Jusqu’à deux millions de personnes8 en RDC dépendent directement de l’exploitation minière artisanale pour leur subsistance.Les mineurs nourrissent leurs familles en extrayant, en transformant et, dans certains cas, en transportant les minerais 3T ; ce faisant, ils jouent un rôle essentiel dans l’économie mondiale.La plupart d’entre nous ne pourraient pas imaginer leur vie sans la technologie moderne issue de ces minerais.Le tantale améliore la qualité audio de nos téléphones intelligents, le tungstène sert de dissipateur thermique et fait vibrer nos téléphones, l’étain sert de soudure sur les circuits imprimés et l’or est utilisé pour recouvrir le câblage.
Parce qu’il est non toxique et résistant à la corrosion, le tantale est utilisé dans les implants chirurgicaux et d’autres dispositifs médicaux, et il est devenu un composant essentiel dans la fabrication des pales de turbines, des tuyères de fusées et des nez d’avions supersoniques.Son utilisation dans les secteurs de la défense et de l’aérospatiale en particulier en a fait un minerai stratégique, convoité par les nations occidentales et asiatiques.
Le tantale devrait devenir de plus en plus important avec le déploiement de la 5G, qui alimentera la demande de voitures autonomes, d’appareils qui se connectent et échangent des données, de maisons et de villes intelligentes.
Tout vient de la RDC
L’Australie, qui représentait 50 à 60 % de l’offre mondiale de tantale, a fermé sa plus grande mine en 2008.Depuis 2011, la RDC et le Rwanda ont pris le relais.Selon les données officielles américaines, la RDC, le Rwanda et le Brésil représentaient ensemble 77 % de la production mondiale de tantale en 2020.La RDC a fourni près de 40 % de ce total, le Rwanda représentant 15 % de la production mondiale.
La souveraineté minière et la protection des mineurs congolais représentent aujourd’hui un enjeu majeur pour la RDC, du fait de la demande mondiale croissante et des futures innovations.
Rapport du cabinet AMSTERDAM & PARTNERS LLP
La souveraineté minière et la protection des mineurs congolais représentent aujourd’hui un enjeu majeur pour la RDC, du fait de la demande mondiale croissante et des futures innovations.Les décisions prises par le gouvernement de la RDC concernant les droits d’accès aux minerais, les conditions de travail des mineurs et les revenus apportés par les concessions minières détermineront la sécurité et l’avenir économique de ce pays de 112 millions d’habitants.
En mars 2023, le ministre des Finances de la RDC, Nicolas Kazadi, a déclaré que son pays perdait près d’un milliard de dollars par an du fait de la contrebande rwandaise. Le ministre a déclaré que le Rwanda avait exporté près d’un milliard de dollars d’or, d’étain, de tantale et de tungstène l’année dernière, alors que le pays ne possède que peu de gisements miniers dans son sous-sol. « Tout provient de la RDC, c’est évident », a-t-il déclaré au Commodities Global Summit organisé par le Financial Times à Lausanne. « Il ne s’agit pas seulement d’allégations, mais de preuves. »
En octobre 2023, l’Union européenne (UE) a signé un protocole d’accord avec la RDC et la Zambie pour un partenariat sur les chaînes de valeur des matières premières critiques et stratégiques et s’est engagée à participer au financement des infrastructures nécessaires ainsi qu’à la promotion d’une exploitation durable et responsable.12 Selon l’UE : « La garantie par l’UE d’un approvisionnement durable en matières premières, en particulier en matières premières critiques, est une condition préalable essentielle à la réalisation des objectifs en matière d’énergie verte et propre. »
En Février 2024, l’UE a annoncé un partenariat similaire avec le Rwanda pour sécuriser l’approvisionnement en minerais indispensables au secteur de la technologie « verte ».13 Le protocole d’accord entre l’UE et le Rwanda entend « favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques » ; les investissements de l’UE au Rwanda entre 2021 et 2024 ont déjà atteint 260 millions de dollars. Selon l’UE : « Les chaînes de valeur pour les minerais sont essentielles pour l’économie du Rwanda. Le pays est un acteur majeur au niveau mondial dans le secteur de l’extraction de tantale.Il produit également de l’étain, du tungstène, de l’or et du niobium, et dispose de réserves de lithium et de terre rares.En outre, grâce à l’État de droit et à un environnement favorable aux investissements, le Rwanda a la capacité de devenir une plaque tournante dans le domaine de la création de valeur ajoutée dans le secteur des minerais. »
Le Président du Rwanda lui-même, Paul Kagame, a reconnu que son pays est une plateforme commerciale pour les minerais congolais de contrebande.
