La récente évolution des discours du président rwandais Paul Kagame concernant la présence militaire de son pays en République Démocratique du Congo (RDC) marque un tournant significatif dans la longue saga des tensions régionales. Après des années de négations fermes, le Rwanda, sous la gouvernance de Kagame, ne semble plus s’efforcer de cacher son implication dans le conflit congolais, révélant ainsi un aspect plus sombre de la politique internationale : l’impunité accordée par une communauté internationale complice.
La reconnaissance tacite de Kagame, bien qu’encore enveloppée de rhétorique, est venue corroborer les accusations portées contre le Rwanda pour son soutien à la rébellion du M23. Ce groupe, actif dans l’est de la RDC, est tristement célèbre pour ses exactions et crimes de guerre. La preuve la plus flagrante de cette implication est l’utilisation par l’armée rwandaise d’armements avancés, notamment des missiles sol-air, contre des cibles des Nations Unies, selon des rapports onusiens.
Dans une entrevue avec Jeune Afrique le 25 mars 2024, Kagame a offert une réponse énigmatique à la question de la présence rwandaise en RDC. Il déclare: « Les forces rwandaises sont-elles présentes en RDC ? Ma réponse est la suivante: pourquoi le Rwanda serait-il impliqué en RDC ? Serait-ce pour le plaisir de mettre nos forces sur le terrain, et dans cette situation ? Je dis cela pour que nos accusateurs n’échappent pas à la responsabilité qui serait la leur si nos forces étaient réellement présentes. » Cette déclaration, bien loin d’être un démenti, semble confirmer l’engagement militaire rwandais dans le conflit congolais, soulignant une complexité accrue par le soutien international dont jouit Kigali.
Paradoxalement, cet aveu survient dans un contexte où le Rwanda continue de bénéficier d’un soutien financier substantiel de l’Union Européenne (UE), malgré son rôle controversé en RDC. En février 2024, un protocole d’entente a été signé entre Kigali et l’UE, ciblant les chaînes de valeur durables pour les minerais critiques et stratégiques. Cette entente est d’autant plus controversée qu’elle intervient alors que le Rwanda est accusé de soutenir des activités déstabilisatrices et des rebellions en RDC.
Le gouvernement congolais a exprimé son indignation face à ce qu’il perçoit comme une contradiction flagrante avec les engagements précédemment pris par l’UE. Ce protocole d’entente, ainsi que le projet de déboursement d’une seconde enveloppe de 20 millions d’euros destinée aux Forces armées rwandaises par l’UE, soulèvent des questions sérieuses sur la cohérence des politiques européennes en Afrique.
Ces développements récents mettent en lumière une réalité troublante : le soutien international, notamment européen, dont bénéficie le Rwanda, semble lui conférer une forme d’impunité vis-à-vis de ses actions en RDC. Cette situation a des répercussions profondes non seulement sur la souveraineté et la stabilité de la RDC, mais aussi sur l’intégrité des engagements internationaux envers la justice, la paix et le respect des droits humains.
L’affaire souligne un dilemme moral pour la communauté internationale, confrontée à la nécessité de réévaluer ses priorités et ses alliances. Alors que le Rwanda profite d’un soutien économique et militaire, la RDC continue de souffrir des conséquences d’un conflit alimenté par des intérêts étrangers, mettant en évidence les complexités et les contradictions de la diplomatie et de la politique internationale contemporaines.