18 jours après avoir connu son premier cas de contamination au Coronavirus, la RDC compte désormais 81 personnes infectées. Le pays voit au moins 8 personnes perde la vie à cause de ce virus et 3 autres personnes guérir. Toutefois, la situation pourrait être pire. Le pays ne teste pas tous ses habitants. Tous les cas identifiés ont initialement manifesté des symptômes et n’ont été testés qu’à la suite de ces signaux.
Derrière cette réalité, la RDC est simplement incapable d’opérer un dépistage à grande échelle. En effet, selon des sources exclusive à l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), qui est à la charge de dépister tous les cas, jusque mardi dernier, l’institut congolais ne disposait que d’une centaine de kits de tests . « Jusque mardi le stock de tests était de 120 kits seulement pour tout le pays », dit une source, ajoutant qu’un nouveau lot s’est ajouté, venant d’un don de la Chine. « Le matériel qui traînait à la douane comprenait entre autres 2000 tests (kits)»
Pas plus de 50 tests par jours
En effet, la Direction Générale des douanes et accises (DGDA) a annoncé la « libération » de plusieurs tonnes des matériels sanitaires destinés à la lutte contre la pandémie du Coronavirus le jeudi 26 mars 2020. Le Dr Muyembe Tamfum, Coordonnateur du secrétariat technique à la riposte contre le Coronavirus, avait déploré le blocage de 900 tonnes de matériels de protection des personnels des soins pour les médecins et infirmiers par le par le service de la douane de l’aéroport de N’Djili. Il a promis d’entrer en contact avec la DGDA pour en savoir plus sur cette question. Il s’agit d’un don de Jack Ma, fondateur de l’empire chinois du E-commerce Alibaba, pour aider à combattre la pandémie du Coronavirus.
Ainsi, à l’heure actuelle, la RDC dispose donc de 2120 kits de tests. Selon des sources médicales en France, il est possible d’effectuer 96 tests de dépistage par kit. Le kit permet de prélever un échantillon sur un patient potentiellement infecté à l’aide d’un écouvillon prélevé dans le nez ou l’arrière de la gorge. Le test détermine si une personne est infectée en recherchant le matériel génétique du virus, l’ARN (acide ribonucléique), dans les cellules d’un patient. « Avec 2120 kits, la RDC peut tester jusqu’à 200.000 personnes« , estiment les experts de l’INRB.
Cependant, il faudra énormément du temps pour tester autant de monde. Selon un spécialiste congolais à l’INRB, l’Institut ne peut effectuer que 50 tests par jour. « Un des challenges que nous avons c’est que nous ne pouvons pas faire plus de 50 tests par jour à l’heure actuelle », explique-t-il, avant de faire savoir que « des discussions sont en cours pour élargir cette capacité mais les elles se heurtent aussi aux préférences des responsables des laboratoires, chacun ayant une préférence pour tel ou tel autre fournisseur », révèle-t-il.
La question de l’argent et de la prise en charge
Une fois que ce problème résolu, la riposte envisagerait de faire de tests de masse, même pour une partie de Kinshasa, notamment dans la commune de la Gombe, déclarée « épicentre » de la transmission dans la capitale par le Docteur Muyembe. « Dès que la capacité sera améliorée, l’idée est de faire des tets de masse (mais sélectifs) à Gombe afin de pouvoir isoler rapidement les cas confirmés. Gombe reste le principal hotspot », nous explique l’expert
Cependant, la prise en charge reste également un autre élément clé. « Tester plusieurs personnes c’est aussi avoir plusieurs malades à prendre en charge. Donc la prise en charge hospitalière devra suivre », nous fait remarquer un médecin de l’Hôpital du Cinquantenaire à Kinshasa. A ce sujet justement, à l’INRB, on annonce qu’un compromis a été trouvé sur le « protocole » de soins, mais qu’il faut à présent discuter avec les structures médicales du pays.
Il faudra également ajouter des problèmes d’argent à toute ceci. Dans une intervention médiatique, le Docteur Muyembe a fait savoir que sa structure avait besoin d’au-moins 135 millions de dollars pour assurer sa mission. « Nous avons fait un plan stratégique pour 12 mois. Il concerne la riposte contre le Coronavirus dans l’épicentre de notre pays qui est Kinshasa et un budget pour préparer les autres provinces qui ne sont pas encore atteintes. Pour le moment, ce budget s’élève à 135 millions de dollars américains », révèle le Docteur Jean-Jacques Muyembe. A ce stade, ce montant n’a pas encore été disponibilisé. La RDC a mobilisé quelques 1,8 millions de dollars depuis le début de la crise pour faire face au Coronavirus.
Un commentaire
La stratégie de faire les tests uniquement par l’extraction de l’acide nucléique du virus est perdante à moyen et court terme, parce qu’elle garantit la propagation ininterrompue du virus et aboutit à l’obligation de confinement de la population, y compris celle qui est saine, en contradiction avec les règles élémentaires de santé publique et au bon sens, avec un coût économique et psychologique énorme.
L’utilisation de tests de dépistage rapide 100 fois moins chers et 1000 fois plus pratiques et faciles à utiliser et à déployer partout, est une nécessité absolue pour un pays comme le nôtre, car il vaut mieux prendre en charge les contaminés rapidement avant même les premiers symptômes ou au tout début pour éviter justement d’arriver à l’obligation de traiter des cas sévères, ce à quoi le confinement nous amène tout droit, et dont nous n’avons pas suffisamment la capacité de gestion réussie, comme le montre les décès déjà enregistrés qui ont apparemment souffert de détresse respiratoire. Ce n’est pas d’ailleurs pas un problème typiquement congolais, mais un problème d’approche pour tous les pays qui l’ont utilisée (voir Italie, France, Usa et Chine, au début). D’autant que le meilleur spécialiste congolais en réanimation que nous avons,se trouve sous les verrous pour une sombre histoire de détournement de fonds d’une précédente riposte. Sa peine de travaux forcés pourrait être commuée en travaux d’intérêt public bénévole dans la prise en charge de ces patients et dans la formation du personnel soignant.
On pourrait également associer l’expertise des services médicaux de l’armée qui pourraient aider à monter des hôpitaux de campagne pour gérer le flux accru de patients suite à l’application de cette approche différente. Avec l’avantage que ces patients ne nécessiteront qu’une prise en charge allégée (comme pour des malades de malaria ou de grippe) vu leur état sanitaire du moment. Ce pourquoi notre personnel soignant est plus que qualifié, même à l’intérieur du pays.
Prions le Seigneur que l’orgueil scientifique et la paresse intellectuelle ne nous conduisent pas à la catastrophe.
PS: Les études disponibles montrent que le protocole du Prof Raoult (mais on peut supposer que celui du Prof Ekwalanga ne divergerait pas trop) est plus adapté justement aux nouveaux contaminés, qu’à ceux qui ont atteint la phase des symptômes sévères.