Le peuple est en colère ! La tension monte. C’est l’affaire du moment au Congo. Durant plusieurs semaines, la meute gueule, s’énerve et veut voir clair. Le fait est que, selon le PNUD, plus de 71% des Congolais vivent avec moins de un dollar américain par personne par jour. L’indicateur de développement humain (IDH) du pays est de 0,286 et l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) de 0,393%. Dans ce contexte, 15 millions dollars américains représentent un pactole que même Houdini ne serait capable de faire disparaître. Rappelez-vous, Evariste Boshab a été emporté pour 3 millions seulement!
Mais qu’en est-il réellement de cette affaire? Le 31 juillet 2019, des gaillards de l’Inspection Générale des Finances (IGF) envoient un rapport d’audit au Procureur Général près la Cour de Cassation. Ils demandent ainsi à la Cour de mener « des enquêtes approfondies » après avoir constaté, selon eux, « plusieurs obstructions et manque de transparence de certains services », citant une des leurs missions de contrôle.
Une affaire est prise comme exemple, il s’agit de ce fait des revenus des produits pétroliers. L’affaire est issue d’un Comité de Suivi des Prix des Produits Pétroliers et du Ministère de l’économie nationale.
Kamerhe, le coupable idéal
En effet, en 2017, la RDC connaît une flambée des prix du carburant. Pour sortir de la crise, le gouvernement et les sociétés pétrolières trouvent un accord. Ces dernières s’engagent à maintenir les prix fixes à la pompe, mais que le gouvernement de son côté devrait compenser leurs les pertes et manque à gagner.
En Janvier, le pouvoir change. Et on arrive à l’épisode des Inspecteurs et leur rapport. L’IGF s’est donc penchée sur un comité de Suivi mis en place pour coordonner les remboursements à l’endroit des sociétés pétrolières, analysant notamment les mécanismes de ces opérations et, bien-sûr, en essayer de voir clair sur la gestion des fonds décaissés par le gouvernement.
Mais étrangement, leur rapport de mission fuite sur internet, dans un pays où toutes les affaires de l’Etat ont pris la fâcheuse habitude de se régler sur les réseaux sociaux. Et une lecture, assez éronnée, est mise en évidence: Vital Kamerhe, Chef du cabinet du président Félix Tshisekedi, y aurait mis son nez.
Selon ce rapport, en date du 10 mai 2019, Kamerhe demande à la Rawbank de virer le montant de la décote de ce Comité vers un compte du programme des 100 jours du Président Tshisekedi. C’est donc, jusque-là, le seul pêché du Direcab. Sauf qu’au même moment, une lettre fait surface sur internet. Elle emmènerait de Kamerhe, s’opposant à toute mission de contrôle des inspecteurs. Car entre-temps, l’ANR décide étrangement de passer en revue toutes les dépenses des différents ministères depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir.
Mais sur les réseaux sociaux, cette lettre de Kamerhe, que ses proches prendront la peine de démentir, est rapidement associée au rapport des inspecteurs sur les… 15 millions. Ce qui n’en est bien sûr pas le cas.
Revenons sur l’affaire. Selon le rapport des inspecteurs, près de 15 millions, sur les 100 millions disponibilisés par l’Etat, manquent à l’appel. Alors que la foule accuse Kamerhe, en réalité, et selon le rapport même, deux hommes sont au coeur de des retraits. Georges Yamba Ngoie, Conseiller chargé des questions financières et des produits stratégiques au Cabinet du Ministre de l’Economie Nationale et Célestin TWITE YAMWEMBO, Secrétaire Général à l’Economie Nationale.
Selon les courriers en annexes du rapport de l’IGF, ce duo a été mandaté par le Ministre de l’économie nationale Joseph KAPIKA, d’abord en date du 14 septembre 2017, puis le 09 janvier 2019, comme répondant auprès de la Rawbank. C’est donc eux deux qui auraient opéré les retraits.
Qui sont-ils ?
Peu d’informations à leur sujet. Les deux retrouvent leur connexion qu’auprès de l’ancien ministre Joseph Kapika. Cependant, les inspecteurs des finances indiquent ne pas être en mesure de renseigner clairement l’utilisation de près de 15 millions.
Selon le rapport, cette difficulté est liée à : la réticence de Rawbank à produire les soubassements de retraits de fonds dans le compte ayant logés la décote sans réquisition judiciaire, étant donné que ces pièces mettent en cause de tiers ; ensuite, l’absence de Henri Yav, Ministre intérimaire de l’économie, Président du comité de suivi, pour donner des instructions afin que son conseiller chargé des questions financières mette à la disposition de l’enquête de contrôle, les pièces justificatives de l’utilisation de la décote.
Par ailleurs l’Inspection Générale des Finances précise que cette décote est à verser au compte général du trésor ouvert par le Gouvernement à la Banque Centrale du Congo et non dans une Banque commerciale privée. Ensuite, le montant de créance à payer aux sociétés pétrolières est évalué à environ 84 millions USD et non 100 millions USD, comme présenté par le Ministre ayant en charge l’économie à l’époque.
Tous ces événements se passent en réalité avant l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir. Même si les retraits seront opérés juillet 2019, Vital Kamerhe atterrit donc dans cette affaire comme un cheveux dans la sauce. Même si, dans le rapport des experts de l’IGF, le Directeur de cabinet du Chef de l’Etat est pointé du doigt pour avoir, dans une lettre, demandé que les 15 millions soient transféré vers un compte du programme de 100 jours du président congolais ; mais cette demande n’a pas été exécutée
De son côté, Vital Kamerhe dément également que l’argent ait disparu, malgré les affirmations du rapport de l’IGF. « Il n’y a pas eu de détournement. Ces 15 millions proviennent d’une ligne de crédit de 100 millions qui avait été ouverte par le ministère de l’Économie. Il s’agit d’une décote et c’est une opération régulière. D’ailleurs, lorsque l’IGF a porté plainte auprès de l’inspecteur général de la brigade contre les crimes économiques, celui-ci a classé le dossier. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas eu de détournement », a expliqué Vital Kamerhe dans une interview sur Jeune Afrique.
L’affaire est aux mains de la Justice et pendant ce temps, l’opposition, incarnée par Martin Fayulu en fait déjà des choux gras. Alliés aux catholiques du Comité Laïc, il rouspète déjà dans la rue et fait pression à la justice. Mais il se dégage déjà un parfum de politique derrière