Sur la scène politique congolaise, un curieux banquet a été dressé. Les convives, autrefois ennemis jurés, s’installent autour de la table, chacun masquant à peine son mépris pour les autres. C’est une union de façade, une mascarade où l’ambition personnelle déguisée en quête commune éclate sous le vernis fragile de la rhétorique politique. Les maîtres de cérémonie ? Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Joseph Kabila et quelques figures secondaires comme Delly Sesanga, jouant les figurants dans ce théâtre tragique.

Ils se haïssent tous, mais ils s’unissent. Pourquoi ? Parce que la haine partagée pour Félix Tshisekedi les rassemble, comme des naufragés unis par la peur du requin plutôt que par l’envie de construire un radeau. Pourtant, dans cette assemblée d’ambitieux, les couteaux sont affûtés et les regards méfiants. Katumbi se souvient encore de la langue acérée de Fayulu, qui l’accusait de corruption. Fayulu, lui, n’a jamais digéré les soupçons d’opportunisme qui entourent Katumbi. Quant à Kabila, il observe de loin, le sourire narquois d’un homme qui sait que ses anciens persécuteurs partagent désormais son inconfort.

Une union bancale et éphémère

Cette nouvelle union ressemble à une vieille barque trouée, rapiécée à la hâte avec les lambeaux d’une idéologie partagée. Certains veulent réviser la Constitution, d’autres la préserver à tout prix. Certains combattent l’idée d’un troisième mandat, d’autres veulent le changement à n’importe quel prix. Mais personne ne semble avoir pris le temps de s’écouter. Ils avancent ensemble, mais en regardant dans des directions opposées.

L’histoire se répète. Les opposants congolais, emportés par l’euphorie de s’opposer, oublient toujours l’essentiel : l’unité d’objectifs, de valeurs et de vision. Ces alliances ne sont jamais construites pour durer, car elles reposent sur des sables mouvants. Combien de temps avant que cette union ne s’effondre sous le poids des ambitions personnelles ? Une semaine ? Un mois ? Peut-être tiendra-t-elle jusqu’au prochain courtisan qui viendra murmurer à l’oreille d’un de ses membres. Car, au fond, chacun ici a un prix.

L’Art de Mobiliser ou l’Illusion de la nostalgie

Mais au-delà de leur union douteuse, ces politiciens ont un défi bien plus grand : mobiliser une population qui, il y a à peine onze mois, a donné 73 % de ses voix à Félix Tshisekedi. Ils devront convaincre cette même population que leur mariage de convenance est une alternative crédible. Comment espèrent-ils rallier les foules quand eux-mêmes ne sont pas alignés sur ce qu’ils défendent ?

Ils parlent de changement, mais leur union est le reflet d’un éternel retour : celui de l’instabilité, des trahisons, des jeux d’influence. Ils prétendent incarner l’espoir, mais leurs querelles passées et leurs ambitions évidentes rappellent à chaque Congolais que ces alliances ne servent souvent qu’à nourrir les appétits individuels.

Cette union pourrait être une occasion de prouver que l’opposition congolaise a appris des échecs passés. Qu’elle peut transcender ses divisions et proposer une vision commune. Mais au lieu de cela, elle risque d’être un nouvel épisode de l’interminable comédie politique où les acteurs s’unissent pour mieux se dévorer.

Leur seule consolation ? Autour de Félix Tshisekedi, c’est presque le même banquet d’ambitieux. Là aussi, l’union se fait par opportunisme, et les alliés d’hier deviennent les fardeaux d’aujourd’hui. Entre partis de coalition aux agendas divergents et figures politiques prêtes à changer de camp au moindre vent favorable, le paysage est identique : alliances fragiles, objectifs flous, et une constante : chacun a son prix. Ce théâtre des vanités, bien qu’habillé d’une légitimité électorale, souffre des mêmes maux que celui de ses opposants. Peut-être est-ce là le véritable drame de la politique congolaise : une pièce sans héros, jouée par des acteurs interchangeables.

Litsani Choukran,
Le Fondé.

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