Le ministre d’Etat, ministre de l’urbanisme et habitat, Pius Muabilu Mbayu Mukala par son communique du 31 mars 2020 prononça l’interdiction pour tout propriétaire immobilier de déloger tout locataire qui n’aura pas honoré ses engagements durant une période s’étendant de mars à juin 2020. Cette interdiction interprétée par les locataires comme une suspension de leurs obligations contractuelles se fonderait, selon le ministre, sur la préservation de la paix sociale et la réduction des risques de contagion.
Face à cette décision, la première question qui nous vient à l’esprit est celle de savoir si le ministre d’Etat est habilité à prendre une telle mesure. En nous référant à l’ordonnance n 20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministères, nous pourrions imaginer que l’intervention du ministre en cette matière s’enracine soit dans la mise en œuvre du plan national d’habitat soit dans la police des règles de l’urbanisme et habitat. Monsieur Pius Muabilu Mbayu Mukala ayant exercé ses prérogatives quatre jours seulement après en avoir été investi, a malheureusement fait l’économie de nous en préciser la base légale. De surcroît, soulignons qu’un communiqué bien qu’officiel ne produit aucun effet juridique. Nous pourrions donc comprendre de par sa nature, que l’intervention du ministre soit source d’interprétations hasardeuses et d’insécurité juridique.
Pour sa part, le Président de la République, considérant la propagation du coronavirus et le risque de catastrophe sanitaire, pris l’ordonnance n 20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence. L’article 5 de ladite ordonnance énumère les mesures sanitaires devant être adoptées. Eu égard à l’objectif annoncé par le ministre de l’habitat, nous retiendrons : « le placement et le maintien en isolement, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapte, des personnes affectées par le Coronavirus ». Dans une telle perspective, la suspension du loyer si elle devait être envisagée ne se justifierait que pour les personnes testées positives et confinées en leur domicile.
Enfin, le contrat étant la loi que les parties se sont données, le bail peut être présenté comme le contrat par lequel une personne, appelée bailleur, s’engage pour une période de temps déterminée, à concéder la jouissance d’un bien immobilier a une autre personne, appelée le locataire et ce en contrepartie du paiement d’un certain prix1. De ce fait, lorsque le ministre vise le non-respect de ses engagements par le locataire, le grand public perçoit (trop) aisément le paiement du loyer mais omet l’autre obligation majeure du locataire.
En effet, la loi 31 décembre 20152 relative aux baux à loyer non professionnels en son article 13, prévoit que le preneur doit entretenir l’immeuble et les équipements repris dans le contrat bail mais aussi effectuer les réparations locatives. Vous aurez compris qu’en cas de violation de l’une ou l’autre de ces obligations par le locataire, un bailleur pourrait mettre un terme au contrat. Dès lors, il pourrait légitimement expulser par exemple le locataire qui laisse le bien se dégrader.
Partant, pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer, nous ne pensons pas qu’un locataire même atteint par le coronavirus, puisse légalement faire valoir le communiqué du ministre de l’urbanisme et habitat afin de se soustraire à ses obligations contractuelles pour la période courant de mars a juin 2020.
Ganza Karhahunga
Avocat spécialisé en droit des affaires et droit minier
Consultant international