Pendant que le président Félix Tshisekedi sillonne le monde à la recherche des investisseurs et en reçoit certains à Kinshasa, le gouvernement de la République démocratique du Congo, où 2 à 5 enfants sur 10, soit 20 à 50% d’enfants de zéro à 5 ans, souffrent de la malnutrition, n’accorde que 3,56% à l’agriculture dans son budget 2020. Alors que le Protocole de Maputo que le pays a ratifié recommande qu’au moins 10% du budget soit alloué au secteur agricole.
Or, selon des experts, « le développement du secteur agricole contribuerait à la création d’un grand nombre d’emplois, à lutter durablement contre la faim, à la diversification de l’économie et à l’émergence de l’économie endogène qui mettrait fin à l’extraversion de l’économie congolaise ».
Un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) indique que la RDC est passée de 10 à 15 millions de cultivateurs. Curieusement, le Grand Katanga, autrefois important producteur, grenier agricole du pays et exportateur, en est réduit aujourd’hui à importer, à prix fort, de la farine de maïs de la Zambie, entre autres pays fournisseurs, » pour se mettre à l’abri de la famine « .
VISION AMBITIEUSE, FAIBLES MOYENS
Dans le secteur agricole, le gouvernement congolais prévoyait d’«augmenter, dès 2019, la production des cultures vivrières et maraichères (manioc, maïs, riz, pommes de terre et haricots) par des campagnes agricoles ».
Étaient également envisagés, la poursuite la création des centres de développement intégré et des parcs agro-industriels, la réduction de la vulnérabilité du secteur, la finalisation de l’architecture institutionnelle de tous les parcs agro-industriels, la construction des infrastructures de production et de distribution agricole, le développement des programmes de formation et de recherches ainsi que la lutte contre les maladies animales.
« Pour ce faire, le budget de l’agriculture se situera sur les trois prochaines années à 14.207.740,333 FC en 2019, 14.729.218,985 FC en 2020 et 15.249.175,669 en 2021, soit un budget triennal de 44.186.134, 987 FC », avait-il annoncé.
Mais, à cette vision ambitieuse, des organisations paysannes membres des associations de la société civile, ont opposé début février 2020 l’argument selon lequel « avec 14.207.740.333 FC, soit environ 8.128.930 USD au taux budgétaire de 1747,8 FC le dollar, le budget de l’agriculture est d’un niveau faible et ne représente que 3,56% du budget général ».
Économiste et agronome, le professeur belge Baudouin Michel, de l’Université de Liège, avait estimé en 2018 Qu' » avec une bonne politique agricole, en 10 ans, la RDC n’aura plus besoin de fonds extérieurs « . « La RDC a été un grand producteur africain de café jusqu’au début des années 90, avec une production annuelle de 100.000 à 120.000 tonnes, essentiellement le résultat du travail de petits planteurs. Ce qui veut dire que l’argent était redistribué à des millions de Congolais« , avait-il expliqué dans un entretien avec la journaliste Marie-France Cros de la Libre Afrique.be.
Et de préciser : » Les deux tiers étaient du robusta – qui pousse au-dessous de 1900 l d’altitude – planté en province Orientale, Équateur, Mayombe (Bas-Congo) – +très renommé+ – Maniema et un peu au Kasaï. Le reste en arabica, plus prisé, qui pousse au-dessus de 1000 m d’altitude, planté au Kivu et un peu en Ituri. Le robusta se vend aujourd’hui 1000 à 1500 dollars la tonne. Là-dessus sont venues les guerres et les rébellions. Et, aujourd’hui, la RDC n’exporte plus que … 8500 tonnes ».
Huit années plus tôt, lors d’un atelier tenu du 7 au 8 juin 2010 à Kinshasa, le secrétaire général de la Communauté des États de l’Afrique australe (Comesa), Stephen Karangozi, avait affirmé que « la RDC est dotée d’un potentiel de production agricole énorme capable de nourrir environ 2 milliards de personnes s’il est entièrement et rationnellement bien exploité ».
Un an plus tard, l’Institut national des statistiques (INS) annonçait, le 31 août 2011 dans un autre atelier à Kinshasa, que » la la République démocratique du Congo possède un potentiel de 80 millions d’hectares de terres arables mais seulement 8 millions sont exploités, soit 10% ».
« 3% de ce potentiel sont utilisés pour les cultures et 7% pour l’élevage. Mais, avec ce potentiel exploité (10%), le pays peut couvrir l’ensemble de ses besoins alimentaires. Cependant, les 10% de ce potentiel ne sont pas convenablement exploités », avait déploré Thomas Kembola, expert du ministère congolais de l’Agriculture, Pêche et Élevage.
Il avait précisé que « plusieurs facteurs empêchent la meilleure exploitation de ce potentiel, notamment le faible pourcentage du budget alloué chaque année au secteur de de l’agriculture (3%), contrairement aux normes internationales auxquelles la RDC a souscrit parce que le secteur de l’agriculture devrait bénéficier de 10% du budget national ».