Le 16 mai à Paris, une délégation des Forces de défense rwandaises (RDF), dirigée par le Brigadier Général P. Karuretwa, a conclu la deuxième réunion de la Commission Militaire Conjointe avec l’État-Major français. Les deux parties ont examiné l’état de leur coopération en matière de défense et ont signé une nouvelle feuille de route qui guidera la coopération bilatérale entre les deux nations jusqu’en 2025. Depuis la reprise des relations diplomatiques en 2021, Kigali et Paris avancent rapidement dans leur coopération, un rapprochement qui suscite des interrogations sur la sincérité de la position française vis-à-vis de la République démocratique du Congo (RDC).
Cette rencontre militaire intervient à peine après la visite du président congolais, Félix Tshisekedi, en France. Le chef de l’État congolais a été reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron le 30 avril, pour discuter de la situation sécuritaire dégradée dans l’Est de la RDC. Lors de cette rencontre, la question de la sécurité dans l’Est du Congo, déchiré par les groupes armés et dont le territoire est grignoté par le mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda, était au cœur des discussions.
Emmanuel Macron avait alors exhorté le Rwanda à « cesser tout soutien » aux rebelles congolais du M23 et à « retirer ses forces » du pays. « La France ne transigera jamais sur l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République démocratique du Congo », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse commune avec Félix Tshisekedi.
Cependant, ces déclarations contrastent fortement avec les actions concrètes de la France. Tandis que Macron affiche un soutien public à la RDC, la signature d’une nouvelle feuille de route militaire avec le Rwanda révèle une duplicité préoccupante. La coopération renforcée entre Kigali et Paris, symbolisée par cette nouvelle étape, intervient dans un contexte de tensions régionales et de défis sécuritaires majeurs pour la RDC.
Le double jeu de Paris
Sous le double mandat de Macron, Paris a opéré un rapprochement historique avec Kigali, en reconnaissant les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France au Rwanda pendant le génocide des Tutsis de 1994. En 2021, Macron a visité le Rwanda et un ambassadeur français a été nommé à Kigali après six ans d’absence.
Malgré les déclarations de Macron sur la nécessité pour le Rwanda de retirer ses forces de la RDC, la France continue de renforcer ses liens militaires avec Kigali. La nouvelle feuille de route militaire signée avec les Forces de défense rwandaises en est une illustration claire. Cette contradiction entre le discours et les actes de la France révèle une duplicité qui mine la confiance de la RDC en ses alliés occidentaux. Par ailleurs, pendant que le président congolais demande désormais des sanctions contre Kigali, comparant l’« agression » du Congo par le Rwanda à l’invasion russe en Ukraine, la France ne prend aucune décision en ce sens.
Face à la RDC, Emmanuel Macron marche sur un fil diplomatique. D’un côté, il est l’allié inconditionnel du Rwanda, de l’autre, il se pose comme médiateur, tout en multipliant des déclarations contradictoires. En effet, le 23 avril dernier, lors d’une conversation téléphonique, Macron a invité Paul Kagame à renouer le dialogue avec Félix Tshisekedi en appelant au « respect de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo ».
La coopération militaire renforcée entre Kigali et Paris souligne la complexité des relations internationales dans la région. Tandis que la France affiche un soutien public à la RDC, ses actions en coulisses avec le Rwanda mettent en lumière une duplicité qui pourrait compliquer les efforts de paix et de stabilité dans la région.