Dans un pays qui change de président tous les trente ans, nul ne grandit en se préparant à le diriger un jour. Et Félix Tshisekedi n’allait pas échapper à cette réalité. Lui qui n’a eu que quelques heures pour tout apprendre des protocoles d’Etat, alors que jusqu’à la dernière minute à Kinshasa, nul n’était réellement sûr que le pouvoir lui serait transféré démocratiquement. Le début seront difficiles. Tant sur le plan humain. Mais avec le temps qui avance, le fils Tshisekedi prend ses marques, jusqu’au jour où il débarque à New York, devant la planète toute entière, afin d’expliquer sa vision du monde.
Auréolé de son succès diplomatique à Bruxelles, c’est un Félix Tshisekedi gonflé à bloc qui arrive à New York fin septembre. Star de cette 72ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, le nouveau président congolais est toutefois attendu au tournant. Car, bien avant lui, Joseph Kabila a habitué au monde d’un ton assez musclé, dans une dualité face à son pouvoir. En prenant la parole au troisième jour, Félix Tshisekedi fait discours qui retentira à jamais auprès des partenaires de la RDC. Au juste milieu, pas extrême, ni clément, le nouveau Chef de l’Etat s’ouvre au monde. Dressant le portrait de la situation politique au pays, Félix Tshisekedi est heureux de faire savoir qu’il n’y a plus de prisonnier d’opinion en RDC. Tout comme, sur le plan sécuritaire, il a, contrairement à Joseph Kabila, encore besoin de la MONUSCO.
« Je note une convergence de vues avec le Secrétaire général quant à l’urgente nécessité de réadapter la configuration de la MONUSCO à l’évolution de la situation sur le terrain, en concentrant davantage les efforts sur les capacités d’intervention opérationnelle des forces onusiennes aux côtés des forces armées de la RDC», dit-il.
Mais le Chef de l’Etat ne contredit pas pour autant son prédécesseur et appelle à une révision des forces onusiennes pour plus d’efficacité. « En d’autres termes, la RDC a encore besoin de la MONUSCO, mais une MONUSCO non pléthorique, bien équipée, forte et dotée d’un mandat adapté, à l’image de la brigade d’intervention rapide qui avait jadis mis en déroute le Mouvement M23 », a-t-il ajouté.
Très attendu sur le chapitre économique, notamment autour des minerais, c’est là que Félix Tshisekedi se montre juste. Car en réalité, le nouveau code minier publié l’année dernière en RDC, en bras de fer avec les miniers mondiaux, est l’un des rares sujet pour lesquels lui et Joseph Kabila étaient d’abord. Félix Tshisekedi rappelle donc que la RDC détient environ 70% des réserves mondiales des métaux stratégiques indispensables pour réaliser la transition énergétique et numérique qui s’impose à l’humanité.
« Plutôt que d’utiliser ses réserves naturelles de minerais comme source de rente monopolistique, mon pays se propose de s’ouvrir au monde en permettant l’exploitation réglementée de son sous-sol contre un accompagnement à l’industrialisation et à la production de batteries et de composants à plus haute valeur ajoutée », appelle le Chef de l’Etat, avant de lancer la phrase qui retentie jusqu’à Kinshasa :. « Le Monde a soif de cobalt, de coltan, de lithium ; nous voulons des emplois industriels, de la formation, et du développement», s’exclame-t-il.
A l’issue de son discours, alors que ses homologues regagneront leurs pays, Félix Tshisekedi reste plusieurs jours aux Etats-Unis, tentant jusqu’au bout de convaincre des investisseurs pour la reprise de leurs activités au Congo. Au four et au moulin, Tshisekedi est peut-être irrémédiablement sur sa lancée.