«Il me parait opportun de rappeler que les élus du MLC, députés nationaux, députés provinciaux et sénateurs représentent le peuple dans leurs assemblées respectives, malgré le caractère chaotique des dernières élections et sont détenteurs des mandats du parti. Aussi dans le but de maintenir la discipline et garantir la cohérence de la ligne politique du parti, toute initiative des élus MLC dans les assemblées délibérantes doit être définie comme une cause commune, par conséquent, il est impérieux qu’elle soit au préalable concertée au sein du groupe parlementaire. Toute initiative parlementaire non concertée n’engage que son initiateur. Le groupe parlementaire comme le parti ne sera nullement comptable des conséquences politiques des initiatives individuelles ». C’est ces mots repris dans une lettre datée du 24 avril 2020 que le Président national du Mouvement de Libération du Congo, Jean-Pierre Bemba Gombo semble rappeler à l’ordre les différents élus de son parti qui selon l’avis de certains analystes politiques « agiraient en électrons libres par des initiatives certes courageuses et fondées mais pas dans la ligne du parti ».
En toute vraisemblance, selon des sources croisées, le chairman du MLC viserait ainsi deux élus MLC en l’occurrence Jean-Jacques Mamba de Lukunga et Jacques Djoli de Boende qui seraient montés en pointe contre des positions politiques controversées du pouvoir UDPS à savoir l’affaire des « 7 millions imaginaires du Congrès » et l’état d’urgence sanitaire.
Certains analystes y verraient un clin d’œil de l’homme de Gemena au pouvoir de Fatshi en ce moment où le vacillement de l’alliance CACH avec les démêlés judiciaires de Vital Kamerhe ouvre des perspectives de rabattement des cartes dans le jeu politique congolais si dynamique.
Duel Mamba-Kabund
Dans son ping pong médiatique face au président du Sénat, Alexis Tambwe Mwamba qui défendait la thèse d’une autorisation parlementaire pour l’état d’urgence sanitaire, Jean Marc Kabund ci-devant 1er vice-président de la chambre basse argua sur une radio locale que l’organisation d’un Congrès à cette fin coûtera 7 millions de dollars US. En ce temps de psychose due au Covid-19, cette information éclata telle une bombe, obligeant les présidents des chambres parlementaires par un communiqué du président Tambwe à qualifier ces propos de « faux, mensongers et diffamatoires » et ajoutantque « les deux présidents des chambres, conscients de la situation que traverse le pays, ont donné aux deux questeurs, des instructions précises pour que les budgets soient limités au strict minimum des besoins. Les deux présidents prendront soins de rendre public le budget qui sera mis à disposition ».
Alors qu’on pensait la polémique close par ce dernier communiqué, c’est le député MLC élu de Lukunga et ex-porte-parole du parti cher à Jean-Pierre Bemba, le sémillant Jean-Jacques Mamba qui fait rebondir l’affaire en adressant un courrier au premier vice-président de l’Assemblée nationale, dans lequel il lui demande de fournir des détails sur le budget complet, de 7 millions de dollars prévus du Congrès : “Considérant votre rang et vos qualités, considérant aussi que vous nous représentez valablement, je vous demande de nous fournir par courrier et autre éléments qui soutiennent vos propos qui, dans une certaine mesure non de moindre, ont affecté notre crédibilité collective au point de nous empêcher de débattre librement sur nos propres lois”.
Le silence de Kabund face à cette première lettre poussera Mamba à réagir en demandant la démission de celui-ci par une nouvelle lettre reprenant ces termes : « Vous n’avez pas été en mesure de fournir le budget et éléments que je vous ai demandé et la raison est simple, vous aviez affabulé sur les 7 millions USD pour ameuter les auditeurs et décrédibiliser tous ceux et celles de vos collègues qui, en toute liberté et responsabilité, pouvaient avoir un avis contraire. Je considère que cette attitude ne correspond pas à la hauteur qu’exige votre fonction et je suggère de ce qui précède votre démission du bureau ». « Nous avons estimé que vous étiez digne de nous représenter au bureau et c’était sans compter sur le fait que vous n’arrivez toujours pas à faire un distinguo entre le militantisme et le sens de responsabilité qu’oblige votre rang », a-t-il poursuivi.
