Le ministre Congolais de l’environnement favorable à cet échange qui s’inscrit dans le cadre de la coopération bilatérale entre les deux États, a indiqué qu’une équipe de son ministère se rendra en Chine en vue de s’assurer de la bonne réception et de la meilleure conservation de ces animaux dans les zoos Chinois.
Les pétitions consultées par Politico.cd indiquent que « toute progéniture de ces animaux devra être introduite dans son milieu naturel, en RDC ». Mais nombreux de conservationnistes doutent de l’efficacité de la démarche notamment en raison de défis liés aux ressources que présente l’État congolais dans plusieurs domaines.
Divergences entre deux institutions étatiques de conservation de la nature.
Alors que l’Institut Congolais pour la conservation de la nature, ICCN, a été la première institution publique à dénoncer la violation des règles du commerce international en matière de la migration d’espèces sauvages à travers une lettre écrite au ministre de l’environnement par Cosmas Wilungula, directeur de cette institution, le ministère de l’environnement réplique qu’aucune règle n’a été violée. « Le ministère de l’environnement et développement durable porte à la connaissance de l’opinion que, contrairement à l’information qui circule depuis un temps dans les réseaux sociaux au sujet de la vente présumée de certaines espèces animales protégées à deux zoos chinois, aucune action allant dans ce sens n’a jamais été envisagée » écrit un communique du ministère datant du 25 juin dernier.
« En effet, toute demande d’échange d’espèces régie par la convention CITES, doit faire l’objet d’une analyse minutieuse par l’organe technique habilitée à statuer sur la question, à savoir l’institut congolais pour conservation de la nature (ICCN). C’est dans cette optique, que le ministre de l’environnement et développement durable a transmis à I’ICCN la demande du directeur exécutif de Tianjin Junheng lnternationaI Trade Corporation pour avis technique » explique le document, précisant que la correspondance du ministre de l’environnement ne peut en aucun cas être considérée, ni interprétée comme un permis d’exportation, moins encore une vente de ces espèces à des tiers ; mais comme une instruction à l’ICCN de procéder à l’examen du dossier soumis par le requérant pour sa conformité à la Convention CITES et aux lois de la RDC.
Esther Marijnen, chercheure sur la conservation armée et spécialiste sur la RDC au centre de recherche de l’Université de Ghent en Belgique estime que les divergences entre l’ICCN et le ministère Congolais de l’environnement sur cette question démontrent qu’il existe des divisions internes entre les deux entités. D’où conclut-elle, « on ne peut pas parler de l’Etat congolais lorsqu’il s’agit d’évoquer la question de la conservation en RDC ».
Grogne et mobilisation internationales contre l’exportation d’espèces endémiques en souvenir d’un passé amer Chinois en la matière
La première initiative mobilisatrice contre cette mesure est venue d’Adams Cassinga, ancien ranger en RDC et directeur de l’organisation Conserv Congo, qui a lancé une pétition adressée aux organisations internationales intervenant dans la conservation de la faune et de la flore (CITES, UNEnvironment, UICN, Nature Lovers,…) et au parlement Congolais. A travers cette pétition qui a récolté plus de milles signature, Adams espère trouver une mobilisation internationale contre cette exportation d’espèces animales endémiques dont les conséquences resteront calamiteuses pour les futures générations. « L’Okapi est une espèce endémique pour le Congo. Plus de 80% des citoyens congolais ne l’ont jamais vu et la moitié de ceux qui l’ont vu, c’était dans les zoos étrangers » révèle-t-il.
« C’est effroyable » écrit Caroline Mason, une signataire de la pétition. « Nous avons vu les conditions dans lesquelles les éléphants du Zimbabwe vivent et meurent en Chine. Qu’est-ce que la RDC veut trafiquer ? Est-ce le retour sur les investissements chinois ? » s’interroge l’internaute avant de conclure que « si le transfert est conclu, ces animaux ne survivront pas car certains sont déjà en danger d’extinction », appelant le régulateur international du commerce des espèces sauvages, CITES, a vite agir si elle veut sauver ces espèces rares.
« Les gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei) sont classes sur la liste des espèces en péril depuis 1996. Signez la pétition et demandez au gouvernement congolais et la CITES de ne pas permettre l’exportation de gorilles de Virunga » appelle pour sa part l’ONG Save Virunga sur son compte Twitter.
« Chaque organisation de conservation dans le monde allant de l’organisation Born Free, qui lutte contre la souffrance des espèces sauvages jusqu’à l’association international de zoos et aquariums s’opposent à la proposition folle d’envoyer les gorilles de montagne, les bonobos, les chimpanzés, les okapis et les lamantins en Chine en contravention de la loi de la CITES et de règlementations de la RDC qui protègent ces espèces » écrit Ian Redmond, fondateur de l’ONG Ape Alliance et directeur de The Gorilla Organisation aussi ambassadeur de la Convention de Bonn sur la migration terrestre, aquatique and aérienne d’espèces.
Des populations locales écartées ou ignorant leur rôle ?
Bien que ces initiatives visent toutes à sauver ces animaux d’une exportation vers la Chine, déjà jugée calamiteuse par les experts se basant sur l’expérience des éléphants et lions du Zimbabwe, le mouvement citoyen Lutte pour le Changement pense que la campagne n’est pas orientée vers les principales cibles. « Belle initiative pour arrêter l’exportation illégale de nos espèces animales en Chine. Mais quand vous initiez une telle pétition en anglais, c’est quoi votre cible ? » commente le mouvement citoyen sur la pétition de Save Virunga. L’ONG a précisé avoir apporté une traduction en français de la pétition.
Dans les villages riverains aux aires protégées desquelles devraient être soutirées ces espèces candidates à l’exportation, aucune initiative locale, ni des organisations de défense de l’environnement n’a pas appelé à se mobiliser contre ce projet.
Les zones de conservation de la nature en République démocratique du Congo sont caractérisées par une méfiance entre les institutions environnementales et les communautés locales, qui considèrent les projets de conservation comme un asservissement de leurs droits aux terres et aux ressources que regorgent ces espaces de protection. Ces tensions ont poussé à la création de groupes rebelles d’autodéfense locaux, souvent accusés de mener des attaques contre le personnel des aires protégées en complicité avec certains membres de communautés autochtones.