A l’heure où la Fondation Liyolo s’apprête à célébrer l’homme qui apprivoisa le bronze et qui fut le plus grand sculpteur contemporain de la RDC, non seulement par son style mais aussi par son audace, il y a lieu de se poser la question : qu’en est-il de la condition des artistes plasticiens de la république ? Qu’en est-il de la politique culturelle dont Liyolo posa les premières bases lors de la Conférence Nationale et dont les textes continuent d’être en vigueur presque 30 ans plus tard ?
Son postulat était simple : mettre en place des mécanismes nationaux qui permettraient de soutenir et de voir éclore une classe d’artistes fiers de leurs professions et capables d’en vivre.
Le bilan est amer. Il est triste de constater que malgré son combat de plus de 50 ans pour la reconnaissance de la place des artistes dans le développement du pays, la condition des artistes demeure précaire. Non seulement la plupart d’entre eux, malgré tous leurs talents, restent des quémandeurs et bradent leur propre travail, mais plus scandaleux, le gouvernement n’a toujours pas assumé son rôle dans le développement des industries artistiques et culturelles.
A l’évidence, peu d’artistes ont à ce jour égalé dans leur vie artistique, le parcours impressionnant du Professeur Alfred Liyolo. Au-delà d’avoir été le premier africain à sortir de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, en Autriche et d’avoir su se vendre tant à l’étranger qu’en RDC, Liyolo a été un homme politique sans portefeuille ni gallons. Certes il fut fort sollicité en son temps pour devenir Ministre de la Culture mais il a toujours revendiqué son besoin d’être et de rester un homme libre de toute attache ou connotation politique.
Le résultat est qu’il fut, par 2 fois, décoré des médailles des ordres nationaux sous nos 2 précédents régimes politiques : Commandeur de l’Ordre National du Léopard sous Mobutu et Commandeur des Ordres Nationaux Kabila et Lumumba sous Kabila.
Certes Liyolo n’a pas eu que des amis. Beaucoup lui ont attribué toutes sortes de balivernes sur sa gestion de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa. Et pourtant, c’est sous son leadership que cette institution a connu un véritable essor international et a commencé des échanges académiques à travers le monde. Faut-il également rappeler qu’il fut le premier Directeur qui permit aux femmes d’y passer l’examen d’entrée. Rien d’étonnant finalement, lorsque l’on sait que la majeure partie de ses œuvres furent la représentation de la Femme dans toute sa beauté et sa gloire ! Nonobstant cela, à l’heure où le mois commémorant les Droits de la Femme a pris fin, il sied de rappeler à quel point il fut un avant-gardiste et un visionnaire. Nombreuses, sont aujourd’hui les femmes de talents qui jalonnent cette institution de notre belle République. Merci papa Liyolo pour ces femmes qui, pleine de talents, ont pu se frayer un chemin dans la stratosphère très chaotique, masculine et sexiste de l’art congolais !
A ce jour, le Ministère de la Culture reste le parent pauvre si pas le canard boiteux des nombreux ministères qui forment notre appareil étatique. Or, il est de la responsabilité du gouvernement d’être le premier acheteur de l’art congolais afin de montrer l’exemple mais aussi de mettre en valeur ce qu’il y a de plus beau et majestueux dans notre pays. Comment se fait-il que tous nos ministères et ambassades à travers le monde, soient ornés d’œuvres de pacotilles « made-in-on- ne sait-où », alors que notre pays regorge d’artistes et d’artisans extraordinaires qui ne demandent qu’à être vus et appréciés.
Ainsi, le débat sur la politique culturelle reste d’actualité. Faut-il rappeler à nos dirigeants que de tout temps, la diplomatie culturelle a été un des premiers leviers actionnés pour éviter des guerres ; pour mettre fin à des guerres ; pour ouvrir le dialogue entre les peuples ?
Il est temps que l’on réalise que l’art de notre pays – ou d’ailleurs – est un investissement rentable au même titre que l’est une maison. Car oui, ceux qui ont cru en Liyolo, il y a 60 ans, ont cru en une RDC qui dépassait les clivages économiques et politiques. Ils ont cru en la culture et son pouvoir de changer le discours souvent négatif sur notre pays. Oui, un tant soit peu « Le Rodin des Rois Africains » tel qu’il fut nommé par le Figaro Magazine, a fait rêver toute une classe d’hommes et de femmes qui ont vu en Liyolo la beauté du beau et ont été émerveillés par « ce je ne sais quoi » propre à lui.
Cher gouvernement de la République Démocratique du Congo, réveillez-vous ! La Culture et les Arts sont des piliers qui unissent le pays. Ils sont la sève de l’arbre à palabre qui depuis la nuit des temps réunis tous les débats de nos ancêtres. Liyolo est un patrimoine national alors utilisez-le, lui et son héritage culturel, justement pour continuer à faire rayonner le pays ici et ailleurs afin que le débat sur un Congo coutumier des rendez-vous manqués avec l’histoire se tasse et laisse place à d’un Congo visionnaire qui intègre le sens profond du patriotisme avec le devoir de le préserver pour les générations futures. Une nation ne peut exister sans culture.
Alfred Liyolo, merci pour tout ce que tu as fait pour nos artistes, merci pour ta vision, merci pour ton combat, merci pour ta quête constante de l’Excellence à travers l’ART… Bref, merci pour ton sens profond du patriotisme.
LiyoloEmpreintes, la nouvelle exposition qui révèlera un Liyolo insolite et unique en son genre, c’est pour le mois de Mai. Nous y serons tous !
Myoto Liyolo