Trouver un emploi à Kinshasa est une gageüre. Diplômés comme peu instruits, cadres universitaires ou autodidactes, tous sont à la recherche du boulot. Mais c’est sans compter avec le nombre insuffisant des entreprises. Des statistiques de certains organismes indiquent que seuls 10% des Congolais ont un travail décent.
Que faire devant une telle réalité ? Quelques expatriés ont installé ça et là leurs business , mais comptés au bout des doigts. Ils ont des Magasins et engagent les Congolais à temps plein. Cependant, grand est le désarroi de ces jeunes diplômés qui y sont embauchés. Maisons d’habillement, super marchés, boutiques, quincailleries, les employés travaillent tel des robots, de 7h du matin à 22h pour avoir 50$ à la fin du mois. Les mieux rémunérés touchent 70 à 100$. « Quand Dieu a vu notre travail, il s’en est réjoui. Mais quand il a vu notre salaire, il a regretté », se lamente Adrien Ngoma, vendeur dans un dépôt pharmaceutique des Libanais, au Marché central.
Les entreprises de l’Etat n’engagent presque pas, il y règne le principe de » j’y suis et j’y reste ». Et même quand il arrive rarement de recruter, tout échappe aux standards universels dans ce domaine. Il faut avoir des affinités avec les responsables et dirigeants des opérations. A la limite, il faut une recommandation d’un politicien ou autorité politico-administrative. C’est le modus operendi dans ce pays aux milliards des terres arables. La méritocratie n’est pas prise en compte ici.
Pour preuve, il suffit de constater l’effervescence autour de nouvelles nominations en gestation dans les entreprises. Les négociations se passent entre organisations politiques: Front commun pour le Congo (FCC) et le Camp pour le changement (CACH). Seuls les membres de ces formations politiques seront désignés, puis nommés à la tête des entreprises. Pourtant, les experts et autres têtes pensantes pouvant mieux diriger le portefeuille ne sont toujours nécessairement pas dans ce qu’il y a comme coalition politique. Qu’il s’agisse de passation des marchés, ce sont les mêmes scènes et les mêmes spectacles.
Article 15
Face à ce tableau sombre, le Congolais se montre très imaginaire, inventif et créatif. Il multiplie des stratégies pour sa survie, en attendant que l’Etat donne du travail. Voilà qui justifie la multiplicité des cabines téléphoniques à travers la ville, au moins 5 à 10 contiguës sur la même avenue. Les propriétaires sont parfois des cadres universitaires, mais chômeurs en réalité. Ils vendent des crédits de différents réseaux, mégas, ils échangent la monnaie et vendent des papiers mouchoirs, bonbons et la variété des cigarettes.
Il y a aussi des vendeurs ambulants communément appelés « Chayeurs ». Ils vendent une diversité d’articles à la criée. Ils sont sur les boulevards, au Grand Marché, en ville, à la cité et même dans les écoles et universités. Très courageux, ils sont obligés de crier à tue-tête à longueur des journées pour pouvoir survivre. Ils vivent ainsi de la débrouillardise. Ils savent faire le marketing de leurs marchandises achetées au centre ville au rabais. Ils vendent tout ce qui est commerciables.
Le nombre pléthore des « ligablos » et étalages de petits articles à la cité sont des indices de la pauvreté, d’un pays très pauvre, selon un entrepreneur. Les femmes aussi se sont lancées dans cette vente à la criée. Elles font le tour des avenues dès l’aube. Leurs cris réveillent les habitants des quartiers exploités. Si certaines vendent toute sorte de légume, les autres cherchent des travaux ménagers quotidiens. Ici, les habitants parlent de « kalayi ngangu, kalayi technique (un dicton qui appelle à l’inventivité) ».
A chacun son job
Les jeunes n’ayant pas un bagage intellectuel assez lourd, s’occupent bien de la cordonnerie, manucure et pédicure sur chaque avenue. Ils parlent de l’article 15, ce fameux article n’ayant figuré dans aucune Constitution du pays. Dans l’entendement du Congolais, » débrouillez-vous » est le contenu de l’article 15. Il autorise à tout citoyen de faire ce qu’il peut selon ses moyens et énergie pour survivre, à défaut de bons boulots que peut offrir un État.
Mais il existe un autre fait phénoménal à Kinshasa pour survivre. Les plus démunis, les handicapés et aveugles se livrent à la mendicité sur les grandes artères. Ils se faufilent à travers les voitures qui s’arrêtent au feu rouge, attendant patiemment le vert pour repartir. C’est le moment propice pour ces hommes et femmes, guidés par de petits enfants de demander de l’aumône aux passants et clients dans les taxis. Une mesure du Gouverneur de la ville avait interdit cette pratique, laquelle mesure a sa place dans les tiroirs et jamais été suivie des faits. Cette catégorie de personnes s’accroît jour après jour.
Pour leur part, les Kinois croient fermement et ajoutent foi aux paroles du Chef de l’État qui a déclaré cette année des actions. « Plusieurs entreprises seront installées à travers tout le pays pour donner du travail aux Congolais. Fatshi béton », révèle Pascal Ngodila, un combattant de l’Union pour la démocratie et le progrès social (Udps). Ceci est le vœu de tous les jeunes qui sont des milliers à avoir obtenu leurs diplômes universitaires, mais condamnés au chômage. Voilà qui justifie le grand nombres des hommes célibataires qui vivent sur le toit parental. Si l’Etat réalise ses promesses, le pays quittera de ce gouffre d’informel, un commerce non réglementé et sans lendemain assuré.
Édouard Bajika