Suite à cela le député promettra « d’activer l’article 31 du règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée nationale au cas où Kabund ne démissionne pas et appelle l’Udps à désigner un autre député capable de bien assumer ces fonctions. »
Selon certaines sources proches du palais du peuple, il ne suffirait que de 50 signatures à une pétition soit un dixième des députés pour que la démarche de destitution de Kabund soit actée. Un député signataire de ladite pétition affirme sous le sceau de l’anonymat que « le travail est fait à 80 pourcent ».
Djoli pour le Congrès et contre l’abus d’autorité
Alors que la polémique fait rage sur la proclamation et a prorogation de l’état d’urgence sanitaire pris par ordonnance du Président Tshisekedi, le 24 mars 2020 et qu’il se remarque un silence assourdissant des états-majors politiques sur cette question touchant aux libertés individuelles et collectives fondamentales, quelques députés dont des juristes et constitutionnalistes montent au créneau dont Jacques Djoli, élu MLC de Boende en Tshuapa et professeur de droit constitutionnel.
Pour ce dernier, «il est impératif de convoquer le Congrès pour que le Parlement à son tour, autorise la proclamation de l’État d’urgence » en se référant à l’esprit et aux dispositions constitutionnelles car “nous avons l’obligation d’accompagner l’État d’urgence proclamé par le Chef de l’Etat” précisera l’ancien vice-président de la CENI. L’arrêt controversé de la Cour Constitutionnelle passera par là pour trancher.
A l’amorce de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, Félix Tshisekedi prendra une nouvelle ordonnance complétant celle du 24 mars 2020 qui « autorise aux deux chambres parlementaires de se réunir uniquement pour débattre de l’état d’urgence ». Sacrilège crieront à raison les défenseurs de la séparation des pouvoirs qui y voient une régression démocratique. Djoli en fait partie par ces mots percutants « nous nous réunissons de plein droit. Le Chef de l’État n’a pas à nous dire que nous allons nous réunir uniquement pour statuer sur la prorogation de l’État d’urgence, ce serait un abus d’autorité. »
Bemba en rapprochement ?
Il est clair que face à de telles prises de position « fortes, courageuses et pertinentes » selon plusieurs analystes, Jean-Pierre Bemba aurait subi des pressions de clarification sur son rôle dans le comportement de ses lieutenants politiques face au camp présidentiel.
Face à ces dernières, Igwe comme on l’appelle affectueusement, aurait en bon tacticien promis de réagir sur ces troupes et relancé le dialogue avec le camp présidentiel pour « explorer des voies de convergence ». En effet, le pouvoir a horreur du vide dit-on, les démêlés judiciaires de Kamerhe dont l’instruction au parquet de Matete est désormais clôturée et l’explosion programmée de l’alliance CACH à moyen terme laissent un espace à combler auprès du nouveau calife Fatshi plus de deux ans après le fiasco de Genève.
Un espace que se verrait bien combler le MLC ou peut être une frange de Lamuka hors Fayulu- Muzito ? « Pas impossible » selon un cadre de cette plate-forme sous l’anonymat qui analyse « deux signaux non-négligeables de rapprochement » : l’acceptation d’une nomination par ordonnance présidentielle à la tête du Fonds national de lutte contre le Covid-19 de l’archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, intime de la famille Bemba et soutien l’an passé de la plate-forme Lamuka qui irait comme poisson pilote et le refus de participer au Congrès d’autorisation de l’état d’urgence du Mouvement Social de Pierre Lumbi par un communiqué signé du député Bolengetenge.
« Face au camp Kabila ultramajoritaire dans toutes les assemblées dans le pays, un départ de Kamerhe dépouillerait CACH d’un pivot politique important que seuls des opposants peuvent combler » fait-on remarquer dans certains salons politiques. Pour certains cadre de Lamuka, « la politique de la mangeoire n’apportera rien ni au MLC ni à ceux qui iront vers Fatshi dont le bilan sera le plus grand boulet. »
La politique étant dynamique dans le monde, en RDC, encore plus, assisterons-nous à des nouvelles noces prochainement entre le MLC et une partie de Lamuka avec l’UDPS dans un CACH new look ?
Il ne fait aucun doute que la suite du feuilleton Mamba-Kabund fera partie du baromètre des tendances à observer.
Un commentaire
Quelque soit leur camp politique autoproclamé, les acteurs politiques congolais c’est bonnet blanc, blanc bonnet. Rien de sérieux à attendre, toujours et rien que la mangeoire comme finalité.