Ces dix dernières années, la République Démocratique du Congo a vu un glissement inquiétant. Un phénomène qui, silencieusement, érode les fondements même de notre économie. De plus en plus, les acteurs privés quittent leurs secteurs pour plonger dans la politique. Publicitaires, entrepreneurs, hommes d’affaires de tout genre, tous abandonnent leurs domaines pour rejoindre l’arène politique. Pourquoi ? Parce que c’est là que se trouve l’argent. Là où les opportunités fleurissent. Là où l’on s’enrichit.
En RDC, la politique est devenue le seul domaine qui paie vraiment. Les affaires, celles qui sont supposées dynamiser notre économie, se retrouvent asphyxiées, dépendantes. Soit on rejoint la politique, soit on sert les politiques. Ceux qui refusent ce jeu sont condamnés à l’isolement économique. Plus aucun marché de plus de 10 000 dollars ne se fait sans l’ombre d’une connexion politique. Les affaires privées ne respirent plus sans le soutien de l’État. Les entrepreneurs se retrouvent pris au piège : pour survivre, il faut prêter allégeance à ceux qui détiennent le pouvoir. Sinon, pas de contrats. Pas de protection. Pas d’avenir.
C’est ainsi que nous tuons notre pays. Lentement, mais sûrement. Nous avons transformé l’État en unique employeur. La politique en seul chemin vers la richesse. L’innovation privée, l’esprit d’entreprise, tout cela est étouffé sous le poids des relations politiques. Le résultat ? Une économie privée qui ne peut plus fonctionner seule. Une dépendance totale à la sphère publique. L’entrepreneuriat, autrefois porteur d’espoir et de créativité, est devenu un simple rouage dans la machine politique.
La conséquence est dramatique : les jeunes ne rêvent plus de créer, de bâtir des entreprises, d’innover. Ils veulent devenir politiciens. Non pas par conviction, mais parce que c’est la seule voie pour accéder à la richesse. Dans ce climat, nous étouffons tout potentiel de croissance autonome. Nous tuons l’esprit d’initiative. Nous créons une économie faussée, où la réussite dépend des relations politiques plutôt que des compétences ou du talent.
La situation empire chaque année. Les postes dans les institutions publiques deviennent la clé de voûte de toute ambition. Ils sont convoités, marchandés, parfois même achetés. Le secteur privé, censé être un contre-pouvoir, une force indépendante capable de dynamiser l’économie, s’effondre. Il n’est plus qu’un prolongement du bras politique. Ceux qui osent refuser de jouer le jeu sont marginalisés, écartés des grands marchés. Et pendant ce temps, les vrais innovateurs, ceux qui pourraient tirer le pays vers le haut, se trouvent exclus.
Ce modèle est intenable. Une économie ne peut pas prospérer lorsque tout dépend de la politique. Nous avons besoin d’un secteur privé fort, autonome, capable de fonctionner sans l’ingérence des pouvoirs publics. L’indépendance économique est le pilier sur lequel repose tout développement. Mais aujourd’hui, elle est en train de disparaître.
Si nous ne réagissons pas, ce cercle vicieux s’accentuera. Nous continuerons à perdre ce qui fait la force d’une nation : l’esprit de compétition, l’innovation, la capacité de réussir par soi-même. Nous ne pouvons pas laisser la politique avaler l’ensemble de notre économie. Si la RDC veut bâtir un avenir solide, elle doit rééquilibrer les choses. Rendre au secteur privé sa liberté. Permettre aux affaires de prospérer sans être sous l’emprise de la politique.
Parce qu’en l’état actuel, nous ne faisons que creuser notre propre tombe. Une économie sous perfusion politique, c’est un pays sans avenir. Et un pays sans avenir, c’est une nation condamnée à l’échec. Il est temps de changer de cap.