La République démocratique du Congo est sur la route de tenir son nouveau cycle électoral en décembre prochain. La Commission électorale nationale indépendante – CENI – a même clôturé la réception de candidatures pour les législatives nationales. Selon les chiffres du président de cette institution d’appui à la démocratie, 20 000 candidatures ont été reçues. Un peu plus qu’en 2018. Il y a tout de même de quoi douter de ces chiffres, sachant que deux grandes forces politiques – le FCC de Kabila et Lamuka de Fayulu – ont boycotté le processus en cours. Nous y reviendrons.
Qu’à cela ne tienne, la machine est ne marche… semble-t-il. Comme pour les précédents cycles, le dicton « la famille d’abord » n’a pas manqué à l’appel. Chassant le naturel, il revient au galop, dit-on. Plusieurs candidats, dont certains pourfendeurs du clientélisme, ont aligné femmes, enfants et parentés comme premiers suppléants. Parmi des exemples (qui choquent ?), l’ex premier ministre Adolphe Muzito, l’opposant Delly Sesanga, l’actuelle questeure de l’assemblée nationale Collette Tshomba comme son président, le pépé Mboso.
Ce phénomène, soutenu par la loi électorale dans son article 116 qui stipule que le suppléant « remplace le député selon l’ordre établi, en cas de décès, de démission, d’empêchement définitif, de condamnation pénale définitive ou d’incompatibilité (…) », devient une tradition en RDC.
Cerise sur le gâteau, avec des émoluments dépassant les 20 000 USD le mois, certains candidats préfèrent aligner leurs membres de famille plutôt que ceux de leurs formations politiques, question de conserver les avantages accordés aux députés dans le cercle familial restreint. Si pour Boshab, Nembalemba, Busa, Nzangi… la moisson a été abondante, qui va alors se négliger ?
Du père au fils, les Mboso de Kwango
Dans son Kwango natal, le speaker de l’assemblée nationale est encore et encore candidat député national. Du haut de ses 81 ans, l’octogénaire est loin de prendre sa retraite politique. Postulant pour la quatrième fois dans cette circonscription qui manque presque de tout, Mboso n’apporte pas seulement de promesses. Il prépare aussi sa succession politique dans la région.
À la tête d’un parti politique vieux de plus de 15 ans, Mboso a aligné son fils Nicolas comme premier suppléant. Nicolas Mboso est actuellement vice-président de la CRD, formation politique de son père et en même temps, son assistant à la tête au poste de la présidence de la chambre basse congolaise. La famille Mboso est également très présente à l’assemblée nationale aux côtés de leur « héros ».
La fille dans le corps de papa
Régulièrement élu de Kikwit mais sans siéger à l’assemblée nationale, l’ancien premier ministre Adolphe Muzito est encore candidat aux législatives nationales qui se pointent à l’horizon. Dans son fief naturel Kikwit. En même temps, il s’est déclaré candidat président à la prochaine présidentielle.
« Grand absentéiste » aux plénières selon le bureau Mboso, le député le mieux élu du Kwilu a vu en juin 2022 son mandat être invalidé pour des « absences non justifiées ». De facto, un certain Paulin Mboma – son premier suppléant aux élections de 2018 – poursuivi la mandature.
Pour le quinquennat qui avance à grand pas – celui que ses détracteurs appellent « mpangistan », pour signifier quelqu’un qui s’attache à sa tribu – Adolphe Muzito a choisi Muzito Randall, sa fille comme sa potentielle remplaçante au parlement congolais.
Au nom de la mère, la fille
À Kinshasa, dans la circonscription de Funa, la députée Colette Tshomba tente de rafler – pour la quatrième fois – un siège. Élue consécutivement en 2006, 2011 et 2018, Mme Tshomba occupe depuis début 2021 le poste de rapporteur adjoint à l’assemblée nationale.
De plus en plus introduite au cœur du régime Tshisekedi, elle voit aussi ses ambitions prendre des ailes. Pour assurer ses arrières, elle porte son choix sur sa fille de 25 ans, Awa Eva Tshomba. Nous sommes, peut-être, dans la fable « le laboureur et ses enfants ».
Sesanga le faux prophète
Parmi les grands défenseurs du non alignement des membres de famille à la chaîne de suppléance pour les élections législatives et sénatoriales, le candidat Delly Sesanga n’a pas servi de modèle. Lui qui, alors membre du G13, soutenait pourtant que cette manière de faire va à l’encontre de la constitution qui dans son préambule interdit le clientélisme, le népotisme et le régionalisme.
Également candidat déclaré à la présidentielle de décembre, Sesanga a aligné deux membres de sa famille dans sa suppléance. Au su et regards impuissants des autres membres du parti Envol.
« Nous devons éviter de transformer la République en une sorte de monarchie familiale confisquant et transmettant les charges étatiques en donation comme en droit privé sous couvert de suppléance », justifiait son groupe dans une plénière 2 mai 2022. Le Congo de Lumumba est loin d’être à l’abri de la politique politicienne.