La RDC compterait environ 102 millions d’habitants en 2024. Le taux de croissance ? 3,2 % par an. Cela place le pays parmi les plus dynamiques au monde. D’ici 2030, la population pourrait dépasser les 120 millions d’habitants, selon l’Institut National de la Statistique (INS). Cette croissance rapide pose de sérieux problèmes. Infrastructures. Emploi. Services publics. Tout est sous pression. Et dans un pays où l’organisation des infrastructures et des services publics est chaotique, le pire est à craindre.
Urbanisation incontrôlée
L’échec de la décentralisation se traduit par un exode massif vers les grandes villes du pays. Kinshasa, Lubumbashi, Goma… Ces villes grandissent à un rythme effréné. Kinshasa abrite déjà plus de 15 millions d’habitants aujourd’hui. D’ici 2035, ce chiffre pourrait atteindre 20 millions, selon la Banque mondiale. Mais cette urbanisation est chaotique. Non planifiée. Les infrastructures sont dépassées.
Les problèmes ? Partout. Logements insuffisants. Embouteillages monstres. Quartiers insalubres. Manque d’eau potable. Pénurie d’électricité. « Les infrastructures ne suivent pas », explique Jean-Pierre Bokungu, urbaniste à l’Université de Kinshasa. « Sans un investissement massif dans l’urbanisme, nos villes deviendront ingérables. » En 2023, seulement 19 % des habitants de Kinshasa avaient accès à des services d’assainissement adéquats. Moins de 50 % avaient l’électricité, selon le ministère de l’Énergie. Il faut construire. Vite. Routes, ponts, systèmes d’assainissement. L’urgence est criante.
Et cela ne concerne pas uniquement Kinshasa. À Lubumbashi, à Goma, à Matadi, c’est le même scénario. L’urbanisation dérape. Les autorités sont dépassées. On construit à la va-vite. Des quartiers surgissent du jour au lendemain. Sans eau ni électricité. Plus la population croît, plus les infrastructures prennent du retard. Le cercle vicieux continue. On cherche des solutions, mais elles tardent à venir.
Un défi pour l’emploi des jeunes
La RDC est un pays très jeune. 60 % de la population a moins de 25 ans. Une jeunesse qui constitue une grande force, mais aussi un énorme défi. Chaque année, plus de 1,5 million de jeunes arrivent sur le marché du travail. L’économie formelle est incapable d’absorber cette masse. Le secteur informel, qui représente 80 % de l’activité économique, est mal rémunéré et offre peu de protection sociale. « Si l’économie ne se développe pas, le pays sera confronté à un chômage de masse », alerte Didier Lukusa, économiste à la Banque Centrale du Congo. « L’agriculture et les technologies numériques ont du potentiel, mais elles nécessitent des formations et des financements. » En 2022, le taux de chômage des jeunes atteignait 32 %, selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT). En réalité, ces chiffres pourraient être bien pires. Le manque de statistiques fiables, l’absence de cartes d’identité et une gestion laxiste des données sur le chômage ne font qu’aggraver la situation.
Le problème est plus qu’une question de chiffres. Ce sont des vies en jeu. Des millions de jeunes sans avenir. Beaucoup sont diplômés, mais ne trouvent que des petits boulots dans le secteur informel. Pour d’autres, l’immigration devient une solution, mais combien peuvent réellement partir ? La majorité reste coincée dans une situation sans issue.
Et que dire de ceux qui n’ont jamais eu accès à l’éducation ? Ceux qui n’ont pas de formation ? Ils sont encore plus vulnérables. C’est une bombe à retardement. La frustration grandit. Les jeunes veulent des opportunités, des solutions concrètes. Mais elles ne viennent pas. L’entrepreneuriat offre un espoir, mais sans financement, sans soutien, il ne décolle pas. Résultat ? Une génération qui perd espoir. Et si on ne parvient pas à créer des emplois, les conséquences seront graves. Très graves.
Services publics sous pression
La pression démographique pèse lourdement sur les services publics, qui sont déjà quasi-inexistants. L’éducation et la santé sont à bout de souffle. En 2023, plus de 15 millions d’enfants étaient scolarisés dans le primaire. Mais le système est saturé. Pas assez d’infrastructures. Pas assez d’enseignants. Les classes sont surchargées, avec parfois plus de 80 élèves pour un seul enseignant. Le taux de réussite stagne sous les 70 %.
Le secteur de la santé n’est pas en reste. Moins de 0,1 médecin pour 1 000 habitants, bien loin des normes recommandées par l’OMS. Les hôpitaux manquent de tout : personnel, médicaments, équipements. « La croissance démographique ne fait qu’empirer la situation », prévient le docteur Alain Mvunzi, de l’hôpital général de Kinshasa. « Sans investissements massifs, notre système de santé va s’effondrer. »
L’école gratuite, lancée en 2019, a permis d’inscrire davantage d’enfants. C’est indéniable. Mais cela ne suffit pas. La qualité de l’enseignement reste un défi. Les infrastructures scolaires sont insuffisantes. Les enseignants, souvent mal rémunérés, sont épuisés. Toutefois, des programmes comme le PDL-145, bien qu’imparfaits, montrent des signes positifs. Des efforts sont visibles dans certaines régions du pays. Lors de mes voyages à l’intérieur, j’ai vu ces écoles et hôpitaux se construire. Mais ces initiatives, bien que louables, ne suffiront pas si les réformes de fond ne suivent pas. Ce sont des « colmatages » qui risquent de céder sous la pression croissante.
Dans les hôpitaux, le tableau est sombre. Les files d’attente s’allongent. Les patients attendent des heures, parfois des jours. Le personnel médical est épuisé et sous-payé. Sans matériel adéquat, il est difficile de soigner. Si aucune réforme structurelle n’est mise en œuvre, la situation ne fera qu’empirer.
2030, la date butoir ?
D’ici 2030, la RDC devra affronter ces défis. Si elle échoue, les crises seront plus graves. Une urbanisation incontrôlée pourrait aggraver les inégalités. Les tensions sociales pourraient s’intensifier. Le manque d’emplois pourrait alimenter l’insécurité. « Le gouvernement doit prioriser les réformes structurelles », explique Sarah Mbuyi, consultante pour l’ONU. Gérer la démographie devient urgent. Il faut orienter la croissance vers des secteurs clés : l’agriculture, le numérique, les énergies renouvelables.
Les infrastructures, l’éducation et la santé doivent être au cœur des priorités. Il faut des investissements publics massifs. Des partenariats internationaux solides. Si la démographie est bien gérée, cette jeunesse pourrait devenir un véritable moteur pour le développement du pays. Mais il faut agir. Rapidement et efficacement. Le Congo ne peut plus se permettre d’attendre. L’avenir du pays est en jeu. Les décisions prises aujourd’hui façonneront la RDC de demain.
Cependant, ces questions restent marginales dans le débat public. Ni ceux qui sont au pouvoir, ni ceux qui prétendent les remplacer n’abordent ces sujets avec la gravité qu’ils méritent. Le débat est monopolisé par des invectives et des attaques personnelles. Un dialogue de sourds. Pourtant, le Congo a cruellement besoin d’une relève. Un modèle capable de relever ces défis gigantesques. Qui répondra à l’appel ?
Litsani Choukran,
Le Fondé.