Vital Kamerhe est un personnage emblématique de la scène politique congolaise. Il a d’abord été, dans les années 2006, un bras droit de Joseph Kabila, l’ancien président qui a régné 18 ans durant sur la RDC, et dont l’ombre plane encore sur ce pays grand comme l’Europe de l’Est. Mais les deux ont divorcé en 2009, à la suite de plusieurs désaccords. A l’époque, président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe était soupçonné, dans l’entourage de Joseph Kabila, de vouloir prendre la place du jeune président qu’il n’hésitait pas à revendiquer de l’avoir « fait roi ». Une autorisation aux troupes rwandaises d’entrer dans le pays a déclenché le divorce.
Par la suite, Kamerhe fonde l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) et rejoint l’opposition. Il finit troisième derrière Etienne Tshisekedi, leader charismatique de la politique congolaise, et Joseph Kabila, dont la victoire est contestée à la Présidentielle de 2011. S’ensuit alors une longue carrière dans l’opposition, où Vital Kamerhe affrontera Kabila, aux côtés d’autres opposants, mais tout en n’hésitant pas à se rapprocher de l’ancien président.
A l’image du Dialogue de la Cité de l’Union Africaine en septembre 2016, où il est même pressenti Premier ministre de Joseph Kabila, alors qu’une grande partie de l’opposition, emmenée par les Catholiques, Etienne Tshisekedi et même Moïse Katumbi, ont farouchement refusé de prendre part à ce dialogue, synonyme d’une prolongation du séjour de Joseph Kabila au pouvoir, alors que ce dernier avait reporté par deux fois des élections qui devaient se tenir en 2016.
Kamerhe un as de la politique congolaise
En 2018, Etienne Tshisekedi décède et laisse son grand parti, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) aux mains de son fils, Félix Tshisekedi. Ce dernier est alors un farouche adversaire de Vital Kamerhe. Les deux sont favoris et opposés dans la course pour être désigné candidat de l’opposition à la Présidentielle qui se profile. Mais alors qu’un conclave de l’opposition à Genève voit émerger la candidature de Martin Fayulu, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi claquent la porte de l’accord et vont s’allier dans le Cap pour le Changement (CACH), une coalition qui va remporter la présidentielle du 30 décembre 2018.
Dans cet accord, Félix Tshisekedi est désigné candidat de la coalition, avec la promesse de nommer Vital Kamerhe au poste de Premier ministre et de soutenir ce dernier à la Présidentielle de 2023, comme candidat de leur coalition. Mais les deux alliés ne gagnent pas les Législatives où la coalition de Joseph Kabila, le Front commun pour le Congo (FCC), l’emporte largement dans les deux chambres du Parlement congolais. Kamerhe et Tshisekedi sont obligés de coaliser avec Kabila pour diriger le pays. Dans la foulée, le président de l’UNC perd son poste de Premier ministre qui lui revenait selon son accord avec Tshisekedi. Il choisit néanmoins la direction de cabinet du nouveau président.
Depuis le Palais de nation, l’allié principal du Président veille sur tout, et garde soigneusement Félix Tshisekedi loin de l’emprise du pouvoir débutant, mais sert également de bouclier, et même de tête de turc, tant face aux scandales qui pleuvent que face aux zones d’influence autour du nouveau Chef de l’Etat : entre l’UDPS gangrenée par des clivages, et un FCC qui veut tout le pouvoir, c’est sur cet as de la politique congolaise que Tshisekedi s’appuie pour défaire les pièges.
Entre justice et agenda politique
Mais tout ne se passe pas comme prévu. Kamerhe, dont le défaut naturel est précipitation, se retrouve au coeur de scandales. D’abord la fameuse affaire de 15 millions de dollars, où il est étrangement cité, alors qu’aucune preuve ne l’y lie. S’en suivra toute sorte de polémique. Des fuites très organisées des documents, bien souvent, tournant autour d’histoires d’argent. L’homme passera la moitié de l’année à payer cette polémique, dans une classe politique qui adore le détester.
Si Tshisekedi lui apporte son soutien dans le scandale de 15 millions, la situation se complique pour le Directeur de cabinet lorsque l’affaire des 100 jours éclate. D’autant plus qu’entre-temps, les relations se détériorent entre Kamerhe et les cadres de l’UDPS, dont Jean-Marc Kabund, président intérimaire et Augustin Kabuya, le Secrétaire général. Les deux n’hésiteront pas à appeler ouvertement à la démission de Kamerhe, amplifiant les accusations de détournement.
En outre, derrière ces conflits et prises de position, les prochaines élections de 2023 et l’accord politique conclu à Naïrobi divisent. A l’UDPS, des cadres estiment de plus en plus qu’il est hors de question que leur parti soutienne une candidature de Kamerhe en 2023, conformément à cet accord. A l’UNC, le parti de Kamerhe, le ton commence également à monter. Et lorsque le scandale éclate, entraînant l’arrestation de Vital Kamerhe, beaucoup au sein de son parti y voient une « manœuvre » pour neutraliser l’ancien président de l’Assemblée nationale. Car en RDC, toute condamnation pour corruption prive le concerné de toute candidature à la Présidence à la République.
Mais à Kinshasa, malgré les accusations de politisation des affaires judiciaires, la société civile estime que la procédure a été respectée dans les poursuites contre Vital Kamerhe. L’avocat Gorge Kapiamba, défenseur des droits de l’homme qui a suivi le dossier et les séances au Parquet de Matete, estime que « peu importe les calculs politiques qui pourraient y avoir entre Felix Tshisekedi et Vital Kamerhe, les autorités judiciaire ont mené leurs enquêtes, jusque-là, dans la transparence. »
Un commentaire
L’accord de Nairobi ne prévoit pas Kamerhe Candidat de cash, il nous a été lu cet accord. Cessez la manipulation alors que les esprits sont de part et d’autres très sensibles et enflamés