Le 29 septembre à la place Triomphal, alors que les principaux leaders de l’opposition prenaient tour à tour la parole pour dénoncer les machines à voter imposées par la Commission électorale aux prochains scrutins, Félix Tshisekedi, fils du fondateur historique de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) prenait son monde à contre-pied, entama ce qui s’avère être aujourd’hui une vraie désolidarisation avec les autres parties.
« Je sais qu’ils ont mis des pièges, ils ont placé la machine à voter, ils ont mis le faux fichier [électoral]. Que ce soit la machine ou le fichier, si nous sommes unis, ils ne nous vaincrons jamais« , a-t-il dit.
Volte-face en douceur
Le 24 avril 2018, nous avions révélé que l'accord autour des funérailles Tshisekedi avait comme condition la nomination de Félix Tshisekedi à la Primature. Des faits qui ont été largement réfutés et notre enquête remise en cause. Aujourd'hui, Augustin Kauya admet les faits. #RDC pic.twitter.com/zKnIhnzMLz
— POLITICO.CD (@politicocd) October 21, 2018
Des jours plus tard, Jean-Marc Kubund, un homme qui juré d’abandonner la politique si Kabila était toujours au pouvoir en janvier 2018, annonce la grande nouvelle. L’UDPS, dit-il, est prête à aller aux élections « avec ou sans la machine ». Le terme « sans » n’est en réalité qu’un euphémisme. Le principal parti de l’opposition a déjà pris position pour ces élections.
Pour autant, les revendications défendues jadis par tous étaient légitimes. L’année dernière, des enregistrements d’Aubin Minaku, Secrétaire général de la majorité au pouvoir, se facilitant de leur usage au profit du pouvoir ont été diffusés par la presse. Par ailleurs, outre l’opposition, l’Eglise catholique et les organisations de la société civile dénoncent également ces machines.
Le Comité Laïc de coordination, une structure catholique, affirme que ces machines risquent de plonger « inutilement » le pays dans un cycle de Violences. » « Le CLC attire l’attention des partenaires sur le fait que le manque de confiance des électeurs dans l’institution organisatrice demeure un sujet plus que préoccupant« , dit-il dans un communiqué publié le week-end dernier, et qui « exige une solution urgente« , appelant la CENI à « retirer immédiatement son projet de machine à voter. »
#RDC GRAND ANGLE/ Les dessous de l'accord sur les funérailles de Tshisekedi (récit et révélations exclusives) https://t.co/MqunOdtQ1s pic.twitter.com/OBuvKe6goD
— POLITICO.CD (@politicocd) April 22, 2018
Cependant, à moins de deux mois des élections, il est peu sûr que la CENI retire ces machines. Par ailleurs, alors que tous appelaient à retirer ces outils, aucun parti de l’opposition n’envisage le boycott. Pire, d’autres prennent part à des législatives avec les mêmes machines, tout en dénonçant la nouvelle position de l’UDPS; donnant de l’eau au moulin du parti de Félix Tshisekedi.
Toutefois, l’UDPS ne va pas innocemment vers ces élections. Avec les disqualifications de Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, Félix Tshisekedi qui aurait pu se retrouver dans l’ombre de ces deux leaders, veut en profiter pour se poser en principal challenger de Kabila, même en cas de défaite à cette Présidentielle.
Au début de l’année déjà, le Fils Tshisekedi était en discussion avec Kabila pour un gouvernement de large union. Félix Tshisekedi avait conditionné cet accord à la tenue des funérailles de son père, dont la dépouille est emprisonnée dans une morgue à Bruxelles depuis 2017. Un accord a été signé en avril 2018 autour de ces funérailles, mais « le temps n’a pas permis la mise en place de l’accord« , renseignait notamment un négociateur du pouvoir autour de ce dossier.
Premier ministre après les élections
Le mois dernier, une source au ministre de l’Intérieur a fait savoir à POLITICO.CD que Jean Mbuyu, Conseiller spécial du président Kabila, avait reçu des instructions du président congolais pour réactiver le dossier des funérailles. A l’heure actuelle, les travaux du mausolée qui devrait être érigé dans l’Est de Kinshasa stagnent, dans l’attente d’un décaissement. Henri Mova, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, chargé de l’affaire, aurait en effet reçu les fonds nécessaires.
Félix Tshisekedi était proposé à l’issue de l’accord du 31 décembre 2016 au poste de Premier ministre avant que Kabila ne décide de nommer un autre dissident de l’UDPS, Bruno Tshibala. Cependant, si le fils de Tshisekedi avait l’accord de ses partenaires de l’opposition, notamment un farouche soutien du côté de Moïse Katumbi, il en est plus question aujourd’hui. De ce fait, prendre part à des élections perdues d’avance au profit du candidat du pouvoir, Emmanuel Shadary, permettrait à Félix Tshisekedi d’en revendiquer la victoire, pour finir par revenir sur un probable accord avec Kabila autour de la Primature.
#RDC Yoweri Museveni envoie un message spécial à Joseph Kabila après son tête-à-tête avec Félix Tshisekedi https://t.co/uag5IdYtKM pic.twitter.com/ft9tVDiyN2
— Litsani Choukran (@LitsaniChoukran) October 21, 2018
Par ailleurs, le changement de position de l’UDPS intervient alors que Félix Tshisekedi s’est rendu en Ouganda au début du mois sur demande de Yoweri Museveni, longtemps allié du président Kabila. La semaine dernière, Museveni a, à son tour, dépêché un émissaire pour déposer « un message spécial » à Kabila à Kinshasa.
Ce vendredi, alors que l’opposition a mobilisé à travers le pays pour réclamer notamment le retrait des machines et surtout un processus transparent, l’UDPS a séché ce rendez-vous. Félix Tshisekedi qui est arrivé à Paris hier, n’a même pas pris part d’une réunion de deux jours en Afrique du Sud où les opposants annoncent avoir signé un accord de coalition électorale. .