Début 2007. Alors qu’il vient de remporter les premières élections libres et démocratiques en RDC, Joseph Kabila décide de prendre le monde entier à contre-pied — du moins l’occident — en confiant à la Chine une main mise significative des mines du pays : c’est les fameux contrats chinois.
Le programme comporte alors deux initiatives importantes étroitement liées. La première, qui remonte au 17 septembre 2007, prévoit l’octroi d’un prêt de la banque chinoise EXIM Bank d’un montant de 8,5 milliards de dollars. L’accord entrevoyait l’octroi d’un prêt de deux milliards de dollars lié à la modernisation de l’appareil de production minière.
De plus, deux entreprises chinoises, la Sinohydro et la CREC (China Railway Engineering) devaient réaliser des travaux d’infrastructures – 3500 km de routes, autant de kilomètres de chemins de fer, des infrastructures de voiries surtout à Kinshasa, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé – pour une valeur estimée à 6,5 milliards de dollars. Ce prêt, dont le but était de promouvoir l’exploitation du secteur minier, a été complété, au début de 2008, par un prêt additionnel de 5 milliards de dollars. « Ensemble, ces prêts ont été titrisés en donnant à la Chine accès aux 14 milliards de dollars de réserves de cuivre et de cobalt », explique alors un chroniqueur à l’époque.
Cependant, le rapprochement entre la RDC et la Chine est mal vécu en occident, dont ce pays au cœur de l’Afrique serait sa « zone d’influence ». Au début de 2009, le FMI tente de bloquer cet investissement, faisant valoir que la RDC ne pouvait pas conclure de nouvel arrangement avec un créancier préférentiel privilégié alors qu’elle doit encore à des créanciers de l’Ouest 11,5 milliards de dollars. Kabila et ses partenaires chinois répliquent, en réaffirmant, en mars 2009, leur détermination à réaliser ce grand investissement. Face à la pression, le « contrat du siècle » va cependant été réévalué. Dorénavant, seuls 3 milliards de dollars sont octroyés au secteur minier et 6 milliards pour le domaine des infrastructures.
Par ailleurs, et loin des caméras, d’autres moyens seront mis en jeu pour briser cette nouvelle alliance Pekin-Kinshasa. Des bruits de bottes bourdonnent dans l’Est du pays. Le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) voit le jour dans l’Est dans le Nord-Kivu déjà meurtri. Dirigé par Laurent Nkunda, soutenu par le Rwanda, il monte en puissance jusqu’à obliger Joseph Kabila à signer des accords de paix qui viseront non seulement ces contrats chinois, mais finiront par entrainer la naissance d’un autre mouvement de rébellion, le M23. La rébellion armée, dans cette région riche de l’Est de pays, restera alors le fusil pointé à la tempe du Président congolais, contre toute velléité d’indépendance dans ce secteur juteux des mines du pays.
Kabila repart à l’assaut
Dix ans après, alors que le pays traverse une crise politique énorme, voilà Joseph Kabila tenter de nouveau une martingale autour des mêmes mines congolaises, censées, finalement, appartenir au Peuple de la RDC. Un nouveau code minier voit ainsi le jour, mais fait face à une forte pression occidentale qui voit, par-là, une énième manœuvre de Kinshasa contre ses intérêts.
Car en effet, les choses ont changé. Les voitures du futur dépendent à présent d’un seul métal, le cobalt, que la RDC détient à elle seule plus de 50% des réserves mondiales. Dans le monde justement, la plupart des grands constructeurs automobiles s’engagent à construire des millions de véhicules électriques alors que les gouvernements du monde s’attaquent aux émissions polluantes des moteurs à carburant traditionnel. En conséquence, la demande pour les batteries lithium-ion et les matériaux nécessaires pour les fabriquer, y compris le cobalt.
En outre, renseigne des médias comme Jeune Afrique, les changements apportés par Kinshasa à la législation minière en 2002 ont conduit à d’énormes investissements dans les projets de cuivre et de cobalt du pays, qui ont déclenché une décennie de production, dominée par Glencore, basé à Baar, en Suisse. « L’entreprise a expédié 24 500 tonnes de cobalt de sa mine de Mutanda l’année dernière, 40% de la production de RDC et près d’un quart de la production mondiale », affirme le magazine africain. « Cette part ne fera qu’augmenter en 2018, lorsque le projet Katanga Mining de Glencore reprendra après une suspension de deux ans. La mine devrait produire 300 000 tonnes de cuivre et 20 000 tonnes de cobalt d’ici 2019, a déclaré le directeur général Ivan Glasenberg aux analystes en août. »
Cependant, selon la Banque Mondiale, l’année 2018 devrait connaître une certaine accalmie sur les prix, même le prix de l’once d’or devrait être revu à la baisse, alors que le Cobalt et le Cuivre resteront hauts. La RDC devrait en effet tirer son épingle du jeu grâce la demande croissante en ces deux métaux, liée au développement de la voiture électrique.
Dans ce contexte économique fluctuant, le pays fait face à un défi énorme : réussir à profiter, et à faire profiter sa population, de ses immenses richesses minières. Car le secteur minier congolais est en fait mené par de nombreuses entreprises étrangères.
Accroître les recettes publiques, créer des emplois nationaux y compris aux postes de direction, imposer les entreprises locales… Kabila décide alors de prendre les taureaux étrangers par les cornes dans ce deuxième round de la bataille de l’indépendance autour de nos mines. Le Président congolais tente ainsi de reprendre la maîtrise des gisements du pays, pour en faire profiter les populations.
Initié depuis plusieurs moins, le projet de loi portant réforme du Code minier de 2002 a été définitivement adopté par les deux chambres du Parlement. Le texte instaure, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, une redevance sur les « métaux stratégiques », dont la liste sera définie par le Premier ministre, avec un taux à 10 %. Une avancée majeure qui permettra au gouvernement congolais de veiller aux intérêts du pays en surveillant de près ces métaux vitaux. A titre d’exemple, comme l’explique AFP, le cobalt et le cuivre sont seulement taxés à 2 % dans l’ancien code. Le nouveau code prévoit également une taxe de 50 % sur les super-profits (soit des revenus engrangés grâce à un niveau des prix de 25 % supérieur aux études de faisabilité bancaire).
Il faut soutenir Kabila
Bien sûr, la question de la corruption qui gangrène ce secteur reste cruciale. Plusieurs enquêtes indépendantes ont en effet épinglé des proches du président Joseph Kabila sur des détournements des contrats et recettes minières durant ses 17 ans au pouvoir. Néanmoins, le nouveau code, plus tactique, est salutaire pour le pays. Partout en Afrique, ou même dans l’Occident, les gouvernements développent de plus en plus des politiques nationalistes autours des minerais cruciaux pour leur développement. Il faudra certes lutter contre la corruption, mais freiner l’hémorragie dévastatrice causée par des miniers sans scrupules au pays est une priorité irréfutable vers l’indépendance économique que notre pays a toujours et se doit de rechercher.
Loin de la crise politique qui « bicéphalise » les opinions politiques au pays, ce nouveau code minier devrait cependant rencontrer le soutien des tous les Congolais qui aiment ce pays et aspirent à son développement. Certes, l’Etat de droit, une politique commerciale et financière responsable, une gestion équitable… doivent vite être mises en place. Cependant, cette fois, Kabila mène la bonne guerre pour notre pays.
LITSANI CHOUKRAN,
LE FONDÉ.