À Kiwanja, petite bourgade nichée au cœur du Nord-Kivu, où la verdure luxuriante se marie à la poussière rouge des chemins, un spectacle pour le moins inusité s’est déroulé sous les yeux mi-amusés, mi-incrédules de ses habitants. Le M23, dans une tentative audacieuse de se parer des couleurs de la légitimité congolaise, a orchestré un meeting public qui aurait pu prétendre au titre de la comédie de l’année, si seulement le contexte n’avait pas été si tragiquement sérieux. Sur la place centrale de Kiwanja, transformée pour l’occasion en une scène de théâtre à ciel ouvert, les nouvelles recrues du mouvement, toutes issues du PPRD, ont fait leur entrée, telles des stars montant les marches du festival de Cannes, mais sans le glamour, sans les paillettes, et surtout, sans le sens du timing.
À Kinshasa, alors que la nation est engagée dans une lutte existentielle contre l’agression du Rwanda, plus déterminé que jamais, un phénomène remarquable émerge : tous les cadres quittant la capitale pour participer à la « congolisation » du M23 entretiennent des liens étroits avec Joseph Kabila ou sont membres du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD). Cette situation crée une dissonance au sein du PPRD, provoquant une onde de choc à travers le pays et ravivant les souvenirs douloureux d’un passé marqué par les luttes pour la souveraineté. Les tentatives de rapprochement, aussi maladroites qu’inopportunes, entre le soutien au mouvement M23 et l’adhésion à l’Union Sacrée, contribuent à éroder la mémoire collective d’une nation encore traumatisée par son combat pour l’indépendance.
Incroyables justifications
Le M23, dont les attaches avec le Rwanda ne sont plus à débattre, incarne une violation de l’intégrité nationale, un rappel constant du fardeau de l’histoire. Dans ce théâtre d’ombres, les propos de Ferdinand Kambere et Papy Tamba, éminences du PPRD, projettent une lumière troublante sur les ambitions et les loyautés qui animent le parti. Leurs paroles, emportées par les vents de la controverse, dépeignent un paysage où les frontières entre allié et adversaire se brouillent dangereusement.
À cette cacophonie se mêlent les voix d’Adam Chalwe et de Corneille Nangaa, qui, en se ralliant à la cause du M23, semblent tisser une toile visant à légitimer un mouvement autrefois unanimement condamné. Par ces actes, le Rwanda cherche non seulement à pérenniser son influence mais aussi à parer son interventionnisme d’un voile de légitimité congolaise, en enrôlant des figures telles que Harni Magie et Yanick Tshisola.
Dans ce contexte, il est impératif de se remémorer que le PPRD, sous l’égide de Joseph Kabila, avait autrefois incarné la résistance face à l’adversité, en prenant les armes contre l’intrusion du M23. Comment, dès lors, peut-on concevoir qu’aujourd’hui, des membres de ce même parti puissent s’allier avec l’ennemi d’hier ?
Joseph Kabila doit reprendre ses fidèles
C’est dans ce décor chargé d’interrogations et de doutes que l’appel à Joseph Kabila se fait pressant. Il est crucial que l’ancien président, figure de proue du PPRD, prenne la parole pour dissiper le brouillard qui enveloppe les actions et les orientations de son parti. Son silence, jusqu’à présent, n’a fait qu’alimenter les spéculations et renforcer l’incertitude.
Au-delà de la nécessité d’une clarification, cet appel revêt une dimension symbolique profonde. Le PPRD, héritier de l’engagement et des luttes de Mzee Laurent Désiré Kabila pour l’intégrité et la dignité de la République Démocratique du Congo, se trouve à un carrefour historique. S’allier, de près ou de loin, avec le Rwanda constituerait non seulement une trahison de cet héritage mais aussi une dénaturation des principes fondamentaux qui ont guidé la résistance congolaise.
Dans ce moment critique de l’histoire congolaise, la voix de Joseph Kabila ne peut se permettre de rester en retrait. Son intervention est attendue, non seulement comme un devoir envers le parti qu’il a dirigé, mais surtout comme un acte de fidélité envers la mémoire de son père et la cause du peuple congolais. Dans ce récit de fidélité et de trahison, de mémoire et d’oubli, l’avenir de la République Démocratique du Congo se joue. La parole de Joseph Kabila pourrait bien être la clé qui ouvrira la porte vers la réconciliation ou, à défaut, plongera le pays dans les abysses de la division.
Litsani Choukran,
Le Fondé.