AMSTERDAM & PARTNERS LLP
Cette annonce par l’UE a été immédiatement condamnée par le gouvernement de la RDC ainsi que par la société civile.Le Président Félix Tshisekedi a qualifié cet accord de « provocation de très, très mauvais goût » qui va encourager le pillage et la fraude. Il a affirmé que ce protocole d’accord va permettre au Rwanda de recevoir les dividendes tirés du « sang de (ses) compatriotes ». Citant d’autres accords entre l’UE et la Rwanda, sur des sujets militaires et de sécurité, le Ministre des Affaires Étrangères Christophe Lutundula a accusé l’Union Européenne d’être complice de l’agression et de l’exploitation de la RDC.
Dans le même temps, le Président du Rwanda lui-même, Paul Kagame, a reconnu que son pays est une plateforme commerciale pour les minerais congolais de contrebande.Il a précisé que les minerais congolais traversent le Rwanda pour rejoindre Bruxelles, Tel Aviv, la Russie et Dubaï, entre autres destinations.
Les crimes associés au blanchiment de minerais de sang de la RDC vers Rwanda
De nombreux acteurs de la chaîne d’approvisionnement en minerais ont profité de la contrebande des minerais de sang de la RDC ou de la commercialisation des minerais blanchis de la RDC.C’est avant tout le régime rwandais qui a profité de cette exploitation illicite, mais aussi les entreprises qui ont acheté des minerais blanchis au Rwanda.Les preuves de l’exploitation illicite de ces ressources par le Rwanda au cours des décennies sont accablantes. Cela exclut toute justification de déni plausible des responsables d’entreprises et des personnes qui ont travaillé pour des programmes internationaux de compliance.
Les crimes associés au blanchiment des minerais congolais et à la commercialisation des minerais blanchis sont notamment constitués de:
- Violations des droits de l’homme – notamment la violence, les déplacements massifs de populations, l’exploitation sexuelle, la perte de revenus et toutes les formes de traitement dégradant – liées à l’extraction, au transport et au commerce des minerais congolais qui font l’objet d’un trafic vers le Rwanda ; soutien direct ou indirect à des groupes terroristes, à des forces de sécurité publiques ou privées là où des groupes contrôlent des sites miniers, les voies de transport ou les lieux où les minerais sont commercialisés, ou dans les cas où ces groupes taxent ou extorquent illicitement de l’argent ou des minerais aux points d’accès aux sites miniers, le long des voies de transport ou aux lieux où les minerais sont commercialisés de manière illicite ;
- Pots-de-vin, corruption et déclarations fausses et frauduleuses sur l’origine des minerais.Il peut s’agir d’abus de pouvoir de la part d’agents publics dans leurs interactions avec les citoyens dans des lieux tels que les sites miniers, les itinéraires de transport des minerais, les points de contrôle de sécurité, les maisons de commerce, les aéroports et les ports tout au long de la chaîne d’approvisionnement en minerais ;
- Le blanchiment de capitaux basé sur le commerce (Trade Based Money Laundering) : il s’agit de déguiser les produits de la criminalité et de déplacer leur valeur monétaire en utilisant des transactions commerciales pour tenter de légitimer l’origine des minerais.En enregistrant des valeurs incorrectes des cargaisons de minerais de la RDC sur les documents douaniers et d’autres processus, les acteurs criminels ont été en mesure de justifier des transactions illicites en les déguisant en flux commerciaux légitimes ;
- Racket, qui consiste à tirer des profits illicites de la contrebande de minerais ;
- Évasion fiscale : outre les droits et redevances dus aux gouvernements, les entreprises sont censées divulguer les paiements conformément aux principes énoncés dans le cadre de l‘Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (Extractive Industries Transparency Initiative).
DANS CE DOSSIER
1ère partie (en cours de lecture):
— Tout vient de la RDC
— Les crimes associés au blanchiment de minerais de sang de la RDC vers Rwanda
2ème partie (à venir):
— Les racines d’une guerre sans fin autour de l’extraction artisanale des minerais de sang
— Le détournement de la réglementation relative à la chaîne d’approvisionnement en minerais 3t
— Les principaux acteurs occidentaux du blanchiment de minerais de sang en provenance de la RDC
3ème partie (à venir):
— Cas récents de commerce illicite de minerais de sang en provenance de la RDC
— Les mécanismes de la fraude au Rwanda
— Les profiteurs de la commercialisation des minerais de la RDC par le Rwanda