’en passer. Lundi, 23 avril, c’est le même André Kimbuta qui viendra faire avaler une dose de Centarella à Fatshi et ses combattants. Etrangement, le pouvoir autorise la manifestation de l’UDPS, une première depuis septembre 2016, et qui ne cessera d’alimenter les vacarmes d’une entente cordiale Kabila – UDPS. La fameuse trêve inscrite dans l’accord.
Tshisekedi est mort, vive Tshisekedi
Mardi, le jour du jugement dernier. Le réveille était ainsi redouté à Limete. « L’équipe mobile » était déjà à l’œuvre sur place à Sainte-Thérèse pour apprêter le sanctuaire. Cependant, jusque 11H, alors que la manifestation était annoncée pour 10h, les partisans se font désirer. Du côté de la majorité, on lève la trêve : « voici l’échec de Fatshi », lancent certains sur les réseaux sociaux. Mais en fait, c’était sans connaître les fameux combattants, ceux-là même qui ont tant aimé et porté un leader durant plus de 30 ans.
Ils n’ont pas déserté. Ils ont en route. A 15h, alors que Félix Tshisekedi joue la montre le long du boulevard Lumumba, escroqué par Kasongo, l’homme fort de Kinshasa, le terrain Sainte-Thérèse est tout à coup transformé. Des points noirs, vue du ciel. Des têtes. Une dizaine, une centaine, des milliers. Bref, impossible à compter. Ils sont là. Les Tshisekedistes. L’âme même de ce parti finalement mystique de l’opposition. Il fait pourtant 32 °C, ils s’en foutent. Ils sont venus, ici, bravant soleil, dans le calme, pour voir le nouveau Roi.
A 15h56, la foule exulte. Il est là. Le voilà. Le fils. Le Roi, le Prince, le successeur. FATSHI. « Félix », le Phoenix qui fait renaître le sphinx de ses cendres monte à l’estrade. Et pour avoir vu son paternel manœuvrer, il sait comment animer son monde, l’allumer, l’électriser. « Les provocateurs ne sont pas les bienvenues », livre-t-il Bruno Tshibala, le grand traitre ici, en pâture. Il défend l’accord passé avec Kabila, démonte la question de la Primature, fait comprendre le choix de la N’sele, met cap vers les élections. Le tout, en moins de 30 minutes. Il est là, tout haut, très haut. Etienne Tshisekedi sort de ce corps.
En une journée, l’UDPS a refait son retard de plus d’un an, se trouvant un leader, et déclarant sa flamme à un autre homme qui s’est fait petit : le « Rock », Jean-Marc Kabund, que l’on appelle à rester à son poste. Le mythe ne mourra jamais. Sans être l’égale de son père, Félix Tshilombo est néanmoins porté en tant que Tshisekedi. L’aventure continue. Le combat aussi, tout comme le rêve.
Litsani Choukran,
Le Fondé.